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« En Guinée, la répression est en passe d’égaler les années les plus noires de Sékou Touré… », Tierno Monénembo

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Depuis sa première investiture en 2010, le président de la République de Guinée, Alpha Condé, a dévoilé sa nature de despote, affirme l’écrivain guinéen Tierno Monénembo, dans une tribune au « Monde ».

Tribune. En décembre 2010, Alpha Condé est investi président de la République de Guinée, au terme une élection à rallonge. Cinq mois entre deux tours ! Du jamais-vu ! Mais bon, la Guinée venait de tenir son premier scrutin digne de ce nom, les apparences étaient sauves. Les chantres de la démagogie et les gourous des cabinets de communication pouvaient y aller de leurs fanfares et de leurs superlatifs : « opposant historique », « premier président démocratiquement élu », « le Mandela de la Guinée », etc.

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Blasés de tout, les Guinéens n’y trouvèrent pas à redire. « Une élection pure, c’est du domaine de l’utopie, se dirent-ils, surtout sous les doux cieux d’Afrique. Alpha a sûrement triché mais il a un avantage sur ses concurrents : il n’a collaboré avec aucun de ses prédécesseurs, ni avec Sékou Touré ni avec Lansana Conté. Il se pourrait bien qu’il nous offre un nouveau départ. »

Dans la tête du citoyen lambda, ce nouveau départ signifiait deux choses : restaurer les droits de l’homme gravement endommagés par ses prédécesseurs et, surtout, améliorer les conditions de vie des Guinéens qui crèvent de faim alors que, sur le planaussi bien agricole que minier, leur pays est l’un des mieux dotés de la planète.

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On pensait naïvement qu’il s’y serait sérieusement attelé pour tourner la page de son élection contestée. On pensait naïvement qu’il aurait opéré une rupture avec le passé et sorti le pays du cycle maudit de la haine, de la misère et de la répression. C’était bien mal le connaître !

L’agneau est devenu loup

Cet homme qui a sans doute lu Machiavel sait que « gouverner, c’est faire croire ». Longtemps, il nous a fait croire qu’il était un fervent panafricaniste, un démocrate, un révolutionnaire romantique opposé à toute forme de néocolonialisme, toute forme de dictature, toute forme de corruption. Et quand le souffle de la vérité a soulevé le voile qui recouvrait son visage, on a découvert que c’était un vieil ami des pires dictateurs du continent.

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On a réalisé avec un désagréable haut-le-cœur qu’il avait de tout temps baigné dans le milieu interlope (journalistes, hommes d’affaire et politiciens) qui fait la pluie et le beau temps en Afrique, décide à sa guise de ce qui est vrai et de ce qui est faux. L’ancien leader de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France (FEANF) dînait le soir avec les « chiens couchants de l’impérialisme », comme il se plaisait à appeler les chefs d’Etat africains alors qu’il avait passé la journée à les éreinter dans les meetings des amphis et dans les manifestations de rues. Docteur Jekyll et Mister Hyde ! Et depuis qu’il est au pouvoir, bien plus Hyde que Jekyll !

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Tierno Monénembo
In lemonde.fr