Après avoir écouté l’intégralité du discours de campagne d’Alpha Condé, adressé à la population de Kankan, dans un Malinké escamoté, ma modeste expérience de journaliste politique me permet d’en tirer quelques enseignements :
1- Le désespoir, la peur, le manque cruel d’arguments basés sur les résultats de sa gouvernance, lorsqu’il affirme : 《 Nous ne sommes que deux candidats pour cette élection présidentielle: Cellou et moi. Tous les autres candidats sont prêts à s’aligner derrière lui. Si vous votez pour un Malinké qui n’est pas du RPG, vous auriez concédé vos voix à Cellou》. Alpha est dès lors convaincu qu’il pourrait être lâché par son ancien fief dont les citoyens avertis sont à même d’empêcher les fraudes pour appuyer Cellou Dalein dans sa stratégie de sécurisation des votes sur toute l’étendue du territoire national.
2- Le despotisme, le régionalisme, le népotisme et l’ethnocentrisme ont été les maîtres-mots de son discours, en déclarant : 《 Les Peuls n’ont présenté aucun candidat contre Cellou. C’est contre moi que des Malinkés se sont présentés, puisqu’ils sont prêts à rejoindre Cellou. J’ai nommé Salim Cissé dans les fonctions de Ministre d’État à la Présidence, uniquement pour gérer les dossiers d’assistance sociale à nos militants éprouvés. C’est la Haute-Guinée qui m’a permis d’être élu Président de la République. Alors je reste confiant, quant à la loyauté constante de Kankan, de Siguiri, de Kouroussa, de Mandiana et de Kérouané, pour m’élire encore cette année 》. On comprend dès cet instant le mépris d’Alpha Condé envers les autres préfectures du pays. Il revient désormais aux laborieuses populations des préfectures non citées d’en tirer les conséquences. Créer tout un ministère d’État à la Présidence, uniquement pour la gestion des aides destinées aux familles de militants éprouvés d’un parti politique, ne constitue-t-il pas un parjure et un déni de pouvoir, d’autant plus qu’un Président de la République est élu pour l’ensemble des citoyens du pays. Il suffit de bien gouverner, en créant des emplois, en réalisant des infrastructures et en améliorant les services sociaux de base pour que tous les Guinéens y trouvent leur compte. Il ne s’agit pas d’appauvrir les Guinéens pour leur offrir des miettes en vue de les prendre en otage.
3-Des injures de trop envers la Haute-Guinée, une région qu’Alpha risque d’exposer, gratuitement, à la colère des autres régions, via des promesses électorales à répétition jamais réalisées. Alpha profère : 《Si vous m’elisez cette fois-ci, je vais m’employer à réparer tous les tords qui vous ont été causés par les cadres indélicats de notre parti qui vous ont ignorés après leur nomination dans les hautes fonctions administratives. Ce n’est pas ma faute, si les promesses n’ont pas été tenues, si vous n’avez pas été récompensés à la hauteur de vos efforts en faveur du parti. Ce sont vos fils qui servent d’intermédiaires entre nous qui n’ont pas joué leur partition 》. Quelles insultes à nos parents !
Bref, Cellou et ses militants doivent éviter les moindres dérapages, en exploitant les aveux de faiblesses avérées d’Alpha Condé, qui est convaincu, lui-même, de l’éventualité de l’élection de son principal opposant à la magistrature suprême du pays, d’autant plus qu’Alpha redoute un vote-sanctions en Haute-Guinée et la réussite possible de la stratégie de sécurisation des votes prônée par Cellou Dalein Diallo.
Cellou doit, quant à lui, véhiculer un message rassembleur et d’unité nationale, sensibiliser ses militants à se procurer leur carte d’électeur et à ne pas céder à la provocation. La peur a déjà changé de camp. Mais, cela ne doit pas conduire à la distraction et au relâchement du combat. Il faut rester mobilisés, concentrés et vigilants, puisqu’Alpha Condé est un renard politique. Wassalam!
Mandian SIDIBE
Journaliste exilé à Paris
