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Le Parlement russe autorise Vladimir Poutine à se représenter en 2024

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Le président s’est dit favorable à l’idée de « repartir de zéro » concernant le nombre de mandats qu’il a effectués. Sous réserve d’un accord de la Cour constitutionnelle, il pourrait se représenter pour deux mandats.

Jusqu’à présent interdite par la Constitution et rejetée par le principal intéressé, l’hypothèse d’un maintien au pouvoir de Vladimir Poutine après la fin de son mandat, en 2024, est désormais de l’ordre du possible. Elle marque une rupture nette, le Kremlin ayant toujours fait de cette éventualité un tabou.

Formellement, c’est à l’initiative de la Douma qu’a été prise l’initiative, mardi 10 mars, de manière totalement inattendue. A l’issue d’une mise en scène savamment orchestrée, le Parlement russe a ainsi voté un amendement constitutionnel ad hoc, qui permettra à l’actuel président de briguer deux nouveaux mandats.

M. Poutine est toutefois venu s’exprimer devant les députés pour appuyer cette modification constitutionnelle. Le président a reconnu que « les Russes doivent avoir, dans n’importe quelle élection, le choix », mais il a estimé que « la stabilité est peut-être plus importante », citant aussi les « menaces sécuritaires et économiques ».

Le chef de l’Etat, 67 ans, au pouvoir depuis 2000, a rappelé que ce changement des textes devait recevoir l’agrément de la Cour constitutionnelle, et obtenir le soutien de la population lors d’un « vote populaire » organisé le 22 avril. Ces deux étapes sont toutefois de l’ordre de la formalité.

Immédiatement après l’intervention du président, le texte a reçu l’approbation de 380 députés. Les 44 élus communistes ont voté contre. Formellement, cet amendement tire prétexte de la modification en cours de la Constitution, lancée par Vladimir Poutine lui-même, le 15 janvier, pour estimer que le nombre de mandats effectués par l’actuel président doit être « remis à zéro » par l’adoption de la réforme constitutionnelle. En clair, les mandats effectués sous le régime de l’ancienne Constitution ne compteraient pas.

27 % des Russes favorables à un nouveau mandat
L’hypothèse d’un maintien au pouvoir avait été exclue à plusieurs reprises par Vladimir Poutine ces dernières années, le président allant même jusqu’à évoquer le risque, pour les dirigeants s’accrochant au pouvoir, de « détruire » leur pays.

En 2008, le chef du Kremlin avait choisi une autre solution : plutôt que de modifier la Constitution, il avait échangé son fauteuil avec celui de son premier ministre, Dmitri Medvedev. Mardi, le président a maintenu une part de suspense quant à son choix futur, lançant aux députés : « Nous allons faire beaucoup de bonnes choses au moins jusqu’à 2024, et après, on verra. »

Un récent sondage du centre Levada affirmait, fin janvier, que 27 % des Russes soutenaient cette possibilité pour Vladimir Poutine d’effectuer un nouveau mandat. Mais, signe de sa faiblesse face à ce tour de force institutionnel, l’opposition n’a appelé à une manifestation que pour le 21 mars. « Techniquement, ce qui s’est passé est un putsch », a écrit sur Twitter l’un des adjoints de l’opposant Alexeï Navalny appelant à la mobilisation. La mairie de Moscou a toutefois interdit pour un mois, ce 10 mars, les rassemblements publics de plus de 5 000 personnes, pour lutter contre l’épidémie de coronavirus.

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Depuis le 15 janvier, date à laquelle a été lancé le chantier constitutionnel, les autorités ont agi avec une hâte frisant l’improvisation, multipliant les annonces et bousculant les calendriers. La journée de mardi aura été à ce titre exemplaire. Le Parlement devait en effet se prononcer sur l’introduction de nombreux amendements, proposés par le Kremlin, à la Constitution de 1993. La réforme des règles pour 2024 n’en faisait pas partie.

