« Tirant les conséquences de votre silence, depuis le 4 avril 2019, jour de notre entretien et de la remise du courrier vous demandant de me remplacer dans mes fonctions de ministre de la Justice, garde des sceaux, je vous présente ma démission du gouvernement », a écrit Cheick Sako dans une correspondance adressée au président de la République de Guinée, Alpha Condé. Pourquoi celui-là qui exerçait la profession d’avocat à Montpellier, en France, avant son entrée dans le gouvernement, a-t-il décidé de claquer bruyamment la porte ? Difficile d’y répondre. Pour le moins, on sait que le désormais ex-Garde des sceaux est farouchement opposé à toute modification constitutionnelle aux fins de permettre au président Condé de briguer un troisième mandat. Certes, le président guinéen ne s’est jusque-là pas clairement prononcé sur le sujet, préférant se claquemurer dans un silence coupable. Mais ses faits et gestes laissent croire qu’il n’a pas l’intention de faire valoir ses droits à la retraite à l’issue de son deuxième et en principe, dernier mandat constitutionnel en cours. Et en la matière, la recette est bien connue. On laisse s’agiter les thuriféraires comme ce fut le cas au Burkina Faso avec Blaise Compaoré qui, jusqu’à ce qu’il soit chassé en plein midi du palais de Kosyam, un certain 31 octobre 2014, n’avait jamais dit clairement qu’il rêvait d’un pouvoir à vie. En tout cas, pour éviter donc de se rendre complice d’une forfaiture devant l’Histoire, le ministre guinéen de la Justice, lui, a préféré prendre ses responsabilités en quittant l’Exécutif pendant qu’il est encore temps.
Le président Alpha Condé gagnerait à lire le signe des temps
Il refuse d’être un béni oui-oui pour tout simplement s’accrocher à ses privilèges de ministre de la République. C’est tout à son honneur. Car, sous d’autres cieux, pour paraphraser Jean Pierre Chevènement, « un ministre ça mange et ça se tait ». Même quand le prince régnant est en train d’aller à la dérive, on laisse faire quand on ne l’y encourage pas au motif farfelu qu’il faut préserver la cohésion gouvernementale. C’est ce qui explique que le dernier gouvernement de Blaise Compaoré a maille à partir avec la Justice burkinabè qui le poursuit « solidairement » pour complicité de coups et blessures volontaires et complicité d’homicides volontaires dans le cadre des violences enregistrées pendant l’insurrection populaire. Cela dit, le président Alpha Condé gagnerait à lire le signe des temps. Il aurait tort de faire le dos rond, de minimiser les appels qui se multiplient contre toute modification de la Constitution en Guinée. Et le départ d’un de ses proches collaborateurs du gouvernement, devrait le faire réfléchir. Car si Blaise Compaoré est aujourd’hui contraint à vivre en exil, c’est parce pendant longtemps, il se croyait plus fort que le peuple burkinabè qui, finalement, lui a démontré le contraire. Condé veut-il courir le même risque en engageant un bras de fer avec son peuple ? Si c’est le cas, ce sera bien dommage pour cet ancien opposant historique, qui apportera alors la preuve qu’il a oublié d’où il vient.
Lebanco