Peu importe le temps que vous passerez au CTE de Donka, vous n’en sortirez pas la tête, la conscience tranquilles. Une chose ou deux vous hanteront forcément, tel l’œil de Caen. Du dévouement du personnel soignant à sa désinvolture. De la qualité supérieure des ingrédients à l’insipidité absolue des repas qui sortent de la cuisine. De la peinture délicate des bâtiments rénovés aux WC dansants qui ornent les toilettes. Donka ressemble à s’y méprendre à une impossible rénovation. Quel gâchis ! Dommage que l’on ne puisse faire autrement !
Faute de pouvoir y apporter une correction, l’on pourrait certainement hasarder une explication. Peut-être qu’il a manqué à ceux qui ont rénové Donka, une valeur cardinale nommée contrôle. L’opération qui a englouti des milliards, a dû se réaliser sans aucune épine dorsale. Sans aucun fil conducteur. Ni une voix audible apte à rappeler à l’ordre, à crier le holà ! En eux-mêmes, les matériaux de construction sont sans reproche. Ceux de l’équipement, itou ! Des portes aux placards, en passant par les fenêtres, les bureaux, les climatiseurs et que sais-je encore ? Le tout dans un désordre sans nom. Faut-il réduire la climatisation ? Vous ne pouvez pas. La télécommande est introuvable. Vous devez arranger cette table, la déplacer dans ce sens pour une meilleure position ? Que nenni ! Les vis n’ont pas été serrées. Pas plus que les écrous. Tout l’arsenal tremble devant vous comme des feuilles mortes. Prendre un bain s’avère ardu. Les égouts sont bouchés. Déjà ! Les serpillères ne courent pas les rues. Une équipe d’entretien existe à Donka. D’une gentillesse inouïe. Quelqu’un passe chaque matin pour nettoyer la chambre. Il ignore certainement l’existence des toilettes et les coins reculés de la pièce. Dans les couloirs, des tables importées qui commencent à se gondoler avant d’avoir été installées. Pour l’administration, le travail bien fait doit appartenir au luxe. Peut-être à l’absurdité. Personne n’y jette un regard ni ne hasarde un contrôle.
Ce n’est malheureusement pas tout. Donka est la partie palpitante d’une Guinée dans laquelle le bien-être de l’homme échappe aux activités humaines. L’argent s’y est gentiment substitué. On le sent, on le vit au CTE de Donka. Non pas que l’on vous réclame des sous. Loin de là. Mais vous vivez absolument le statut du Guinéen à la fois malade et source sûre de revenu. Ne vous en faites pas, la mentalité est ancrée avant l’arrivée de la pandémie ! On vous soigne si vous payez. On vous soigne parce que vous payez. La succulence du terme « humain » y laisse des plumes. La délicatesse a déserté les relations patients-soignants. Le personnel le reflète à merveille. Têtu, le phénomène persiste dans tous les actes, à toutes les étapes de la chaîne de communication. Sur toute la longueur de la ligne.
Tôt le matin, vous avez la visite d’un médecin, d’une infirmière. Peut-être d’une équipe. Aucun signe extérieur ne les distingue. Même pas l’immense quantité de feuilles volantes qu’ils ont entre les mains. L’informatique ne nous a pas encore envahis. L’ordinateur a certainement peur du nouveau virus. Ebola ne nous a pas légué des administrateurs pour collecter des données, mesurer, évaluer tous les contours d’une épidémie. Aussi, sommes-nous pantois devant la nouvelle pandémie. Les soignants, eux, sont là, bien sûr, pour voir comment le malade a passé la nuit. La porte s’ouvre violemment. Quelle que soit l’heure. Que vous dormiez ou non ! Que vous souffriez ou non ! La dernière fois que j’ai vu des portes s’ouvrir de cette façon, c’était en 1996, à la Maison centrale de Coronthie. Le Coronavirus n’avait pas vu le jour. La seule différence est qu’à Donka, personne ne songe à refermer une porte. Non, je vous assure !
Diallo Souleymane (in Le Lyx