Rappel historique
En novembre 2001, un référendum visant essentiellement la suppression de la disposition de limitation des mandats présidentiels permit au Président d’alors de modifier la Constitution et de se maintenir au pouvoir après l’expiration de son dernier mandat.
Ce référendum inaugura une longue période d’instabilité politique, économique et sociale qui atteindra son paroxysme avec les grèves, manifestations, mutineries et émeutes de 2006-2007, au cours desquelles les guinéens se mobilisèrent comme un seul homme pour exiger le respect des principes démocratiques et de l’État de droit. Ces événements firent payer un très lourd tribut au Peuple de Guinée.
La Guinée entra dans une longue et difficile impasse qui conduisit au coup d’État militaire de décembre 2008, survenu quelques heures seulement après l’annonce du décès du Président de la République. L’ordre constitutionnel fut suspendu, et les Institutions républicaines dissoutes. Une périlleuse période de transition s’en suivit, marquée de répressions menées à l’encontre de paisibles citoyens, ainsi que d’acteurs politiques et sociaux.
Cette période de transition prît des tournures dramatiques lorsque la junte militaire décida de confisquer le pouvoir contre la volonté populaire. C’est ainsi qu’une intervention des forces de défense et de sécurité fit 157 morts et des cas de viols et de blessés graves en 2009, lors d’un meeting au cours duquel les populations de Conakry, réunies au stade du 28 septembre, vinrent manifester pacifiquement leur opposition à un nouveau régime militaire.
Face à l’émotion mondiale suscitée par ce drame, la CEDEAO se saisit de cette crise particulièrement douloureuse pour la Guinée et dangereuse pour la sous-région, en convoquant un sommet extraordinaire des Chefs d’État et de gouvernement à Abuja le 17 octobre 2009, et en nommant comme médiateur le Président de la République du Burkina Faso afin de faciliter le retour à l’ordre constitutionnel.
La communauté internationale dans son ensemble, y compris les chancelleries des principaux pays de la sous-région accréditées en Guinée, se mobilisa au chevet du pays dans le cadre du Groupe international de contact (GIC-G), placé sous l’égide des Nations Unies, pour appuyer la médiation de la CEDEAO. C’est sous ce parrainage de la communauté internationale qu’un accord fut signé à Ouagadougou le 15 janvier 2010 entre la junte au pouvoir et les Forces vives de la Nation en vue d’une sortie de crise.
Cet accord de sortie de crise intitulé « Déclaration conjointe de Ouagadougou » portait essentiellement sur : 1) la relance du processus démocratique pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel et à l’Etat de droit ; 2) la création d’un cadre juridique favorable à l’organisation d’élections libres et transparentes, et la restauration des institutions républicaines ; 3) le transfert du pouvoir aux civils par l’Armée guinéenne.
Deux organes principaux furent créés par les parties prenantes pour la mise en œuvre dudit accord : un Gouvernement d’union nationale et un Conseil National de Transition (CNT), ce dernier faisant office de parlement de transition. C’est dans ce contexte que la Constitution du 7 mai 2010 a été élaborée et adoptée.
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Dès lors, il est aisé de comprendre que la Constitution actuelle, résultat d’une solution de sortie de crise, est l’émanation d’un consensus solide entre acteurs nationaux et internationaux soucieux de la stabilité et de la sécurité en Guinée et dans la sous-région, ainsi que de la paix et de la cohésion nationale dans notre Pays.
Ce sont ces précieux acquis et ces réelles opportunités d’ancrage de la démocratie et de l’État de droit, arrachés de haute lutte, qui sont aujourd’hui menacés par les velléités de présidence à vie du Chef de l’État Alpha CONDE.
Considérations juridiques
Les dispositions de l’article 27 de la Constitution du 7 mai 2010 régissent la question liée à la durée et au nombre de mandats du Président de la République en ces termes : « […] La durée de son mandat est de 5 ans, renouvelable une fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non. »
De façon générale, la Constitution aborde le thème de la révision dans son titre XVIII à travers les articles 152, 153 et 154. L’article 154 dispose : « La forme républicaine de l’État, le principe de la laïcité, le principe de l’unicité de l’État, le principe de la séparation et de l’équilibre des pouvoirs, le pluralisme politique et syndical, le nombre et la durée des mandats du Président de la République ne peuvent faire l’objet d’une révision ». Cet article apparait ainsi comme un complément de l’article 27 en ce sens qu’il empêche toute modification de la durée et du nombre de mandats.
