« Tous les Guinéens, femmes et hommes, devraient se mobiliser puissamment pour apporter leur soutien avec détermination et courage à cette femme originaire de Siguiri, victime d’enlèvement suivi d’un viol collectif, de violences physiques, de harcèlement, d’insultes, de menaces et de persécution à tel point qu’elle est contrainte de fuir la ville où elle n’ose plus retourner. Pour la protéger, les médias et les activistes des droits humains lui ont trouvé le terrible prête-nom de « Dame X », comme dans un film d’horreur.
L’horrible cauchemar de « Dame X » n’est, hélas, pas un film, mais une tragédie qui se joue en Guinée et qui plonge ses racines dans l’injustice, l’abus de pouvoir et le trafic d’influence ; ces maux qui minent notre pays.
Je ne connais pas suffisamment les faits pour les relater dans le détail. On raconte que c’est une banale querelle entre deux femmes au sujet d’une créance qui a débouché sur une plainte de « Dame X » laquelle a été enlevée, séquestrée et violées par 6 hommes habillés en tenue militaire. Sa protagoniste aurait usé de ses liens dans l’armée à Siguiri.
L’affaire éclate dans les médias, mais les leviers de la « parenté » et le trafic d’influence bien connus en Guinée sont actionnés. « Dame X » passe de victime à coupable aux yeux de l’opinion publique locale endoctrinée au communautarisme et au machisme primaire. La victime est presque bannie.
Mais aujourd’hui, elle a le soutien de plusieurs femmes et activistes des droits de l’homme qui se mobilisent pour défendre son dossier en justice mais aussi pour interpeler les autorités militaires afin que les violeurs et les commanditaires soient identifiés et punis. Un sit-in autorisé est déjà prévu pour ce vendredi 13 décembre devant le ministère de la Justice à Conakry ainsi que la remise d’un mémorandum à la hiérarchie militaire pour l’inciter à rendre justice.
Moussa Yero Bah et ses collaboratrices en sont le fer de lance. Une cagnotte est également lancée pour soutenir la victime.
Au-delà de ces actions symboliques, mais ô combien utiles, nous devrions tous exprimer notre indignation et notre colère face à ce cas d’injustice extrême. Chacun peut agir à son niveau : faire une publication de soutien, participer au sit-in, verser une contribution à la cagnotte, etc. Les réseaux sociaux sont de formidables outils en pareil cas.
J’ai toujours pensé que c’est notre silence – que dis-je – notre indifférence, nous Guinéens, face à ces « mini-drames » à une échelle individuelle qui est la base de l’impunité et du sentiment de toute-puissance des détenteurs du pouvoir.
Le résultat est là : le viol et le meurtre sont banalisés dans ce pays à tel point qu’on peut violer plus de 100 femmes dans un stade en plein jour, tuer plus de 100 personnes par balle dans la capitale et violer collectivement une mère de trois enfants sans s’inquiéter. Je passe sur les viols des mineures si récurents qu’ils sont normalisés dans l’inconscient collectif.
Agissons pour que ça cesse. C’est difficile mais possible. Pour preuve : cette solidarité en faveur de cette femme était impossible 15 ans en arrière », Asmaou Barry., journaliste et activiste de la société civile.