Grossesse gémellaire : quelle probabilité a-t-on d’avoir des jumeaux ?
Sur internet, on ne compte plus le nombre de pages de forum et d’articles douteux qui donnent des astuces de grands-mères pour avoir des jumeaux. Mais sont-elles basées sur des preuves scientifiques ? Quels sont les facteurs qui influencent vraiment le risque (ou la chance selon le point de vue) d’avoir des jumeaux ? On a posé la question à deux gynécologues spécialistes de la grossesse gémellaire, les Pr Yves Ville et Jean-Claude Pons, membres du comité scientifique de l’association Jumeaux et plus.
De la patate douce pour avoir des jumeaux : un simple lien de corrélation
Sur certains sites internet, le fait de boire du lait ou d’enrichir son alimentation en produits laitiers est cité comme une des façons d’augmenter ses chances d’avoir des jumeaux. Ces aliments augmenteraient le taux de FSH (hormone folliculo-stimulante, qui entre en jeu dans l’ovulation), ce qui favoriserait les ovulations multiples. En réalité, il n’existe à ce jour aucune preuve solide permettant d’affirmer une telle chose. Le seul facteur alimentaire admis par les gynécologues est la consommation importante de patate douce ou d’igname. Ces deux plantes possèdent en effet une molécule proche des œstrogènes, qui influerait sur le cycle menstruel féminin.
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Plus grand consommateur d’igname, le Nigeria enregistre ainsi un nombre très important de grossesses gémellaires, près de quatre fois supérieur au taux observé en France. Pas évident pour autant de dire que c’est bien la consommation importante de patate douce et/ou d’igname qui entraîne ces grossesses gémellaires. D’autres facteurs seraient également en cause, selon le Pr Yves Ville, gynécologue-obstétricien et chef de service à l’Hôpital Necker à Paris. Si rien n’empêche de mettre la patate douce à ses menus quand on souhaite avoir des jumeaux, pas sûr que cela suffise.
Luminosité et gémellité : une constatation statistique
Autre facteur favorisant : la photopériode. Derrière ce nom barbare se cache en fait le rapport entre la durée du jour et de la nuit. Selon les spécialistes, plus la durée du jour est importante, plus le risque de grossesse gémellaire est important. Uniquement statistique, cette corrélation expliquerait entre autres pourquoi les femmes scandinaves ont plus de jumeaux conçus en été (où le soleil ne se couche pas totalement) qu’en hiver, où la durée d’ensoleillement n’est que de quelques heures. Mais là encore, il ne s’agit que d’une constatation, qui mériterait d’être expliquée et affinée par des études plus poussées. Sachez en tout cas que ce facteur pourrait expliquer pourquoi il y a plus de conceptions de jumeaux en été qu’en hiver en France, même si cette différence est faible.
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Hérédité, multiparité, ethnie : d’autres facteurs influents mais difficiles à quantifier
La première chose à laquelle on pense lorsqu’on évoque la probabilité d’avoir des jumeaux, c’est bien sûr l’hérédité. Dans l’imaginaire commun, le fait d’avoir des jumeaux dans sa famille est indéniablement un facteur qui augmente les chances d’en avoir soi-même. Mais la réalité est plus complexe. Il semble qu’il y ait bien un lien entre hérédité et gémellité dans les familles où l’on observe beaucoup de jumeaux dizygotes, les faux jumeaux. Cela s’expliquerait par la présence de plusieurs gènes jouant sur l’ovulation des femmes et entraînant plus de polyovulations. Pour les jumeaux monozygotes, ou vrais jumeaux, l’hérédité n’est pas vraiment établie. On ne sait pas encore clairement si des gènes sont impliqués dans la séparation d’un œuf, une fois que la rencontre ovule-spermatozoïde a eu lieu.
D’autres études statistiques ont par ailleurs montré que plus une femme a d’enfants, plus ses chances d’avoir des jumeaux augmentent. Mais là encore, il ne s’agit que d’une observation statistique, qui peut s’expliquer par le risque de polyovulation qui augmente.
L’ethnie jouerait également un rôle non négligeable. Tous les spécialistes font cette même constatation : les femmes noires sont plus à risque de grossesse gémellaire que les femmes blanches, elles-mêmes plus à risque que les femmes d’origine asiatique. On compte ainsi maximum 6 naissances de jumeaux pour mille en Asie, contre 17 pour mille en France et jusqu’à 45 naissances de jumeaux pour 1000 au Nigeria. A noter que ces données peuvent être aussi attribuées à d’autres facteurs, comme la durée d’ensoleillement journalière ou encore l’alimentation.
Âge et PMA : les deux grands facteurs de gémellité avérés
Si tous les facteurs ci-dessous doivent être pris avec des pincettes, il y en a deux autres qui ne sont plus à prouver : l’âge et les traitements de procréation médicalement assistée (PMA). Plus une femme avance en âge, plus celle-ci a un risque de grossesse gémellaire. En cause : un plus grand risque de polyovulation, c’est-à-dire d’ovulations multiples où plusieurs ovules sont expulsés dans l’utérus, au lieu d’un seul par cycle. S’ils sont chacun fécondé par un spermatozoïde, ces ovules donneront deux embryons et deux faux jumeaux, ou jumeaux dizygotes.
De 8 pour mille à 20-24 ans, la fréquence des grossesses gémellaires augmente progressivement jusqu’à atteindre un pic de 14 pour mille environ autour de 37 ans. La fréquence de grossesses gémellaires diminue ensuite, en raison d’un plus grand nombre de fausses couches passé 37 ans. Elle demeure cependant plus élevée (autour de 13 pour mille grossesses) à 40 ans par rapport à la fréquence observée à la vingtaine.
La fécondation in vitro, comment ça marche ?
Le recours à la procréation médicalement assistée (PMA) constitue également un grand facteur de risque de grossesse gémellaire. Selon le Pr Yves Ville, le recours à la PMA multiplie le risque d’avoir des jumeaux par 5, voire 6. Dans le parcours PMA, deux méthodes expliquent cette augmentation du risque : la stimulation ovarienne et le transfert de plusieurs embryons. La première consiste à booster les ovaires pour les forcer à ovuler, ce qui conduit souvent à des ovulations multiples. La seconde consiste, lors d’une FIV, à sélectionner au moins deux embryons conçus in vitro à partir des gamètes du couple, et à les insérer dans l’utérus. Cette approche génère 20 % de risque de grossesse gémellaire, puisque les deux embryons ont une chance chacun de s’implanter. A noter qu’il arrive également que l’on n’implante qu’un seul embryon, mais que celui-ci se scinde malgré tout en deux et conduise à une grossesse multiple.
Pour une femme de moins de 30 ans de type ethnique blanc, sans antécédents familiaux, sans recours à la PMA et sans maladie gynécologique favorisant les ovulations multiples, le pourcentage de chance d’avoir des jumeaux est d’environ 1%.