Le président guinéen a interdit les manifestations à cause de la pandémie mais a tenu à organiser un référendum constitutionnel, mettant en péril la santé de ses citoyens.
En Afrique, le coronavirus a des effets néfastes sur l’économie, mais pourrait également avoir des conséquences politiques inattendues. Le Quai d’Orsay, en France, estime en effet que la pandémie pourrait être « la crise de trop, qui déstabilise durablement, voire qui mette à bas des régimes fragiles (Sahel) ou en bout de course (Afrique centrale) ». En Guinée, ces derniers mois avaient été l’occasion pour l’opposition au président Alpha Condé de montrer sa désapprobation quant à une réforme constitutionnelle jugée inappropriée. Des manifestations, lors desquelles les forces de l’ordre n’hésitaient pas à tirer à vue, se déroulaient régulièrement. Pour le président depuis 2010, l’occasion était trop belle : début mars, le gouvernement guinéen a en effet décidé d’interdire des manifestations organisées par l’opposition contre le président Alpha Condé. Une attitude qui aurait été responsable s’il avait été question de reporter le référendum constitutionnel du 22 mars.
Un scrutin sans observateurs
Or, malgré la pandémie de coronavirus, ce référendum s’est finalement bel et bien tenu. « Alors que tous les pays africains ferment écoles, lieux de culte et interdisent les regroupements, Alpha Condé maintient son double scrutin et expose les Guinéens à la pandémie. C’est inhumain », s’est désolé Cellou Dalein Diallo, opposant au président guinéen qui a pu organiser le vote à sa guise, sans être inquiété par les observateurs de la Cédéao et de l’Union africaine, qui s’étaient retirées du processus après avoir constaté de graves irrégularités dans le fichier électoral. Depuis, Alpha Condé a annoncé des mesures pour lutter contre la pandémie, comme la sensibilisation de la population ou la limitation des transports aérien, terrestre et maritime. Des mesures tardives, le président guinéen ayant préféré jouer sa partition et mettre en œuvre son calendrier politique avant de se soucier de la santé de son peuple.
Le Collectif pour une Transition en Guinée appelle au départ d’Alpha Condé
De quoi conforter l’opposition dans ses positions. Malgré la crise sanitaire, celle-ci continue de demander le départ du président. Le Collectif pour une Transition en Guinée (CTG) demande notamment « une transition pour sauver la Guinée ». Plusieurs dizaines de manifestants ont perdu la vie depuis le début de la mobilisation contre l’adoption d’une nouvelle Constitution, en octobre 2019. « Le bilan macabre des violences de ces derniers mois et l’entêtement obsessionnel de M. Alpha Condé à vouloir briguer un troisième mandat en dépit de la constitution, de son âge et de son bilan, sont de nature à précipiter la Guinée dans la guerre civile », prévient le Collectif. En pleine crise sanitaire, une telle situation pourrait être catastrophique, si Alpha Condé s’entête à rester au pouvoir.
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