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« Le coronavirus est sans doute artificiel » , selon Anthony Tu, grand spécialiste en toxicologie

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Pourquoi le nouveau coronavirus Covid-19 est-il apparu à Wuhan, en Chine ? L’hypothèse d’une souche provenant de la faune sauvage a été proposée, mais n’est pas définitivement établie à l’heure actuelle. Anthony Tu, professeur émérite de l’Université du Colorado, autorité mondiale en toxicologie, qui a déjà collaboré avec le gouvernement japonais dans certaines enquêtes criminelles, nous donne son opinion.

Anthony Tu
Né en 1930 à Taiwan, alors sous domination japonaise. Fils de Tu Tsung-ming (1893-1986), qui fut le premier Taiwanais titulaire d’un doctorat en médecine. Se destinant à la recherche en chimie, il obtient son diplôme de l’Université de Taiwan, puis un doctorat de l’Université Stanford aux États-Unis. Spécialiste des toxiques naturels auprès de l’armée américaine de 1984 à 2007. Lors de l’affaire de l’attentat au gaz sarin de la secte Aum dans le métro de Tokyo, il fournit des informations sur les méthodes de détection de ce gaz aux autorités japonaises, et s’entretient régulièrement avec l’un des condamnés à mort pour son rôle central dans les assassinats. En 2017, il attire cette fois encore l’attention des spécialistes des questions militaires en analysant brillamment l’assassinat de Kim Jong-Nam (le demi-frère de Kim Jong-un) à l’aéroport de Kuala-Lumpur en 2017.

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À l’heure de la grave pandémie de coronavirus, certains observateurs laissent entendre que le virus responsable de la maladie, apparu à Wuhan dans la province du Hubei en Chine, pourrait en fait être un virus artificiel. C’est le cas de Anthony Tu, chimiste originaire de Taïwan, résident aux États-Unis, autorité mondiale en matière de toxicologie. Il était récemment de passage au Japon pour la publication d’un livre sur sa spécialité. Il en a également profité pour faire des recommandations au gouvernement.

Anthony Tu tire l’alarme : « Il aurait fallu renforcer les alertes contre ce virus inconnu dès le début. Si le Japon entend protéger sa population, il va lui falloir améliorer ses capacités à prendre en compte les informations en provenance de l’étranger ».

— Quelle est l’opinion que vous allez défendre concernant le coronavirus, dans votre nouveau livre sur la toxicologie ?

ANTHONY TU Je sais que l’on dit que la source primaire du virus proviendrait d’animaux qui étaient vendus sur le marché de Wuhan et Hankou. C’est mon opinion personnelle, mais je pense qu’il est plus vraisemblable de l’expliquer par une fuite ou par une erreur de manipulation quelconque d’un virus incomplet du laboratoire de virologie de Wuhan, à objectif de recherche ou de culture.

Le marché de Wuhan, dont il est dit que la souche du coronavirus serait partie.
Le marché de Wuhan, dont il est dit que la souche du coronavirus serait partie. (Photo : Aflo)

— Sur quelle base vous fondez-vous pour faire de telles suppositions, alors que le gouvernement chinois a déclaré que « les soupçons d’armes biologiques ou chimiques » rapportés par les médias américains n’étaient que diffamation ?

A.T. À Wuhan se trouvent l’institut de virologie de Wuhan relevant de l’académie chinoise des sciences, ainsi que le laboratoire national de biosécurité P4 de Wuhan, annexe du précédent, créé sur une technologie française, qui fut inauguré en 2015 et est opérationnel depuis 2017 et 2018. Le niveau de biosécurité P4 (ou BSL-4) autorise les recherches et les expérimentations sur les virus les plus dangereux, les protocoles sont rigoureux au point qu’il faut une heure pour changer de combinaison de protection pour passer d’un plateau à un autre. Le laboratoire principal, lui, est un laboratoire de niveau P3 (BSL-3), suffisant pour mener des recherches et des expérimentations de niveau militaire. Il existe également d’autres installations de moindre niveau, comme le Centre municipal de contrôle des maladies de Wuhan.

— Mais ce laboratoire n’est-il pas conçu pour ne permettre aucune fuite, justement ?

A.T. Vous savez, les fuites de souches pathologiques ne sont pas rares. Un cas célèbre est celui qui s’est produit en 1979, quand une souche d’anthrax a fuité d’un laboratoire de recherche de l’ex-Union Soviétique à Sverdlovsk, provoquant des victimes parmi la population locale. Taïwan possède aussi un laboratoire de niveau P4, une information peu connue du grand public. Quand l’épidémie du Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) s’est déclenchée en 2002 dans la province chinoise du Guangdong, puis a atteint Taïwan en 2003, les autorités Taïwanaises ont effectué des cultures et des recherches sur le virus du SRAS. J’ignore si les recherches sur ce virus sont encore actives, mais il y a quelques années, on a parlé d’une fuite du virus hors d’un laboratoire de recherche. Heureusement, la situation a été rapidement contrôlée, ce qui a évité un drame.

— Existe-t-il d’autres raisons de soupçonner le nouveau coronavirus d’être « artificiel » ?

