Les populations riveraines du barrage de Souapiti entre désespoir, inquiétude et solitude tirent la sonnette d’alarme et désormais repose tout leur espoir sur l’Union pour la Défense des Sinistrés de Souapiti afin de les rétablir dans leur droit.
Pendant trois jours, une forte délégation de L’Union pour la Défense des Sinistrés de Souapiti (UDSS) a scionné les différentes localités impactées par le projet Souapiti pour s’enquérir des réalités du terrain. Cette tournée a permis de constater les préoccupations ainsi que les conséquences désastreuses du projet sur les populations riveraines. Le constat reste le même dans toutes les localités visitées : désespoir, colère, inquiétude, crainte à propos de leur sort dans les jours, mois et années à venir. Depuis la fermeture de la première vanne du barrage, les riverains ne ferment plus l’œil par crainte d’être inondés.
Le Projet Souapiti
Pour rappel, le lancement officiel des travaux de construction du barrage hydroélectrique de Souapiti a eu lieu, le mardi 22 décembre 2015 par le président de la république Alpha Condé. Souapiti aura une puissance de 450 mégawatts et permettra d’absorber le déficit énergétique que connait la Guinée. C’est la société chinoise « China International Water and Electric » (CWE) qui est en charge de la réalisation du barrage pour une durée de 58 mois (décembre 2015- décembre 2020) avec une enveloppe financière d’environ 1,5 milliards de dollars Américains dont 85% du montant est financé par la Banque Mondiale et les partenaires de la Guinée. Les 15% restants sont assurés par l’Etat guinéen. Souapiti a plus d’un demi-siècle d’existence. Cependant, tous les gouvernements qui se sont succédé à la tête de notre pays ont toujours ignoré l’implication des populations riveraines dans le projet. C’est dans ce contexte que l’Union pour la Défense des Sinistrés de Souapiti « l’UDSS » s’est constituée pour défendre les droits des citoyens impactés par le barrage. . Ce barrage touche quarte préfectures de la Guinée (Pita, Télimélé, Kindia et Dubréka) prés de 12.500 personnes environs, plus de 80 villages, plus de 200.000 têtes de bétails.
Constat suite à la ressente tournée de l’UDSS dans les différentes localités impactées.
Le constat est alarmant : Les citoyens sont livrés à eux-mêmes, sans informations fiables. C’est la psychose au sein de la communauté. Entre ceux qui ne savent pas s’ils doivent partir ou rester et ceux qui sont restés sans assurance d’échapper aux inondations en passant par les citoyens sans abris dans les nouvelles cités et sans oublier ceux qui ont refusé de quitter leurs anciens villages car ils n’ont pas été indemnisés par le projet.
Des conditions de vie épouvantables dans les nouvelles cités
Dans les nouvelles cités, tout est à refaire et les nouveaux habitants vivent dans des conditions épouvantables et regrettent déjà leurs anciens villages. « C’est le casde toutes les nouvelles cités de Kondonbofou dans Télimélé àTahiré dans Dubréka le paradis tant promis n’est pas au rendez-vous »pense Ibrahima Bory Diallo, coordinateur général de l’UDSS. A titre illustratif à Madina Tahiréle, nouveau village d’accueil des anciens habitants de Tahiré (Tondon), les habitants dénoncent la mauvaise qualité des bâtiments construits, le manque de confort et d’intimité familiale. Conséquences immédiates les toitures suintent, les plafonds imbibés d’eau ont moisi sous l’effet de l’humidité en cette saison hivernale, le manque d’eau potable, de nourriture, aggravent ainsi la situation des citoyens de cette localité. Pour ne pasêtre malade à cause de la mauvaise qualité de l’eau, les habitants préfèrent l’eau de pluie à l’eau du forage même si cette alternative est de courte durée, on se demande comment vont faire les populations de Madiana Tahiré à la fin de la saison des pluies ? « Dans toutes les localités scionnées par les membres de l’UDSS, les plaintes sont les mêmes, les populations se sentent abandonnéesà elles-mêmes par les responsables du projet Souapiti sous la totale indifférence des autorités de notre pays. Elles se sentent trahies par les promesses des responsables du projet et se plaignent d’être entassées comme des sardines dans des maisonnettes cloisonnées »précise monsieur Diallo, le coordinateur.La configuration des nouvelles cités construites est marquée par l’absence des espaces dédiés à l’élevage et au jardinage, obligeant ainsi les éleveurs de rester dans leurs anciens villages avec leurs bétails pour assurer leur surveillance. Ces villages seront sous peu de temps envahis par la montée des eaux. Ils seront contraints de tout quitter et sans espoir de trouver de nouvelles terres d’accueil pour leurs troupeaux. Maître Camara Oumar porte parole de l’UDSS souligne que« dans les nouvelles cités au-delà de la mauvaise qualité des bâtiments, il y a un manque crucial d’arbres y compris fruitiers pour l’ombrage, des espaces verts, des aires de loisirs, des espaces dédiés aux bétails, … tout est à refaire ».
Scission et isolement des villages riment avec le retard d’infrastructures d’accueil.
