Les autorités de la Sierra Leone ont arrêté ce chalutier de pêche chinois lorsqu’elles ont découvert un équipement de pêche illégal à bord. GREENPEACE
Le gouvernement de la Sierra Leone combat l’évasion fiscale de son secteur maritime dans le cadre d’efforts continus pour éliminer la pêche illégale, qui fait perdre au pays environ 29 millions de dollars chaque année.
Le gouvernement déclare qu’il fermera les entreprises, intentera des poursuites judiciaires ou refusera d’émettre des certificats de dédouanement portuaire aux sociétés qui ne paient pas leurs impôts.
Le pays s’est aussi procuré six bateaux pour patrouiller dans ses eaux côtières et des équipements radio, des tablettes électroniques et des téléphones Android pour « renforcer les patrouilles, le contrôle et la surveillance du secteur de la pêche », déclare le président Julius Maada Bio dans un reportage du Sierra Leone Telegraph.
La pêche illégale, non déclarée et non réglementée (IUU) en Sierra Leone est principalement pratiquée par les gros chalutiers industriels, dont 75 % environ ont des liens avec la Chine, selon des estimations de China Dialogue Ocean.
La Chine cible depuis des années les pays d’Afrique de l’Ouest qui possèdent des forces de sécurité maritime insuffisantes. Les chalutiers illégaux sont bien connus pour battre des pavillons de complaisance, corrompre les responsables locaux, soumettre des relevés falsifiés, omettre de déclarer toute leur prise, pêcher dans les zones interdites et harceler les pêcheurs locaux.
Les économistes déclarent que la pêche IUU a fait perdre aux pays d’Afrique de l’Ouest plus de 300.000 emplois de pêche artisanale et environ 2,3 milliards de dollars de revenus entre 2010 et 2016, selon le journal Daily Observer du Liberia.
En plus de menacer la subsistance de dizaines de milliers de personnes qui travaillent dans le secteur de la pêche artisanale en Sierra Leone, la pêche illégale menace la sécurité alimentaire parce que le poisson représente 65 à 85 % des protéines animales consommées dans le pays, selon l’Environmental Justice Foundation [Fondation pour la justice environnementale].
La Sierre Leone avait tenté précédemment de combattre la pêche IUU de manière fiscale, déclare Tabitha Grace Mallory, professeur à l’université de Washington qui se spécialise dans les pratiques de pêche de la Chine, dans un e-mail envoyé à ADF. Elle dit que le plus grand défi que le pays affrontera sera de mettre à exécution sa réglementation.
Le professeur Mallory, qui est aussi fondatrice du China Ocean Institute, déclare : « Sans capacité de police adéquate, l’interdiction imposée par la Sierra Leone et visant les flottes de pêche étrangères n’a pas d’importance, et il lui sera difficile d’entreprendre une lutte plus dure contre la pêche IUU. Les pays de la région pourraient donc bénéficier d’une coordination dans leurs contrôles maritimes. Et, chose importante, la technologie et d’autres ressources provenant plus probablement de tiers sont nécessaires pour améliorer les capacités de mise à exécution. »
En juillet 2020, la fuite de trois chalutiers industriels qui étaient gardés par la Sierra Leone a souligné l’argument du professeur Mallory. Le Jian Mei 1, le Jian Mei 4 et le Hong Chang 1 avaient été l’objet de sanctions pour leur violation des lois et des règlements nationaux après la documentation de leurs activités par des pêcheurs locaux. Mais au lieu de payer des amendes, les navires sont simplement partis.
L’élimination de la pêche IUU et de la corruption et l’incompétence dans le secteur des pêcheries et des ressources marines est une priorité du président Bio depuis son entrée en fonction en 2018. Deux ans auparavant, l’Union européenne avait remis à la Sierra Leone une carte jaune après avoir conclu que le niveau de développement et d’engagement du pays contre la pêche IUU était insuffisant.
Le président Bio déclare dans un reportage du Sierra Leone Telegraph : « La pêche illicite, non déclarée et non réglementée était omniprésente. L’évasion fiscale, les omissions de déclaration, la surexploitation par les vaisseaux surtout illégaux dans la zone économique exclusive du pays détruisaient les stocks de poissons du pays, détruisaient l’écosystème marin et privaient les pêcheurs artisanaux et la totalité de la chaîne communautaire de la pêche artisanale de leurs moyens de subsistance. »
« Nous devons reconnaître que la pêche IUU est florissante lorsqu’il existe des régimes nationaux corrompus, de mauvaises structures juridiques nationales et internationales, des mécanismes de mise à exécution inefficaces ou inexistants, et plus. Comme pour la corruption, la pêche IUU est florissante lorsque les risques sont faibles pour les acteurs et leurs associés. Comme pour la corruption, nous devons faire augmenter le risque et le coût de la pêche [IUU]. »
Adf