En ce jeudi 27 février, les habitants de Conakry respiraient mieux que d’ordinaire. Le brouillard toxique vomi à longueur d’embouteillages par une flotte bringuebalante d’automobiles et de poids-lourds empoisonnait moins la capitale guinéenne. Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) aura réussi ce petit miracle. Sauf que le but recherché était autre. Ce jeudi devait être « une journée de mobilisation massive » décrétée par ce large mouvement réunissant les principaux partis d’opposition et la société civile.
Depuis des mois, le FNDC se bat contre le projet prêté au président Alpha Condé, en poste depuis 2010, de faire adopter, dimanche, par référendum, une nouvelle Loi fondamentale. Une Constitution qui lui permettrait, par un tour de passe-passe éprouvé dans d’autres pays du continent, de briguer un mandat supplémentaire que la législation actuelle lui interdit. Malgré un âge avancé (82 ans) et malgré un maigre bilan démocratique et social dans ce pays qui traîne toujours en queue du peloton mondial pour le développement humain. « La Guinée s’enfonce, rongée par une corruption qui dépasse l’imaginable », confie un diplomate familier du continent africain.
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Mais de mobilisation massive, jeudi, il n’y en eut point. Pas plus, semble-t-il, que de morts par balles. Même si quelques brèves échauffourées ont opposé des policiers bien équipés et une poignée de jeunes lanceurs de cailloux en âge d’aller au collège dans le quartier populeux de Wanindara, bien loin du centre-ville. Beaucoup d’habitants de Conakry, habitués de longue date aux explosions subites et dévastatrices de violences, ont préféré rester chez eux. Laisser leurs vieilles guimbardes au parking, protéger leurs biens et surtout leurs enfants.
Mouvement d’une ampleur inédite
A trois jours de ce référendum organisé à la hussarde, couplé à des législatives fondées sur un fichier électoral taillé sur mesure par et pour le pouvoir, le front d’opposition espérait sans doute mieux. Mais ce mouvement politico-social d’une ampleur et d’une diversité inédites dans l’histoire de la Guinée indépendante a déjà prouvé qu’il pouvait mieux faire. En octobre 2019, et ponctuellement jusqu’en janvier, des centaines de milliers de personnes sont descendues à chaque fois dans les rues de Conakry ou d’ailleurs à l’appel du FNDC.
Les partis politiques engagés dans ce combat – principalement l’UFDG de Cellou Dalein Diallo et l’UFR de Sidya Touré, deux anciens premiers ministres au temps de la présidence autocratique de Lansana Conté (1984-2008) – représentent 45 % des sièges au Parlement. La base électorale existe donc. « Mais la répression a été brutale et les gens ont peur des forces de sécurité », explique Mohamed Diakité, militant au sein de l’ONG Union nationale pour la promotion de la jeunesse.
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