Les dispositions combinées des articles 27 et 154 de la Constitution du 7 mai 2010 qui garantissent le principe de l’alternance démocratique empêchent le Président de la République de s’octroyer un troisième mandat. Tout mandat supplémentaire ou glissement de mandat en cours serait, en l’état actuel du droit positif, inconstitutionnel. C’est pour contourner ces dispositions intangibles que le pouvoir envisage l’élaboration d’une nouvelle Constitution par voie de référendum.
Le régime juridique applicable au référendum est fixé par les articles 51 et 152 de la Constitution du 7 mai 2010. Le recours au référendum strictement encadré par ces articles ne peut servir de fondement légal à l’élaboration d’une nouvelle Constitution étant entendu que dans les deux cas, le référendum ne peut avoir lieu que conformément à la présente Constitution, notamment en son article 2 en vertu duquel : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants élus et par voie de référendum. Aucune fraction du peuple, aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. La souveraineté s’exerce conformément à la présente Constitution qui est la Loi suprême de l’État… ».
En effet, une nouvelle Constitution n’est proposée qu’en cas de rupture de l’ordre constitutionnel existant provoqué par une crise généralisée, une révolution, un coup d’état ou en cas de création d’un nouvel État. Or, rien en l’espèce ne justifie l’élaboration d’une nouvelle Constitution au détriment de la révision. En outre, il sied de souligner que le principe de l’alternance démocratique est garanti aussi bien par la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la Gouvernance, que par le Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance.
Environnement politique et socio-économique
Contexte politique
Malgré les immenses sacrifices humains et matériels consentis par ses raves populations pour l’avènement de l’État de droit, et les efforts de la communauté internationale pour endiguer les crises récurrentes qui la secouent, la Guinée semble n’avoir tiré aucune leçon ni de son passé récent, ni des tensions qui ont ébranlé ses pays voisins. Elle ne semble même pas avoir été inspirée par les bons exemples de gouvernance politique dans la sous-région.
En effet, les violences politiques résultant d’élections contestées, les manifestations réprimées dans le sang, le non-respect des accords de sortie de crise nés de la violation de la Constitution et des lois de la République, en sont des illustrations. En outre, les velléités de contrôle de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), laquelle n’a jamais réussi à rassurer par son professionnalisme et sa neutralité, sont sources de tensions constantes et de défiance entre les différents acteurs d’une part, et la population de l’autre.
Les élections municipales du 04 février 2018 qui peinent encore à trouver leur épilogue plus d’un an après leur organisation, le retard volontairement accusé dans l’installation des institutions de la République, leur assujettissement total à l’Exécutif, l’absence de recours, l’expiration du mandat des députés, l’interdiction des manifestations sont autant de marqueurs négatifs permettant de constater le déclin de notre démocratie en gestation.
Face aux multiples revendications sociales et politiques, les gouvernants, plutôt que de privilégier le dialogue, tiennent des discours et posent des actes confinant à l’arrogance et au mépris, d’où le profond malaise et les nombreuses frustrations politiques dont les répercussions sur la sphère économique ne se font pas attendre.
Contexte socio-économique
Les huit dernières années ont été émaillées de tensions politiques et de violences créant dans le pays un environnement défavorable à tout développement économique et social durable. Cette situation est vécue par les populations comme une grosse déception au regard de l’immense espoir suscité par le retour à l’État de droit advenu au terme de la transition militaire en 2010. L’instabilité politique a généré une baisse notable des activités du secteur privé, et plus particulièrement celles des opérateurs économiques nationaux, une forte détérioration du pouvoir d’achat des populations et de la sécurité des citoyens, l’exacerbation des inégalités, la dépréciation des conditions de vie des femmes et des travailleurs, la perturbation du secteur de l’éducation par les grèves syndicales récurrentes souvent réprimées, l’accroissement du chômage des jeunes avec pour corollaire la poussée migratoire qui fait aujourd’hui de la Guinée, le deuxième pays pourvoyeur de demandeurs d’asile en France derrière l’Afghanistan. Cette situation socio-économique peu reluisante est aggravée par la banalisation de la corruption encouragée par une impunité inédite, très mal vécue par les populations, dont l’extrême pauvreté contraste avec l’opulence d’une infime minorité d’élites.