L’initiative est venue de la députée Valentina Terechkova, 83 ans, ancienne cosmonaute et première femme à avoir effectué un vol dans l’espace, en 1963, dernière intervenante de la journée. Voix chevrotante, cette élue du parti au pouvoir a évoqué les discussions en cours sur le meilleur rôle à offrir à M. Poutine dans l’avenir : « Pourquoi tourner autour du pot ? Pourquoi imaginer des constructions artificielles ? Regardons les choses honnêtement : si les gens le veulent et si la situation l’exige, il faut permettre au président en exercice de se présenter à nouveau à ce poste. »

Les textes offrent des prérogatives très renforcées au président
Le speaker de la Douma propose alors une interruption de séance, pendant laquelle cette idée en apparence spontanée se voit transformée en proposition écrite d’amendement. Tout aussi rapide, Vladimir Poutine arrive à la tribune du Parlement. Il remercie Mme Terechkova et juge son idée « faisable ». « Le temps viendra où le pouvoir présidentiel suprême ne sera plus aussi personnifié », assure-t-il, mais, pour le président, la Russie a vécu dans son histoire « assez de révolutions ».

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Une demi-heure plus tard, les élus votent, adoptant d’un même mouvement l’amendement en question et l’ensemble de la réforme constitutionnelle.

Il convient de s’attarder sur celle-ci, puisque, Poutine ou non, c’est cette réforme qui va fixer le cadre institutionnel pour les années à venir − « pour trente ou cinquante ans », a même voulu croire le président.

Le texte adopté n’a plus grand-chose à voir avec le léger rééquilibrage institutionnel annoncé par M. Poutine en janvier. Le président, citant le besoin de « changement » exprimé selon lui par la population, promettait alors d’offrir des pouvoirs supplémentaires au Parlement, avec notamment un rôle accru dans la désignation du premier ministre.

Deux mois plus tard, c’est l’inverse qui se dessine. Les textes concoctés par le Kremlin offrent des prérogatives très renforcées au président. Celui-ci sera désormais autorisé à choisir tous les juges de l’échelon fédéral, y compris ceux de la Cour suprême. Il s’impose aussi sur les différents niveaux de pouvoir local, théoriquement autonomes mais dont les compétences sont rognées et dont les représentants peuvent être révoqués.

« Foi en Dieu » et interdiction du mariage homosexuel
La « gestion générale du gouvernement » est explicitement transférée au Kremlin, ce qui relègue le premier ministre au rôle de simple exécutant. Dans un certain nombre de domaines régaliens (intérieur, défense, sécurité d’Etat, justice, affaires étrangères, situations d’urgence), c’est même le président lui-même qui nommera les ministres.

Plusieurs de ces mesures contredisent les grands principes constitutionnels définis dans les premiers chapitres de la loi fondamentale, dont la réécriture est plus difficile.

L’hypothèse d’un départ de M. Poutine du pouvoir est toutefois également intégrée. Dans cette éventualité, la nouvelle Constitution offrira un certain nombre de garanties au sortant, dont une immunité renforcée, un poste de sénateur à vie et le droit de nommer trente représentants au Conseil de la fédération, dont sept à vie.

La création d’un Conseil d’Etat aux compétences proches de celles du président, mais aux compétences précises encore à définir, offre une autre alternative, celle d’un retrait du président gardant toutefois une forme de contrôle sur son successeur.

Dans le même temps, un certain nombre d’amendements à portée symbolique devraient faire leur entrée dans la Constitution. Ainsi de la « foi en Dieu », de l’interdiction du mariage homosexuel ou de la protection par l’Etat de la « vérité historique ». Selon la présidente de la Commission électorale centrale, il s’agit de graver dans le marbre « l’héritage politique » de Vladimir Poutine, si celui-ci venait à abandonner le pouvoir. La possibilité pour la Cour suprême de subordonner les normes internationales aux lois russes peut aussi entrer dans cette catégorie.

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Pour d’autres observateurs, ces amendements d’orientation « conservatrice » doivent aider à mobiliser l’électorat pour le scrutin du 22 avril. Ce vote aux contours flous, qui devrait se dérouler en l’absence des observateurs habituels, mobilisait pour l’heure peu les foules. Nul doute qu’il se transformera en plébiscite sur la personne de Vladimir Poutine, avec dans les têtes une nouvelle échéance, celle de 2036.

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