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Les propos tenus par Luc Montagnier, prix Nobel 2008 pour sa participation à la découverte du VIH, ont plus que choqué la communauté scientifique. Il affirme en effet que le coronavirus responsable de l’épidémie de Covid-19 a été créé par les Chinois avec des molécules du VIH.
Selon la loi de Brandolini, dire une ânerie demande moins d’efforts que de rétablir les faits. En voici un exemple typique. Dans un entretien aux sites frequencemedicale et pourquoidocteur, le professeur français Luc Montagnier, co-découvreur du virus du Sida, affirme que le virus SARS-CoV-2 est issu d’un tentative de fabrication d’un vaccin contre le VIH.
En réalité, il est certain que le SARS-CoV-2, responsable de l’épidémie actuelle, n’a pas été créé de la main de l’homme. Le coronavirus lui-même en apporte la preuve, via l’analyse de son code génétique. Très rapidement, au début de l’épidémie, les chercheurs chinois sont parvenus à le séquencer et l’ont mis à disposition de la communauté scientifique internationale. Son étude nous apprend ainsi beaucoup sur son origine.
Pas de trace de manipulation humaine
Premier élément : il n’a pas pu être créé par l’homme. Une intervention humaine laisse en effet des traces. Toutes les techniques de biologie moléculaire utilisées aujourd’hui pour manipuler des virus à des fins thérapeutiques par exemple laissent ainsi une sorte de signature sur son génome. Celui de SARS-CoV-2 est exempt de telles traces. Sauf à ce que de prétendus manipulateurs inventent une toute nouvelle méthode d’édition génomique inconnue du reste du monde, il apparaît donc que l’origine de ce coronavirus est naturelle.
Cette étude de génome nous indique plus précisément que ce virus est un cousin de SARS-CoV, responsable de l’épidémie de SRAS de 2002-2003, avec lequel il partage un peu moins des trois quarts de ses informations génétiques. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a été nommé ainsi. Mais dans cette famille des coronavirus, SARS-CoV-2 a un autre parent, bien plus proche encore : RaTG13, un virus de chauve-souris. Les deux ont en commun 96 % de leurs informations génétiques. C’est à la suite de cette découverte que la piste d’une zoonose (une maladie d’origine animale) a été privilégiée.
Un virus non optimal
Un dernier élément permet d’écarter l’origine humaine de ce coronavirus : il n’est pas optimal. Pour infecter un hôte, un virus a besoin de pénétrer dans une de ses cellules pour la « pirater », afin qu’elle produise des copies du virus. À l’inverse des bactéries, il n’est en effet pas capable de se répliquer lui-même. Pour y parvenir, il a besoin d’une sorte de clé pour franchir la membrane des cellules. Sur SARS-CoV-2,ce sont les espèces de ventouses qui l’entourent.
Celles-ci peuvent ouvrir assez facilement certaines cellules pulmonaires. C’est la raison pour laquelle les difficultés respiratoires et les pneumonies figurent parmi les principaux symptômes du Covid-19. Néanmoins, si ce coronavirus entre facilement dans ces cellules pulmonaires, il pourrait le faire encore plus aisément. Depuis des années, l’étude de son cousin SARS-CoV a montré aux scientifiques quelle pourrait être cette méthode optimale. Ainsi, si ce nouveau coronavirus avait été créé de toutes pièces en laboratoire, il est très étonnant que ses concepteurs putatifs ne l’aient pas rendu le plus performant possible.
Dès lors, pourquoi Luc Montagnier parle-t-il de similarités avec le VIH ? La réponse est cette fois-ci très simple : les séquences en question sont en fait très répandues et banales chez de nombreux virus.
Le génome de SARS-CoV-2 n’a en réalité rien de très surprenant. Comme il l’a été écrit plus haut, il est similaire à 96 % à celui d’un autre virus qui infecte naturellement les chauve-souris et on sait que les coronavirus passent de temps en temps de ces animaux à l’homme, comme l’avait fait celui responsable du SRAS il y a presque 20 ans. Les caractéristiques du Covid-19, la maladie qu’il provoque, vont dans le même sens : ses symptômes, sa contagiosité ou sa méthode de transmission correspondent à ce que nous ont déjà montré d’autres coronavirus de la même famille auparavant.