Tensions entre l’organisation qu’elle préside et la Guinée d’Alpha Condé, remise en cause de son indépendance vis-à-vis de la France et du Rwanda…. Plus d’un an après avoir pris la tête de la Francophonie, Louise Mushikiwabo revient sur les dossiers brûlants de l’organisation et les attaques auxquelles elle fait face.
À l’heure de la lutte planétaire contre le coronavirus, à laquelle l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) entend apporter sa contribution « d’une manière ou d’une autre », Louise Mushikiwabo garde ses distances mais n’a rien perdu de son sourire, toujours aussi amène. Pendant plus d’une heure, en cet après-midi du 12 mars, celle qui, depuis janvier 2019, occupe le poste de secrétaire générale de l’OIF a reçu Jeune Afrique au siège de l’organisation, avenue Bosquet, à Paris.
Ministre de la Communication, puis pendant près de neuf ans emblématique ministre des Affaires étrangères du président Paul Kagame, Louise Mushikiwabo n’ignore pas que son élection lors du sommet d’Erevan, en octobre 2018, avec l’appui d’Emmanuel Macron, pour un (premier ?) mandat de quatre ans n’a toujours pas été acceptée par un lobby anti-Rwandais encore actif en France et en Belgique. Elle se sait donc sous observation permanente et pas toujours bienveillante, mais n’entend être jugée que sur son bilan.
À neuf mois du 18e sommet de Tunis, prévu pour les 12 et 13 décembre, cette femme de fer qui porte en elle la douleur du massacre de sa famille lors du génocide des Tutsis du Rwanda, alors qu’elle était étudiante aux États-Unis, fait ici le point de l’action politique de l’OIF.
Jeune Afrique : À votre arrivée à la tête de la Francophonie, vous disiez vouloir apporter un « vent de renouveau ». Un an et demi plus tard, les choses ont-elles changé ?
Louise Mushikiwabo : L’OIF est aujourd’hui différente, et, en même temps, pas encore vraiment. Un chantier a été entamé, mais les résultats de notre travail ne sont pas encore visibles. Il serait prétentieux de ma part de penser que l’OIF n’a rien fait avant moi. Mais notre voix est désormais plus audible au niveau des instances internationales. Par exemple, nous sommes convenus d’un accord avec l’ONU pour enseigner le français aux troupes qui sont déployées sur des théâtres francophones et qui ne maîtrisent pas cette langue. La Francophonie est une organisation sous-vendue, qui peut-être même se sous-estime. Mais, grâce à certains de nos États, nous pouvons jouer un rôle sur la scène internationale.
Comment évaluer la visibilité de l’OIF en tant qu’organisation ?
La visibilité ne vient pas de la communication, mais des contributions et des solutions que l’on peut apporter. Nous sommes ainsi beaucoup impliqués au Cameroun. J’y ai moi-même effectué deux missions, aux côtés du chef de l’État, Paul Biya, et j’y ai rencontré les acteurs politiques. Je m’y suis également rendue pour une visite de trois jours avec Patricia Scotland, la secrétaire générale du Commonwealth, et Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’UA. Je pense que le Cameroun a avancé, que nous avons pu faire bouger les lignes, modestement. Nous sommes également intervenus au Togo, notamment sur le fichier électoral.
Jeuneafrique