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Affaire DSK : l’acte manqué du mouvement metoo (CHRONIQUE)

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A l’occasion de la sortie du documentaire « Chambre 2806 : l’affaire DSK », la chroniqueuse de « La Matinale » Maïa Mazaurette revient sur dix ans de prise en compte des violences faites aux femmes.

LE SEXE SELON MAÏA
Lundi 7 décembre, Netflix a mis en ligne les quatre épisodes du documentaire Chambre 2806 : l’affaire DSK (réalisé par Jalil Lespert) : trois heures et quart d’enquête sur un événement qui aurait pu changer le monde… mais qui restera dans les mémoires comme un énorme acte manqué. A l’époque, le scandale sexuel est traité comme un fait divers, voire comme un dérapage. Six ans plus tard, des millions de femmes (et d’hommes) se joindront au mouvement #metoo.
Rappelons les faits : le 14 mai 2011, à New-York, une femme de chambre noire, analphabète et pauvre – Nafissatou Diallo – accuse le directeur général du Fonds monétaire international, blanc, éduqué et riche – Dominique Strauss-Kahn – d’agression sexuelle, tentative de viol et séquestration. Immédiatement après les faits, surgissent dans toute la presse des anecdotes sur la considérable libido de l’accusé (c’est légal), des rumeurs faisant état de violences sexuelles (c’est illégal). Certains faits sont invérifiables, d’autres feront l’objet de procédures judiciaires (comme l’affaire du Carlton de Lille, qui verra DSK mis en examen puis relaxé pour proxénétisme aggravé).
Lire (en édition abonnés) : De DSK à #balancetonporc, une révolution française
En 2011, les Français et Françaises découvrent avec stupéfaction que dans le milieu politique, tout le monde « savait » – mais que personne n’a rien dit. Des mots qui seront répétés en boucle six ans plus tard, lors de l’affaire Weinstein : tout le monde savait, mais personne n’a rien dit… En 2011 cependant, pas de hashtag viral, ni même de procès (une transaction financière mettra officiellement fin à l’affaire). Peu de solidarité pour Nafissatou Diallo, peu de crédit accordé à Tristane Banon – une autrice et journaliste qui, déjà en 2006, avait tenté d’alerter sur le cas DSK (lorsqu’elle prononcera son nom en 2007 dans une émission de télévision, ses mots seront censurés).
Que ne s’est-il pas passé en 2011 – alors que tous les éléments semblaient rassemblés pour libérer la parole des femmes (selon l’expression consacrée) ? C’est ce dont rend compte Chambre 2806 : l’affaire DSK. Nous y observons ce que nous ne voulons plus jamais voir (une Nafissatou Diallo terrifiée par la puissance de son agresseur présumé, des convives riant pendant que Tristane Banon raconte une tentative de viol…). Nous écoutons ces « petites phrases » que nous aimerions ne plus jamais entendre (il manque cependant le « troussage de domestique » du journaliste Jean-François Kahn de Marianne).
Lemonde.fr