A.T. La spécificité de ce virus, c‘est qu’avant même le développement de la maladie, le virus de transmet d’homme à homme par les aérosols (le virus est transmis par voie aérienne), et comme il est impossible d’être immunisé, les rechutes sont possibles. Cela rend les mesures pour stopper la propagation extrêmement difficiles. Il est assez proche du virus du SRAS, mais la structure moléculaire diffère par quatre points, quatre différences qui sont peu susceptibles de se produire dans la nature. D’autre part, après l’apparition du nouveau virus, le CDC américain (Center for Disease Control and Prevention) a proposé de déployer des spécialistes des maladies infectieuses à Wuhan afin de collaborer à la lutte contre la diffusion de la maladie. Savez-vous quelle a été la réaction de la Chine ? Un silence radio… Il y a de quoi se demander si la Chine n’a pas quelque chose à cacher. Fin janvier, l’Armée populaire de libération a envoyé une femme général connue pour être une grande spécialiste des armes bactériologiques à Wuhan, ce qui fait également lever un sourcil.

— Si le virus a réellement fuité d’un laboratoire, comment cela s’est-il passé, d’après vous ?

A.T. On a dit que la source primaire provenait d’animaux en vente sur les marchés de Wuhan et Hankou, mais il est possible que des carcasses d’animaux de laboratoire aient été vendues sur ces marchés au lieu d’être incinérés par des agents qui avaient envie de se faire un peu d’argent. À l’époque de la chute de l’Union Soviétique, je recevais de nombreux appels téléphoniques et de lettres de Russes qui me proposaient d’acheter sous le manteau des venins de serpents provenant des laboratoires de biologie de l’URSS.

— Cela ne prouve pas grand-chose…

A.T. Absolument. C’est indirect, ce ne sont que des preuves circonstancielles. Quand vous cultivez un virus ou un agent pathogène dangereux à objectif militaire, vous devez préparer dans le même temps de grandes quantités de vaccins ou d’antitoxines. Mais le fait que de nombreux agents infectieux sont fabriqués par de nombreux pays au titre d’armes bactériologiques est une réalité. Par exemple, la variole naturelle a été éradiquée, mais elle est un candidat potentiel pour devenir une arme bactériologique. Le bacille de l’anthrax a été utilisé comme arme par des terroristes aux États-Unis. Je crois qu’il ne serait pas étonnant que le nouveau coronavirus ait fuité lors d’un prototypage d’armes biologiques, à cause d’une mauvaise gestion des protocoles de sécurité. En 1997, Taïwan a été frappée par une épidémie de fièvre aphteuse qui a causé d’importantes pertes économiques parmi les éleveurs de porcs. Mais aux États-Unis, certains observateurs ont émis l’opinion que cette épidémie n’était pas due à une souche Taïwanaise mais à une souche qui provenait d’un institut de recherche de Lanzhou, dans la province de Gansu, en Chine.

Plus tard, j’ai posé la question à un institut de recherche à Taïwan, qui m’a répondu : ‘C’est une possibilité, mais la vérité reste inconnue’. J’ai également eu l’opportunité de vérifier en posant la question à une personne chargée des armes bactériologiques au sein de l’Armée populaire de libération, qui a évidemment nié en bloc. Les initiateurs de ce type d’actions nieront toujours toute implication, même si cela était parfaitement intentionnel. C’est pourquoi la collecte d’information est essentielle. Les recherches sur les armes chimiques, bactériologiques et les poisons se tiennent dans le monde entier, et pas seulement contre les hommes, mais également contre le bétail et les céréales. Si vous savez à quelles recherches s’adonnent vos adversaires, vous pouvez déjà préparer une méthode de défense.

— La réaction de Taïwan contre le coronavirus fait l’admiration du monde entier.

A.T. Taïwan a fait l’expérience de l’épidémie de SRAS en 2003, et pourtant, à l’époque le gouvernement dirigé par le Parti démocrate progressiste s’est vu refuser la participation ne serait-ce qu’au titre d’observateur à l’Assemblée Générale de l’Organisation Mondiale de la Santé. Des experts en épidémiologie directement attachés au vice-président sont particulièrement vigilants, tout particulièrement contre toute maladie inconnue en provenance de Chine. Les liens avec les États-Unis sont étroits, ce qui fait que la réponse de Taïwan à l’émergence du nouveau coronavirus a été plus rapide encore que celle du Japon.

— Le retard du Japon par rapport à Taïwan pour apporter une réponse dénote une différence dans le niveau de vigilance.

A.T. Pas seulement Taïwan. Aux États-Unis, en Russie, en Corée du Nord, le niveau d’alerte aux tout premiers signes a été beaucoup plus fort qu’au Japon. De fait, tous les pays qui mènent ou ont mené des recherches sur les armes chimiques, bactériologiques et les poisons. Cela leur a donné un niveau de conscience très élevé à cette problématique.

— Quel conseil donneriez-vous au Japon ?

A.T. Envisager le développement précoce de médicaments et de thérapies, mettre en place des protocoles rigoureux pour prévenir la propagation des infections actuellement identifiées, développer des équipements de quarantaines d’urgence pour l’avenir, comme un navire-hôpital isolé. Le plus important est de ne pas se cacher derrière une théorie sommaire sur les virus inconnus, et renforcer la gestion des informations extérieures sensibles à la notion de crise.

Yoshimura TakeshiArticles de l’auteur
Né en 1965 à Akashi, préfecture de Hyôgo. Diplômé de la faculté de Droit de de l’Université Nihon. Entre au journal Sankei Shimbun en 1990. Responsable entre autres des rubriques sur la famille impériale et l’administration politique. Envoyé par son journal étudier à Taiwan, il devient envoyé spécial puis directeur du bureau de Taipei, puis directeur du bureau de Hiroshima. Quitte le journal en 2019. Master en journalisme international de l’Université Nihon. Ses thèmes principaux sont les résidents étrangers au Japon, et les problématiques chinoises et taiwanaises.
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