On note des villages divisés en deux, entre ceux qui partent et ceux qui restent.Leur quotidien rime avec l’enfer au lieu du paradis tant promis. C’est le cas des villages : de Koba-séliabhé dans la sous-préfecture de Bangoyah préfecture Kindia, Ménfikhèt dans la sous-préfecture Sangaréyah préfecture de Pita. Une partie de chaque village est obligée de partir pour s’installer dans une nouvelle cité et la deuxième partie est sommée de rester avec une probabilité très forte d’être inondée et isolée.
On note également le retard des infrastructures d’accueil renforçant l’angoisse chez les citoyens. C’est le cas de Bouramaya Sosso dans Bangoyah dans la préfecture Kindia, c’est le désastre pour les habitants de cette localité car toutes les cultures sont entièrement inondées et bientôt les habitations. Sachant que jusqu’à présent les travaux de la nouvelle cité devant les accueillir n’ont pas encore démarré.
On remarque dans d’autres localités un refus de quitter les villages par des habitants qui ne sont pas remboursés encore. Ils ne souhaitent pas partir, ils risquent donc d’êtres inondés si rien n’est fait pour eux, c’est le cas des familles Diallo et Cissé dans le village de konkouré relevant de la préfecture de Télimélé. Mr Diallo Elhadj Boubacar, enseignant etnatif de Konkouré nous fait savoir « je suis prêt à mourir mais je ne quitterais pas ma maison tant que je ne serais pas remboursé ». En tirant les leçons sur les autres cités déjà installées dans les mêmes circonstances, les habitants du village Gadha-Labha ,Fonfo dans la sous-préfecture de Sangaréyah, préfecture de Pita en instance de déménagement opposent un niet et exigent leur dédommagement en espèce. Ils ne souhaitent plus déménager dans les nouvelles maisonnettes qu’ils qualifient d’inconfortables et mal construites.
Des villages déjà victimes de la montée des eaux rendant ainsi la situation incertaine.
Par endroit certains villages non recensés pour le déménagement sont déjà victimes de la montée des eaux entraînant ainsi l’inquiétude généralisée : peur, interrogation pour les populations restées. C’est le cas des habitants de kidiré, hafia, Kouria,… dans Télimélé mais également les villages environs de Damouyah, de Dombélé dans kindia qui se sentent légers dans cette affaire comme en témoigne Ibrahima Sory Sylla. Mr Sylla habitant de Bombo dans le village de Tambikhouré, district de Damouyah dans la préfecture de Kindia se dit dépassé par le cours des événements car la fermeture de la première vanne de Souapiti a provoqué des dégâts énormes pour son village. Au bord de la rivière Tawoulou , la montée des eaux a fini par inonder tout son village et les environs (habitations et cultures) . Il se dit trahi par les autorités locales et l’équipe projet : « ce qui s’est produit était inattendu » dit-il car son village Tambikhouré ne faisait pas partie des villages censés déménager. « Ce qui illustre le mauvais travail de l’équipe projet et met en doute tous les villages riverains qui sont censés rester » nous confie Maître Camara, le porte parole de l’UDSS. Selon ce dernier, « l’équipe projet a manqué de responsabilités, de vision globale et multidimensionnelle en ce qui concerne les droits et les conditions de vie des populations impactées». Il faut signaler aussi le cas le plus récent d’inondation et d’isolement du village de Khoulfa dans Kindia. A khoulfa après le déplacement de tous les villages voisins, c’est la montée des eaux qui a fini par isoler totalement ce village le rendant ainsi inaccessible. Bien que ce dernier village fût estimé hors risque, cette dernière nouvelle a fini par paniquer tous les villages qui n’étaient pas concernés par déménagement rendant ainsi incertain le quotidien des riverains. Le cas le plus récent est celui de Koba-Séléabhé, le village est complètement isolé par les eaux ce qui n’était pas prévu par les études du projet.
Risques de conflits et cas de corruption.
Maître Camara Oumar porte parole de l’UDSS ne cache pas son inquiétude sur le risque de conflits entre les habitants des nouvelles cités et ceux des villages alentours pour cause des infrastructures de base ( écoles, hôpitaux, marchés, …) et des parcelles de terres destinées pour l’agriculture et l’élevage. Il rappelle aussi des cas de corruption constatés « sur le terrain au niveau des enveloppes d’indemnisation, les montants mentionnés sur les enveloppes ne correspondent pas aux montants trouvés après ouverture des enveloppes ». Bien entendu que les indemnisations sont insignifiantes comparées aux dommages causés. Un exemple de cas dans le village de konkouré un citoyen qui devait recevoir 1.500.000 Fg (150 euros) se retrouve avec moins de la moitié de son enveloppe 600.000Fg (60 euros).Malgré les difficultés, Maître Camaraprécise que« l’UDSS reste optimiste et mobilisée pour la défense des droits des victimes ». Il lance un appel de soutien à toutes personnes de bonne volonté pour gagner ce combat.
Désormais toutes les populations s’interrogent sur leur sort et reposent tout leur espoir sur (UDSS) qui se bat à leur côté pour les rétablir dans leurs droits.
BAH Elhadj
guineedemocrate.centerblog.net