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Guinée:  » le 22 janvier 2007 les manifestations contre le régime du général Lansnsa Conté atteignent leur paroxysme… », Habib Yimbering

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Le 22 janvier 2007 les manifestations contre le régime du général Lansnsa Conté atteignent leur paroxysme. Tout le pays bouge comme un seul homme. Perché à « Somparéya », colline surplombant Tannerie dans la commune de Matoto, je contemple l’immense foule de manifestants qui convergent vers le centre-ville.
Je ne faisais partie ni de cette masse impressionnante de manifestants ni de journalistes qui couvrent l’événement. J’étais assiégé au même titre que les ministres et autres dignitaires du régime.
La cause de mon malheur est d’habiter tout près du président de l’assemblée nationale. Notre cour et celle d’Elhadj Aboubacar Somparé sont contiguës. Vu de l’extérieur, on a l’impression que nous sommes chez lui. C’est donc tout naturellement que nous sommes encerclés par les manifestants qui veulent piller et incendier son domicile privé.
Le matin en allant en ville, certains manifestants nous rendent visite. Nous recevons une pluie de cailloux. Les agents postés chez Elhadj Somparé répliquent par des tirs de sommation. Mes enfants, âgés respectivement de 7 et de 4 ans, sont terrorisés. A chaque coup de feu, ils rivalisent des cris et des pleurs de détresse. Nous les rassurons qu’il n’y a rien. Mais l’anxiété qui se lit sur notre visage est en contradiction avec notre discours rassurant.
Mon voisin, Abdoulaye Diallo, revenu d’Angola, avait cherché un logement tout près de la deuxième personnalité du pays pour être à l’abri d’attaques à mains armées dont étaient victimes ceux qui revenaient de ce pays d’Afrique Australe. Pris entre les cailloux et les coups de sommations, M. Diallo et moi, sortons nos matelas pour les poser sur les pare-brise de nos voitures pour les protéger.
Vers midi, c’est la trêve. Les manifestants sont partis en ville non sans avoir promis de nous rendre une autre visite au retour. Nous profitons de ce « cessez-le-feu » pour évacuer femmes et enfants. Paradoxalement, j’amène les miens chez ma belle-mère à Bambeto qui était désormais plus sûr que Somparéya. La peur venait de changer de camp. A la place des manifestants habituellement, c’étaient les dignitaires qui étaient traqués.
Comme promis donc les manifestants reviennent le soir. Plus nombreux et plus déterminés à rendre cendre le domicile du président Somparé. Cette fois les agents tirent à bout portant. Plusieurs jeunes tombent. Quand, après l’accalmie, je suis sorti, j’ai vu quelque chose d’horrible qui restera gravé dans ma mémoire : des corps sans vie abandonnés comme des carcasses d’animaux écrasés sur la route. Plus tard la croix rouge viendra ramasser ces corps.
13 ans après ces tragiques événements, la Guinée se cherche toujours. Penser un seul instant que tous ces sacrifices resteront vains est la pire cécité voire la pire des folies.
H.Yembering