Monsieur le Président de la République, Professeur Alpha Condé
Au regard de la situation de crise sociopolitique qui prévaut dans notre très cher pays, il nous a paru opportun, en tant que journalistes et citoyens guinéens à part entière, d’utiliser cette forme populaire de lettre ouverte pour nous adresser à vous, Excellence Monsieur le Président de la République.
En le faisant ainsi, nous espérons tout simplement contribuer à notre manière à vous montrer la porte de sortie honorable qu’on voudrait vous voir emprunter à l’orée de la fin de votre dernier mandat constitutionnel à la tête de notre cher et beau pays. Nous estimons qu’en tant qu’ancien opposant historique, vous n’avez pas le droit de sacrifier votre long combat pour l’instauration de la démocratie et l’Etat de droit en Guinée.
– Vous n’avez pas le droit de renier votre passé et de décevoir vos anciens camarades de lutte depuis les bancs de l’école jusqu’à votre élection à la tête de la FEANF (Fédération des étudiants d’Afrique noire en France) que vous aimez à présenter comme votre plus grande réussite durant votre parcours universitaire.
– Vous n’avez pas le droit de donner tort à ceux qui ont cru en vous depuis toujours pour incarner les idéaux de paix, de justice et d’équité dans notre pays qui n’a que trop souffert des régimes autocratiques depuis son indépendance, le 02 octobre 1958.
– Vous n’avez pas le droit de donner raison aux anciens dictateurs : Ahmed Sékou Touré et Général Lansana Conté, qui vous ont fait condamner (respectivement à mort par contumace et à cinq ans de prison ferme) parce qu’ils voyaient en vous un assoiffé de pouvoir, guidé par ses intérêts personnels.
– Vous n’avez pas le droit de trahir la mémoire de vos anciens compagnons de la CODEM (Coordination de l’opposition démocratique), du FRAD (Front pour l’alternance démocratique) et des Forces vives de la nation dont les plus illustres ne sont plus de ce monde : Bâ Mamadou, Siradiou Diallo, Professeur Alfa Sow, Ahmed Tidjani Cissé, Jean Marie Doré, Charles Pascal Tolno… Avec eux, vous vendiez l’idée d’une Guinée libre et prospère une fois que vous seriez arrivés aux affaires. Nous (coauteurs de cette lettre) étions là, en tant que journalistes (historiens du présent) pour le témoigner.
– Vous n’avez pas le droit de briser le rêve de millions de jeunes et de femmes d’ici et d’ailleurs qui vous avaient porté dans leurs cœurs sans jamais vous avoir vu à l’œuvre avant votre avènement à Sékhoutouréya.
– Vous n’avez pas le droit de démériter votre titre de premier président démocratiquement élu de la Guinée qu’on vous affuble.
– Vous n’avez pas le droit de plonger notre nation dans l’incertitude et le chaos, en engageant la Guinée dans un tripatouillage constitutionnel ! Même si l’objectif était d’aider et de protéger la Guinée et les futures générations de ce pays, vous vous êtes déjà très mal pris et ne réussirez pas anéantir toutes les forces sociopolitiques qui défendent la Constitution actuelle.
– Vous n’avez pas le droit de refuser à notre chère Guinée que son premier président démocratiquement élu organise des élections dans la paix et la quiétude pour passer la main à un autre président tout aussi démocratiquement élu.
– Vous n’avez pas le droit d’être insensible à l’assassinat d’au moins 25 Guinéens depuis le début des manifestations contre votre hypothétique projet de nouvelle constitution.
– Vous n’avez pas le droit d’ignorer les sages conseils de feu Kèlèfa Sall, le très respecté ex président de la Cour Constitutionnelle qui, en recevant votre serment pour votre second mandat en cours vous demandait humblement « d’éviter les chemins interdits en démocratie » pour ne pas « succomber aux mélodies des sirènes révisionnistes ».
Eco-guinée