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Des enfants tentent de se suicider pour échapper à l’enfer des camps de migrants de Lesbos

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Des enfants tentent de se suicider pour échapper à l’enfer des camps de migrants de Lesbos

Depuis le début de l’année, une dizaine de mineurs, certains âgés de moins de 10 ans, ont tenté de mettre fin à leurs jours dans ces camps insalubres.

Dans les camps de migrants des îles grecques, la vie des enfants bat au rythme de la survie. Au milieu des immondices, près des petites tentes où s’entassent des familles entières, les réfugiés s’attardent à ramasser du petit bois pour tenter de résister au froid qui frappe l’île de Lesbos. Pour eux, le seul horizon consiste à survivre jusqu’au lendemain dans des conditions indécentes. Depuis l’accord signé entre la Turquie et l’Union européenne en mars 2016, des dizaines de milliers de réfugiés se retrouvent pris au piège pendant des mois sur les îles grecques, dans l’attente de l’examen de leur dossier.

Dans le seul camp de Moria, sur l’île de Lesbos, plus de 17.000 migrants s’entassent dans le centre de réception et d’identification, prévu pour à peine 3 000 personnes. Parmi eux, les plus vulnérables sont les enfants. Ils représentent 36% des réfugiés, dont un millier sont des mineurs non-accompagnés venus principalement de Syrie et d’Afghanistan pour fuir les atrocités de la guerre. Cette surpopulation entraîne chez ces enfants des problèmes de santé, notamment des troubles mentaux. Une situation accentuée par l’insécurité à l’œuvre dans ces camps où quatre personnes sont mortes depuis janvier – dont un mineur de 15 ans, poignardé.

«Un tiers des enfants s’automutilent, d’autres ont des idées suicidaires. Depuis le début de l’année, une dizaine de mineurs ont fait des tentatives de suicide. C’est extrêmement rare de voir des enfants vouloir se suicider. Certains avaient moins de dix ans», relève auprès du Figaro Aurélie Ponthieu, conseillère sur les questions migratoires pour Médecins sans frontières (MSF), qui est allée à plusieurs reprises dans les camps des îles grecques. «Il y a également des enfants qui deviennent agressifs, alors qu’ils ne l’étaient pas à l’origine. Ou certains qui ne veulent plus jouer ou s’alimenter, qui recommencent à faire pipi au lit à 10, 12 ou 14 ans», poursuit-elle.

Dans les camps de Lesbos, comme dans celui de Moria, les conditions d’hygiène sont très rudimentaires. Il y a une toilette pour 65 personnes, une douche pour 90 personnes. «Aucun être humain ne vivrait de manière sereine dans ces conditions, et c’est au sein de l’Union européenne que cela se passe», tempête Aurélie Ponthieu. «Les directives européennes obligent les États à mettre en place un accès aux soins minimum pour les demandeurs d’asile. Mais avec ces “hotspots”, les gens sont placés dans de véritables camps de rétention avant de les renvoyer en Turquie. On ne peut pas traiter ces personnes comme des biens en échange d’une protection de nos frontières.»

À Lesbos, comme sur les autres îles égéennes frappées par la nouvelle crise migratoire, «les enfants se trouvent dans une situation d’urgence (…) qui doit être prise à bras-le-corps», a déclaré en novembre le chef du HCR Filippo Grandi, appelant la Grèce et l’Europe à «agir rapidement» pour trouver «une solution collective». Selon lui, le sort des enfants migrants, qui courent un risque d’exploitation sexuelle, par le travail et de violences, doit être une «priorité» dans la politique de l’asile. Médecins sans frontières et d’autres ONG demandent «l’évacuation d’urgence» des enfants et autres migrants vulnérables survivant dans ces camps dans des conditions «inhumaines» et «misérables».

La Grèce est redevenue en 2019 la principale porte d’entrée des demandeurs d’asile venant de la Turquie voisine à destination de l’Europe. Plus de 37.000 personnes – dont 5 000 mineurs – s’entassent actuellement dans les camps insalubres à Lesbos et sur quatre autres îles de la mer Égée, alors que leur capacité n’est que pour environ 6 300 personnes.

Athènes, qui a durci ces derniers mois la procédure d’octroi d’asile, a promis de transférer prochainement dans des camps du continent 20.000 personnes vivant sur les îles, dont 4 000 mineurs. Le pays ne cesse de réclamer le partage du fardeau migratoire avec les autres pays membres de l’UE et souhaite un nouveau plan européen visant à faciliter le renvoi en Turquie des migrants qui n’ont pas droit à l’asile.

Que prévoit l’accord Turquie-Union européenne?

La Grèce procède à des renvois de réfugiés déboutés vers la Turquie en s’appuyant sur deux accords. Premièrement, un accord bilatéral entre la Grèce et la Turquie, qui existait déjà avant 2016, permet le retour de personnes auxquelles l’asile est refusé.

Deuxièmement, l’accord entre Bruxelles et Ankara prévoit la «réadmission» des personnes situées dans les centres«hotspot» sur les îles grecques dont la demande d’asile n’est pas refusée sur le fond – le fait que ces personnes ont besoin de protection – mais sur le fait qu’elles peuvent être en sécurité en Turquie. Cela s’applique pour la majorité des réfugiés syriens qui demandent l’asile aujourd’hui en Grèce.

«Nous demandons aujourd’hui l’évacuation pure et simple des personnes les plus vulnérables – malades, femmes et enfants – des îles grecques. Ces populations sont en situation de vie ou de mort, rien de moins que cela. Les enfants, qui n’ont rien demandé, sont sous la garde des autorités grecques. La solution ne peut pas être de renvoyer tout le monde en Turquie sous le couvert de procédures accélérées et arbitraires», juge Aurélie Ponthieu. «On ne peut maintenir ces personnes dans des petites îles d’où elles n’ont pas le droit de partir alors que le sens commun voudrait que ce soit juste des lieux de transit et qu’on fasse la procédure ailleurs, dans un endroit où il y a des conditions d’accueil dignes, où les enfants peuvent aller à l’école».