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La Tunisie envoie dans l’espace son premier satellite 100 % fait maison

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Un écran géant retransmet le lancement du satellite « Challenge One » à bord d’un lanceur Soyouz, au siège de TelNet, à Tunis, le 22 mars 2021. FETHI BELAID / AFP
C’est un petit pas pour l’aérospatiale mais un grand pas pour la Tunisie : le premier satellite fait maison a été lancé dans l’espace, lundi 22 mars, ouvrant de nouvelles perspectives locales aux jeunes ingénieurs qui s’expatrient en nombre. La Tunisie est le premier pays du Maghreb et le sixième en Afrique à fabriquer son propre satellite, après notamment l’Afrique du Sud, l’Egypte ou le Ghana, selon le site spécialisé Space in Africa.

Challenge One, destiné à l’Internet des objets (l’écosystème des objets connectés), a été construit par une équipe du groupe de télécommunications tunisien TelNet, dont la plupart des ingénieurs, formés localement, ont entre 25 et 30 ans. « C’est une fierté d’avoir participé à ce projet. Travailler dans le secteur aéronautique ou aérospatial est un rêve », a déclaré Khalil Chiha, 27 ans, formé à l’école nationale d’électronique de Sfax.

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« On est très émus, après trois ans de travail intense », souligne Haïfa Triki, ingénieure de 28 ans, qui a suivi depuis Tunis l’envol du lanceur Soyouz qui transporte le satellite : « Heureusement que l’ambiance était bonne pour résister au stress et au défi de maîtriser des technologies nouvelles. On a fait beaucoup de sacrifices, mais ça valait le coup. »

« Un rêve qui se réalise »
La fusée a décollé lundi matin de Baïkonour, au Kazakhstan, suivie en direct depuis Tunis par le président Kaïs Saïed, qui a rejoint ingénieurs et journalistes au siège de TelNet. « Notre richesse réelle est la jeunesse qui peut faire face aux obstacles », a déclaré M. Saïed, soulignant que la Tunisie, empêtrée dans une crise sociale et politique, ne manquait pas de ressources mais de « volonté nationale ». « Nous sommes fiers de notre jeunesse » et des cerveaux tunisiens « de par le monde », a-t-il souligné.

Plusieurs milliers d’ingénieurs quittent chaque année la Tunisie pour travailler à l’étranger. L’équipe de Challenge One a notamment été appuyée par des ingénieurs tunisiens expatriés, dont l’un a participé à la récente mission de la NASA sur Mars. « C’est vraiment un rêve qui se réalise », expliquait Anis Youssef, responsable du projet chez TelNet, quelques jours avant le lancement.

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Thermomètres ou capteurs de pollution connectés, puces de localisation ou senseurs d’humidité : ce satellite expérimental est destiné à récolter les données collectées par ces appareils pour y avoir accès en temps réel, même dans une zone terrestre sans couverture Internet. Il vise à répondre au besoin croissant de connexion satellitaire pour les objets, car moins de 20 % de la surface du globe est couverte par le réseau Internet terrestre.

« C’est un gros problème pour l’agriculture ou les véhicules connectés », explique Ahmed El Fadhel, ingénieur aérospatial basé en Belgique et président de l’Association tunisienne de l’espace Tunsa. Si l’aérospatiale est en plein développement dans le monde arabe et en Afrique, où onze pays africains sur 55 ont déjà lancé des satellites, « le club de ceux qui en fabriquent est assez fermé », souligne M. El Fadhel.

Avancée technologique
Challenge One doit disposer d’une capacité de transmission de 250 kb/s sur 550 km, selon TelNet. C’est l’un des premiers à utiliser dans l’espace un protocole de transmission de données déjà utilisé sur Terre, LoRa, ce qui permet de connecter via satellite des objets existants en ne changeant que l’antenne. TelNet souhaite lancer d’ici trois ans, en partenariat avec d’autres pays africains, une constellation de plus de 20 satellites afin d’exploiter commercialement cette technologie. « Cela ouvre la voie à l’ouverture d’un service innovant pour la région dans un domaine en pleine expansion », indique à l’AFP Mohamed Frikha, PDG de TelNet.

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Au-delà de l’avancée technologique, il souligne « l’ouverture de perspectives d’emploi local pour les ingénieurs tunisiens ». « Les possibilités d’emploi existent en Tunisie. Le problème, c’est de donner envie aux jeunes ingénieurs de rester, renchérit Mme Triki. Il faut que l’écosystème suive pour motiver les jeunes, avoir d’autres entreprises pour proposer des débouchés ambitieux, mais aussi des conditions sociales meilleures. ». La Tunisie, frappée de plein fouet par les retombées sociales de la pandémie de Covid-19, est paralysée par une crise politique et touchée par de nombreuses mobilisations sociales, poussant à la hausse les départs, légaux ou clandestins.

Le Monde avec AFP