En Guinée, en l’absence d’une protection claire pour les droits fonciers coutumiers, les sociétés minières affirment souvent que les terres rurales restent, en termes juridiques, « la propriété de l’État », qui leur a donné le droit de les exploiter. Cette interprétation permet aux sociétés minières d’acquérir des terres sans le consentement informé des agriculteurs ou sans les indemniser de manière adéquate. Quant à la CBG, elle profite cette faille pour exproprier des terres agricoles sans offrir d’indemnisations adéquates ou en versant des paiements financiers.
Les villages situés aux proximités de ses sites d’extraction de bauxite ou de ses réseaux de route et de chemin de fer utilisés pour acheminer son minerai sont victimes d’accaparement de terres et de la destruction de leur environnement. Ils sont forcés à renoncer à leurs droits fonciers moyennant une indemnisation qui ne compense pas les profits que ces villageois tiraient de leurs habitations, leurs plantations, leurs fermes… Le dernier cas en date est celui du village de Hamdalaye au début de l’année 2020, un village qui était situé à 10 km de la ville de Sangaredi a été forcé de déménager à cause d’un projet d’extension de l’une des mines de la CBG. Ses habitants ont été installé dans un nouveau village poussiéreux construit à 5 km plus proche de Sangaredi. Les cours d’eau humides, les terres cultivables, les mangues et oranges autrefois réputés pour leur douceur… Tout ceci n’est plus qu’un lointain souvenir pour cette communauté qui a dû recommencer à écrire son histoire.
Ces indemnisations payées à toute une communauté ou de manière individuelle (à chaque propriétaire de terrain ou d’habitation) peuvent parfois être des centaines de millions, voire de milliards de GNF. Dès qu’ils reçoivent cet argent, les agriculteurs le partagent avec des membres de leur famille, construisent de nouveaux logements et d’autres envoient leurs enfants en Europe par mer, mais le plus souvent cela ne dure que très peu car il faut admettre que ce n’est pas toujours évident pour un agriculteur qui n’a jamais touché 10 millions de GNF de recevoir par exemple une somme de 500 millions de GNF et pouvoir investir cet argent sur des projets à long-terme. Le résultat est toujours le même, au bout de quelques temps, ces paysans se retrouvent sans argent, ni terrain et parfois ni habitation puisqu’ils ne bénéficient d’aucune formation ni assistance sur « comment » utiliser leur argent pour trouver des nouvelles terres cultivables ou de nouveaux moyens de subsistance. « L’indemnisation n’arrive qu’une fois, alors que les récoltes et les champs restent pendant de nombreuses années, voire plusieurs décennies », disait un agriculteur.
Les femmes sont les grandes victimes de cette histoire. Les indemnisations sont toujours versées aux hommes, aux chefs de famille. Certains hommes obtiennent des emplois à la CBG ou dans les sociétés sous-traitantes tandis que les femmes sont rarement employées alors qu’elles effectuent tous les travaux ménagers, impliquant parfois de parcourir de grandes distances ou d’attendre longtemps pour obtenir de l’eau potable suite à leur délocalisation.
Avec une exploitation minière en plein essor, il est impératif que le gouvernement adopte un système uniforme d’indemnisation et des normes pour les acquisitions foncières dans le secteur minier. Il doit aussi mettre en place des mécanismes de supervision du secteur minier et de protection des droits des communautés concernées.
Bowenews