Qui est responsable du désordre ? Pour Bouba Bah, la responsabilité est essentiellement à trois niveaux : l’Etat, les maîtres d’ouvrage (investisseurs) et les ingénieurs.
En parlant de l’Etat, il indique : « l’Etat, à travers le Ministère de la Ville et de L’Aménagement du territoire, refuse jusqu’à nos jours, la validation du nouveau code de l’Architecture. L’actuel code date de 1985. Il est donc complètement anachronique et n’est même pas respecté par les autorités.»
Sur les investisseurs – surtout les investisseurs particuliers –, il les accuse de ne pas accorder de l’importance aux études. « Le peu d’entre eux qui connaissent l’importance des études, ne connaissent pas que c’est un architecte ou un bureau d’architectes agréés qu’il faut consulter. Cela les amène à accepter n’importe quels services, c’est-à-dire des services des gens qui ne sont pas de la profession et tout naturellement, cela conduit à des résultats catastrophiques ! », dénonce notre interlocuteur.
Sur les ingénieurs, il dénonce certains qui outrepassent souvent leur mission pour s’immiscer dans des missions exclusivement dévolues aux architectes !Il a d’ailleurs rappelé que la maîtrise d’œuvre est un domaine qui relève exclusivement des compétences de l’architecte.
Les conséquences de l’anarchie sur Conakry
« La validation du nouveau code introduit il y a de cela dix ans (10) auprès du ministère en charge de l’Architecture et de l’Urbanisme aurait pu prévenir la plupart des problèmes que connaissent toutes nos villes en général et la capitale Conakry, en particulier », croit Bouba Bah.
L’architecte croit qu’à Conakry, on construit n’importe quoi et n’ importe où ! « Nos villes n’ont pas été dessinées, en effet ! Or, une ville doit être conçue, suivie et périodiquement adaptée en fonction du temps, des nouveaux besoins ou des nouveaux phénomènes. Il n’y a que des lotissements qui se font et cela, parfois, sinon il ne s’agit que des occupations anarchiques ! », critique Bouba Bah.
Pour lui, cette réalité a engendré la production des villes anarchiques à travers tous les pays dont le cas le plus illustratif est la ville de Conakry, la capitale. « Le développement anarchique de notre capitale a engendré l’insécurité, l’insalubrité, les embouteillages, la mauvaise répartition du peu d’équipements qui existent, la pollution, l’exode rural, la pauvreté. Même la difficile et la mauvaise distribution de l’eau et de l’électricité sont imputables en grande partie au développement anarchique de la ville », estime l’architecte.
Toujours à Conakry, le président de l’ONAG croit que cette anarchie a commencé à provoquer des inondations. Et, prévient-il, si rien n’est fait dans un avenir proche, des quartiers entiers risquent de disparaitre purement et simplement.
Des zones industrielles en pleine ville
Conakry a fini par absorber Dubréka et Coyah et s’étend désormais sur plus de 50 kilomètres. A cette allure, craint l’architecte, c’est bientôt la ville de Forécariah qui sera absorbée pour transformer Conakry en une mégapole, s’il ne l’est pas déjà dans un pays de douze millions d’habitants. « Or, à mon point de vue, nous n’avons pas besoin des mégapoles, nous avons besoin des villes petites et moyennes qui soient modernes, durables et facilement administrables », suggère-t-il.
M. Bah croit que cette extension incontrôlée de notre capitale a entrainé des conséquences qui si rien n’est fait, risquent d’empêcher tout développement durable. Il énumère déjà : des zones industrielles au centre géographique de la ville et à côté des zones d’habitations, un centre administratif qui se retrouve à l’extrémité d’une ville linéaire et horizontale de plus de 50 kilomètres, une ville réellement sans corniche car celle qui existait étant complètement obstruée par des gigantesques immeubles érigés en bordure de mer… « Il y a aujourd’hui une appropriation de la mer, un bien commun, par un petit groupe de particuliers ou de sociétés immobilières. La majorité est ainsi privée de brise marine et de vue sur mer», dénonce l’architecte.
L’anarchie, fait remarquer Bouba Bah, a aussi produit pratiquement sans équipements, ni projets modernes de transports publics, quasiment sans espaces verts. « Des surfaces navigables disponibles qui auraient pu servir des transports urbains, même inter – urbains, sont difficilement exploitable aujourd’hui », renchérit-il.
Quelles solutions pour sortir de cette impasse?
Pour le président de l’ONAG, les acteurs techniques du secteur de l’urbanisme devraient se poser un certain nombre de questions. Entre autres, quel rôle pour les acteurs techniques que sont les architectes, les ingénieurs et les géomètres dans cette nouvelle dynamique ? Quel rôle pour les décideurs ? Quel rôle pour les populations ? « C’est des questions essentielles auxquelles il faut apporter des réponses appropriées pour pouvoir assurer un meilleur avenir pour le secteur afin d’obtenir des retombées bénéfiques pour les populations », estime Bouba Bah.
Avec Guinéenews