Risques encourus
Le contexte ci-dessus décrit est le fait d’une gouvernance qui a conduit progressivement le pays dans un déni de démocratie, illustré par de nombreuses atteintes aux libertés d’expression, tout en aggravant le sentiment d’injustice sociale et les frustrations, au point que l’écrasante majorité des guinéens ont du mal à contenir leur désenchantement. C’est dans ce climat politique et socio-économique explosif qu’un groupuscule d’individus souhaitant maintenir l’État sous son emprise, a entrepris ce projet de nouvelle Constitution avec pour objectif ultime l’instauration d’une présidence à vie. Une telle entreprise, s’inscrivant à contrecourant de l’histoire et de la marche du monde, méprise fondamentalement tous les immenses sacrifices consentis par le Peuple et l’armée guinéenne, laquelle a volontairement renoncé au pouvoir en 2010, ainsi que les efforts fournis par la communauté internationale en vue du retour de la démocratie, de la stabilité et de la paix sociale.
Dans un contexte sociopolitique aussi délétère que celui de la Guinée d’aujourd’hui, l’annonce d’un tel projet risque de donner lieu à un embrasement populaire. Ce risque est aisément perceptible à travers la montée progressive de tensions autour de la prolifération de mouvements d’opposition au troisième mandat présidentiel, alors que prévaut une interdiction générale de manifester appuyée par l’installation permanente de postes armés (PA) dans la capitale. Pourtant, l’on observe de vastes campagnes de promotion de troisième mandat sur l’ensemble du territoire national, orchestrées par les plus hauts dignitaires du pays, et financées par le pillage des ressources publiques, à l’abri de toute interdiction, pendant que des opposants au troisième mandat font systématiquement l’objet d’intimidations policières et de poursuites judiciaires sans fondement.
Si l’achat des consciences, la corruption et les intimidations ne permettaient pas à un tel projet de prospérer, il est à craindre que le recours à la violence d’État soit privilégié pour assurer un passage en force, d’où la nécessité de la présente alerte en vue d’une mobilisation nationale et internationale pour éviter le chaos.
Si le Peuple de Guinée ne veut pas de ce projet de troisième mandat, c’est qu’il constitue une menace réelle pour l’unité nationale et la stabilité dans notre pays, ainsi que celle de la sous-région ouest africaine. C’est pour prévenir les conséquences dangereuses d’un tel projet que le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) a été constitué par des organisations de la société civile, des partis politiques, des organisations de défense des droits de l’homme, des syndicats, des organisations socio-professionnelles, des leaders d’opinion, des artistes et des universitaires. Il s’agit avant tout d’une dynamique citoyenne créée pour empêcher toute possibilité de remise en cause des acquis du processus démocratique lancé en 2010 et dont la Constitution du 7 mai 2010 constitue le cadre juridique par excellence. C’est de ce cadre que toutes les institutions de la République tirent leur légalité et leur légitimité.
Appel à la Communauté Internationale
L’immense sacrifice consenti par les citoyens guinéens, civils et militaires, en faveur de la paix et de la cohésion nationale, est aujourd’hui menacé par le régime actuel qui envisage un coup d’État constitutionnel, alors même que le processus de démocratisation entamé laborieusement en 2010 peine encore à tenir toutes ses promesses. En effet, la violation récurrente des droits constitutionnels des citoyens, le vandalisme électoral, l’inféodation des institutions républicaines à l’Exécutif, les abus de pouvoir, l’absence de recours, les conditions d’organisation chaotiques des élections nationales et locales, le malaise social grandissant, la flambée de la corruption et de l’impunité, démontrent à suffisance la fragilité de notre jeune démocratie.
Ayant juré de respecter et de faire respecter la Constitution à deux reprises, le Président de la République ne saurait engager ou poursuivre le changement de la Constitution pour se maintenir au pouvoir sans violer son serment et sans se rendre coupable de parjure et de haute trahison vis-à-vis de son peuple.
Face aux risques d’embrasement qui guettent la Guinée et la sous région, le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), interpelle les citoyens guinéens et la communauté internationale pour prendre chacun sa part de responsabilité afin de prévenir le chaos. Le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) s’engage à prendre toutes les mesures utiles pour informer l’opinion publique nationale et internationale sur les menaces graves que cette entreprise fait peser sur la paix et la stabilité nationale et régionale, et reste déterminé à défendre la démocratie et l’État de droit par toutes les voies autorisées par la Constitution et les autres lois de la République.
Le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC) invite particulièrement la Communauté internationale, la CEDEAO, l’Union africaine, l’Union européenne, les Nations Unies, ainsi que tous les partenaires techniques et financiers de la Guinée à prendre les mesures urgentes qui s’imposent avant qu’il ne soit trop tard.