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Valéry Giscard d’Estaing : La mort d’un Françafricain

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L’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing (VGE), âgé de 94 ans, est décédé ce 2 décembre 2020 « entouré de sa famille » dans le centre de la France, rapportait la presse française mercredi soir.

Hospitalisé à Tours depuis la mi-novembre, l’ancien président de la République Valéry Giscard d’Estaing est mort, soutient Europe 1, des suites du Covid-19. Le 14 septembre, « VGE » avait déjà été hospitalisé le 14 septembre à l’hôpital Georges Pompidou, à Paris, pour « une légère infection aux poumons ».

Que retenir de son unique septennat commencé en 1974 et terminé en 1981_la faute à François Mitterrand vainqueur de la présidentielle de cette année-là ? Les Français garderont sans doute l’image d’un Président qui voulait réformer la France et la moderniser, avant de sombrer dans l’opinion suite à une série de mauvaises décisions.

Quant aux Africains, Giscard souvent appelé l’Africain en raison de ses interventions en Afrique, est surtout un Françafricain, c’est-à-dire un héraut de la Françafrique, cette nébuleuse mêlant interventions politiques et militaires néocoloniales et affairisme qui a longtemps travesti les liens entre la France et ses anciennes colonies.

De la présidence de Valéry Giscard d’Estaing entre 1974 et 1981, l’histoire a retenu « l’affaire des diamants offerts par son ami centrafricain Jean-Bedel Bokassa, à qui il avait réservé sa première visite présidentielle avant de le lâcher quelques années plus tard ».

Mais VGE et l’Afrique, ce sont aussi des opérations éclair sur le continent, que ce soit au Tchad ou au Congo, dans le cadre d’une politique africaine dans la ligne droite de celle qui existait depuis les indépendances, écrivent Christian d’Epenoux et Christian Roche dans L’Express du 29 décembre 1979. La suite du récit des deux auteurs est édifiante. Morceaux choisis.

« En 1974, Valéry Giscard d’Estaing arrive au pouvoir. Et son règne inaugure une nouvelle période d’interventions plus dures, marquées par une nette escalade militaire. Simple coïncidence, expliquent les stratèges de notre politique africaine : le changement est dû beaucoup moins au chef de l’État lui-même qu’aux événements qui l’imposent. Est-ce si sûr ? Car voici un président qui, héritier du fameux « domaine réservé » de ses deux prédécesseurs, en a fait une « chasse gardée » quasi exclusive sur l’Afrique.

Londres ne peut envoyer un seul « tommy » jouer les arbitres dans son ancienne colonie rhodésienne sans un vote des Communes. Et Jimmy Carter, le chef de l’État le plus puissant de la planète, est soumis au contrôle d’un Congrès tatillon. Ceci explique cela : si la France apparaît aujourd’hui comme le gendarme de l’Afrique, cela tient aussi à un pouvoir présidentiel sans égal dans les démocraties occidentales.

La prise directe permet le secret ; le secret favorise l’efficacité. Et les faits, quand l’opinion les apprend, sont souvent des faits accomplis. Sans les « fuites » qui laissèrent prévoir l’imminence d’une opération, la France n’aurait appris que le jour même, le 19 mai 1978, que les paras sautaient sur Kolwezi.

Pour « Barracuda » sur Bangui, le 20 septembre dernier, le secret sera, cette fois, totalement préservé. Les pilotes qui, les jours précédents, ont convoyé les Transall au Tchad et au Gabon ne connaîtront qu’au dernier moment le but de la « manœuvre ».

Le ministre de la Coopération, l’un des trois hommes clefs de la stratégie africaine, et largement associé à la phase exploratoire, se doute qu’« il y a quelque chose dans l’air ». Mais ignore le jour et les détails de l’opération. Guy Georgy, directeur des Affaires africaines au Quai d’Orsay, ne l’apprend qu’après coup. Seuls une poignée d’officiers, deux conseillers élyséens, un ambassadeur et son attaché militaire seront mis « au parfum ».

L’histoire retiendra aussi, que la popularité qu’avait VGE au début de son mandat sera irrémédiablement affectée par “l’affaire des diamants de Bokassa”. En octobre 1979, le Canard enchaîné révèle cette affaire, qui remonte à 1973. « L’ancien empereur de Centrafrique, Bokassa 1er avait alors remis de façon confidentielle des diamants à Valéry Giscard d’Estaing, qui était alors ministre des Finances et ami de chasse de longue date.

Le président évoque un simple cadeau mais mal est fait : Valéry Giscard d’Estaing est désormais perçu comme un aristocrate, déconnecté des réalités des Français. On lui reproche ses origines – il vient d’une vieille famille bourgeoise remontant à l’Ancien régime –, ses parties de chasses et son goût pour les châteaux.

Valentin Mbougueng