Ces expulsions de journalistes s’inscrivent dans le contexte d’une escalade dans les prises de parole entre la première et la deuxième économie du monde sur le coronavirus. (Image d’illustration prise à Pékin)
Ces expulsions de journalistes s’inscrivent dans le contexte d’une escalade dans les prises de parole entre la première et la deuxième économie du monde sur le coronavirus. (Image d’illustration prise à Pékin)
En Chine, plus d’une dizaine de journalistes de trois quotidiens américains vont devoir quitter le pays. Ces derniers ont reçu, ce mercredi 18 mars, une injonction leur demandant de rapporter leur accréditation aux autorités. Pékin qualifie cette expulsion « de facto » de réponse à la limitation par la Maison Blanche, le mois dernier, du nombre des employés autorisés à travailler pour cinq médias officiels chinois aux États-Unis.
Comme souvent, ce sont parmi les meilleurs des correspondants étrangers en Chine qui sont frappés par cet avis d’expulsion qui ne dit pas son nom. Mais cette fois, Pékin à une excuse. Cela n’a rien à voir avec la liberté de la presse, a fait savoir la diplomatie chinoise. Il ne s’agirait là que d’une mesure de rétorsion suite à la décision, le 18 février dernier, de l’administration américaine de limiter à 100 le nombre des personnels – qualifiés d’« agents étrangers » par la Maison Blanche – travaillant pour les agences et journaux d’État chinois aux États-Unis.
Délai de 10 jours
Selon le Club des correspondants étrangers de Chine (FCCC), plus de 13 journalistes du New York Times, du Washington Post et du Wall Street Journal – qui a déjà vu trois de ses collaborateurs mis à la porte de la Chine le mois dernier -, ont reçu l’ordre de restituer leur accréditation dans un délai de dix jours, à compter de ce mercredi. Les journalistes ne seraient ici que des pions dans le bras de fer que se livrent la première et la deuxième puissance, toujours est-il que cette décision a provoqué un choc parmi les bureaux de presse étrangers en Chine. « Les journalistes éclairent le monde dans lequel nous vivons. Par cette mesure, la Chine s’obscurcit d’elle-même », regrette le FCCC. Katrina Yu, notre consœur d’Al Jazeera y voit également « un jour sombre » pour la profession. En 2012, la chaîne qatarienne avait perdu sa cheffe de bureau. Son expulsion mettant fin à quatorze ans de relations plus détendue avec les autorités.
Classement des médias
S’il existe un classement des journalistes étrangers par le régime entre « amis de la Chine » et « forces hostiles au pays », il existe aussi, semble-t-il, un classement des médias. L’agence américaine Associated Press, par exemple, n’est pas concernée par cette injonction, alors que l’agence Xinhua a dû réduire ses effectifs sur le sol américain. En revanche, Voice of America et le Time devront également fournir une déclaration écrite concernant leurs employés, les finances et l’immobilier de leurs bureaux en Chine.
Quant aux collaborateurs des trois journaux américains visés par ce nouvel avis d’expulsion, ils étaient pour la plupart parfaitement sinophones, parmi les plus anciens de la correspondance chinoise, voire pour certains d’origine sino-américaine… autant de qualités permettant de mieux saisir les enjeux de la Chine d’aujourd’hui. Parmi eux, certains s’étaient rendus ces derniers mois sur des terrains où ne vont pas tous les journalistes étrangers : la province ouïghoure du Xinjiang ou plus récemment à Wuhan, la capitale de la province du Hubei, épicentre de l’épidémie de coronavirus en Chine, devenue pandémie affectant le monde entier. Une chose est sûre pour Josh Chin, qui fait partie des trois journalistes du Wall Street Journal qui ont dû quitter le pays le mois dernier, ces nouvelles expulsions vont « nous pousser à enquêter sur les activités de la Chine à l’étranger ».
Virus « chinois »
Ces expulsions s’inscrivent enfin dans le contexte d’une escalade dans les prises de parole entre la première et la deuxième économie du monde. « Expulser les journalistes des uns et des autres reflète une nouvelle détérioration des relations sino-américaines », note Hu Xijin. L’éditorialiste du Global Times, organe du Parti communiste chinois, ajoute que ce sont les États-Unis qui ont commencé et « qu’en termes de réponse au Covid-19, la Chine est plus transparente. Les données publiées par le États-Unis ne sont pas fiables ». Ces derniers jours ont donné lieu à d’intenses échanges diplomatiques entre Pékin et Washington, chacun accusant l’autre d’être à l’origine de la pandémie qui bouleverse la planète. Un argument repris par Donald Trump, ainsi que Mike Pompeo. Le président et le chef de la diplomatie américaine ont qualifié, publiquement et à plusieurs reprises, le Covid-19 de « virus chinois ». Ce qui n’a pas manqué de provoquer l’ire de Pékin.
Jeuneafrique