
Les violons — sous toutes leurs formes — ont aussi leur mot à dire dans les musiques du continent. Tour d’horizon, avec escales chez celles et ceux qui les ont rendus célèbres hier, ou les mettent à l’honneur aujourd’hui.
Masinko éthiopien
Comme la lyre krar ou le tambour kebero, la vièle monocorde éthiopienne aussi appelée washint est l’instrument de prédilection des azmaris, ces musiciens qui agitent les nuits des cabarets populaires d’Addis-Abeba grâce à leur faconde de chroniqueur social et leur impressionnante capacité d’improvisation — les deux qualités d’un bon azmari. Du Sostu au Yeweddal, le cabaret (azmaribeth) du célèbre joueur de washint Adanèh Tèka, les azmaribets demeurent des lieux de catharsis collective autant des passages obligés pour qui pose le pied en Éthiopie. C’est le cas de The Ex, groupe de post-punk expérimental néerlandais, qui sortait Lale Guma/Addis Hum en 2015, fruit de leur collaboration avec les musiciens de l’incontournable Fendika, tenu par le danseur Melaku Belay sur Zewditu Street. Dans ce disque hybride, le washint d’Endris Hassen se mêle aux riffs abrasifs de The Ex, offrant à cet instrument traditionnel une texture plus underground qu’à l’ordinaire.

Bien sûr, les grandes figures de l’âge d’or du Swinging Addis l’ont également incorporé à leurs grooves fiévreux, de Getatchew Mekurya à Hailu Mergia. Mais c’est chez Mulatu Astatke que le washint prend une nouvelle dimension, psychédélique, en particulier dans Inspiration Information 3 qui réunit le pionnier de l’éthio-jazz et le collectif londonien The Heliocentrics (Strut Records, 2009). Dans « Masenqo », dédié à l’instrument, le washint se retrouve pris en étau parmi les distorsions… d’une harpe et d’un thérémine ! Pas de doute, le washint se prête bien aux approches expérimentales : mystique chez The Pyramids en 1973 après un voyage sur les traces des chrétiens coptes de Lalibela au nord de l’Éthiopie et joué par Idris Ackamoor lui-même — « C’était comme jouer sur une œuvre d’art très spirituelle », se souvient-il. « J’ai encore ce washint pendu au mur chez moi, c’est un objet magnifique, sculpté, avec la croix d’Éthiopie. Il n’y pas de frettes donc c’est l’âme qui guide le jeu. » — le washint se voit aujourd’hui transformé en beats club par le producteur éthiopien Endeguena Mulu, qui se considère comme un azmari électronique.
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