Le premier vaccin contre le paludisme à l’essai
Fabriqué par le laboratoire GSK, le vaccin met jusqu’à 39 % d’enfants vaccinés à l’abri de la maladie.
10.000 doses sont disponibles pour la phase pilote, qui aidera à mieux en maîtriser les effets secondaires
Le lancement de la phase pilote du RTS,S le premier vaccin capable de réduire de manière significative le paludisme chez l’enfant, a eu lieu ce mardi au Malawi.
Selon un communiqué de presse de l’OMS qui annonce l’information, il s’agit d’une campagne de vaccination pilote qui cible des enfants de moins de deux ans. L’organisation ajoute que « le programme pilote est conçu pour générer des preuves et une expérience permettant d’éclairer les recommandations concernant l’utilisation plus large du vaccin. »
L’OMS indique que la campagne a pour vocation de réduire le nombre de décès parmi les enfants, de favoriser le recours au vaccin, et notamment de voir si les parents amènent leurs enfants à temps pour recevoir les quatre doses nécessaires, et d’évaluer la sécurité du vaccin dans le contexte d’une vaccination systématique.
“On est sur la bonne voie. On peut se dire que 4 enfants sur 10 vivant dans les régions pilotes vont éviter un épisode de paludisme, voire de paludisme sévère.”
Yap Boum II, enseignant-chercheur à la faculté de médecine de l’université de Yaoundé I – Cameroun
En effet, les conditions d’administration du vaccin semblent déterminantes pour son efficacité et tiennent particulièrement à cœur au laboratoire anglais GlaxoSmithKline (GSK), son fabricant.
« Les résultats de l’essai d’efficacité de phase III indiquent que s’il est administré correctement, le RTS,S pourrait prévenir des milliers de cas de paludisme », souligne Simon Moore, le porte-parole de GSK.
« Sur une période de 15 ans, les chercheurs ont estimé que 4 doses de RTS,S pourraient prévenir 1 décès pour environ 200 enfants vaccinés », illustre-t-il dans un entretien accordé à SciDev.Net.
L’odyssée du RTS, S : Etapes-clés
Odysee final
De son côté, l’OMS a noté que chez les enfants âgés de 5 à 17 mois ayant reçu 4 doses de RTS,S, le vaccin a évité environ 4 cas sur 10 (39 %) de paludisme pendant 4 années de suivi et environ 3 cas sur 10 (29 %) de paludisme grave.
A en croire Simon Moore, ces statistiques proviennent des essais de phase III réalisés pendant quatre ans, sous la conduite du laboratoire GSK sur 12.000 enfants de moins de 5 ans, dans 9 pays d’Afrique subsaharienne. Ces essais ont, précise Simon Moore, montré que « le vaccin était généralement bien toléré, avec des effets indésirables similaires à ceux des autres vaccins pour enfants ».
Les essais en question ont été réalisés avec la collaboration d’un réseau d’instituts africains de recherche en santé. Parmi ceux-ci, le Centre de recherches médicales de Lambaréné (Cermel), au Gabon.
Essais
Selidji Agnandji Todagbe, directeur au Cermel, raconte l’expérience de cet établissement dans le cadre des essais : « Pour RTS,S, la vision de l´OMS était d´avoir un vaccin contre le paludisme que l´on pouvait introduire dans le programme élargi de vaccination, c´est-à-dire le donner à des enfants âgés de 6 à 12 semaines en co-administration avec d´autres vaccins », dit-il.
Mais, poursuit-il, « nos résultats ont montré qu´il faut plutôt le considérer chez des enfants âgés de 5 à 17 mois et sans co-administration ».
En somme, résume le chercheur, « la position officielle de l´ensemble des investigateurs africains ayant conduit cet essai est de contribuer à ce que les autorités de régulation sanitaires africaines considèrent RTS,S comme outil potentiel de la panoplie des moyens de lutte contre le paludisme ».
Le professeur Yap Boum II, enseignant-chercheur à la faculté de médecine de l’université de Yaoundé I au Cameroun n’a pas pris part à ces essais. Mais, il salue l’avènement de ce vaccin. « C’est déjà une très bonne chose que nous ayons un vaccin contre le paludisme qui montre une telle efficacité. On est sur la bonne voie. On peut se dire que 4 enfants sur 10 vivant dans les régions pilotes vont éviter un épisode de paludisme, voire de paludisme sévère », confie-t-il à SciDev.Net.
Effets secondaires
L’optimisme des ces chercheurs n’est pas ébranlé par les effets secondaires rapportés lors des essais de ce vaccin. Selon un document produit par l’OMS, ces effets indésirables sont notamment des douleurs et une tuméfaction au point d’injection, ainsi que de la fièvre pouvant aller jusqu’à des convulsions et à des cas de méningite.
« Il y a eu effectivement plus de cas de méningite survenus chez les enfants ayant reçu RTS,S que chez les enfants ayant reçu les vaccins contre la méningite et la rage. Cependant, la certitude que le vaccin RTS,S en est la cause est discutable », concède Selidji Agnandji Todagbe.
« De ce que j’ai lu, les convulsions sont apparues en très faible nombre et ont toutes été résolues. Cette phase pilote pourrait contribuer à collecter davantage de données sur la sécurité de ce vaccin et sur la prise en charge de ses effets secondaires en conditions de vie réelle », analyse pour sa part Yap Boum II.
Aussi les chercheurs africains ayant conduit ces essais, réunis au sein du CTPCi (Clinical Trial Partnership Committee of investigators), ont-ils signé une pétition pour que la phase pilote de ce vaccin ne soit pas abandonnée. Et à en croire Selidji Agnandji Todagbe, la question de la méningite devrait être abordée de nouveau dans cette phase pilote.
« Le suivi de ce vaccin nous dira bien si ses effets secondaires persistent et surpassent les effets bénéfiques », renchérit Yap Boum II, s’appuyant sur Paracelse, médecin suisse du XVe et XVIe siècles, qui affirma que « c’est la dose qui fait le poison ».
10 millions de doses
Pendant ce temps, chez GSK où la mise au point de RTS,S aura duré 30 ans, on apprend de Simon Moore que 10 millions de doses de vaccins vont être mises à disposition pour cette phase pilote qui, après le Malawi, va se poursuivre au Kenya et au Ghana.
Le porte-parole du laboratoire souligne que comme pour tout autre produit, et conformément à la réglementation nationale, le comportement du RTS,S continuera d’être surveillé. « Tous les signaux d’innocuité observés au cours de la phase d’essais cliniques feront l’objet d’une surveillance étroite au fur et à mesure de l’introduction du vaccin », assure-t-il.
Mais, d’ores et déjà, Selidji Agnandji Todagbe estime à titre personnel que ce nouveau vaccin n’est pas indiqué pour être introduit dans un programme élargi de vaccination.
« Il mériterait d´être considéré comme un outil additionnel à ceux existant pour mener des campagnes de masse en vue de l´élimination du paludisme. Son principal défaut est de n´avoir pas été évalué avec une telle vision », explique-t-il.
Pour ce chercheur, la société et les autorités sanitaires africaines devraient toutefois s’emparer du débat relatif à son utilité et organiser des discussions basées sur les niveaux de preuve et l’objectif qu’est l’élimination du paludisme qui, en 2017, a causé 403.000 décès en Afrique (93% du total mondial), d’après les chiffres de l’OMS.