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Le mot « apprivoisé » est beau. Il évoque la vie domestique et familiale. On y retrouve le geste d’hospitalité, celui de revenir à la maison (du latin ad domus ). Parler d’apprivoiser la solitude est donc un acte de réconciliation avec la solitude qui fait et doit faire partie de l’existence humaine. Personne ne pourra jamais vous faire vous sentir bien si vous n’êtes déjà pas bien avec vous-même. C’est pourquoi il est urgent d’apprendre l’art d’être avec soi-même. Si vous ne savez pas vous sentir bien par vous-même, vous ne saurez pas comment vous sentir bien avec les autres. Votre façon de vous lier à eux sera toujours une relation d’attachement utilitaire. Ils seront un moyen de combler votre pénible isolement. Ils se sentiront utilisés par vous, tandis que vous constaterez que personne n’est une extension ou un écho de votre propre ego.
Si une personne est incapable de se sentir à l’aise dans ses baskets, si elle est incapable de rester à flot dans son existence, elle ne verra pas l’autre comme une personne mais comme une bouée de sauvetage. Si l’homme n’est pas en paix avec lui-même, la recherche de l’autre sera toujours une évasion de lui-même. L’autre n’aura alors personne à rencontrer, seulement une âme en souffrance et en fuite qui voudrait reconstruire son ego qui ne s’aime pas avec l’amour des autres.
«L’amour ne peut pas être vécu comme une évasion de soi.»
L’amour ne peut pas être vécu comme une évasion de soi. Car dans l’amour la seule « chose » qui compte, c’est de se donner. L’intériorité de l’homme, c’est comme une pièce. Si vous ne trouvez pas que cette pièce est belle et accueillante, vous éviterez d’y entrer et d’aller y passer du temps. Vous resterez à l’extérieur. Plus cette pièce restera fermée, plus son odeur suffocante de lieu clos la rendra invivable. Pour stopper cette spirale négative, il faut avoir le courage de supporter la difficulté initiale de bien fonctionner dans sa chambre intérieure personnelle. Pour cela, il faut commencer par l’habiter, et s’y habituer.
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L’une des grandes découvertes libératrices de l’existence est celle de la « pièce silencieuse » comme l’appelle Etty Hillesum, mystique et écrivaine juive morte à Auschwitz. Lorsque vous découvrez cet espace silencieux, vous commencez à emporter avec vous et en vous-même « une grande et féconde solitude. Parfois, le moment fondamental d’une journée est justement la pause entre deux respirations profondes, qui permet de revenir à soi dans un recueillement de cinq minutes » écrivait-elle. C’est pourquoi ceux qui veulent s’aimer doivent apprendre à prier !
«L’incapacité à savoir être seul pousse les gens à se réfugier dans une relation d’amour traitée comme un antidépresseur.»
Beaucoup de couples se forment non pas par choix, mais plutôt par une sorte de fatalisme. La plénitude d’amour n’y est pas, plutôt la peur du vide émotionnel. Il faut alors comprendre que notre solitude n’est pas à exorciser, mais à exercer. L’incapacité à pouvoir être seul pousse les gens à se réfugier dans une relation d’amour traitée comme un antidépresseur, presque comme une drogue ou un sédatif. Ils constituent alors des bébés couples, c’est-à-dire des couples composés d’individus qui se réfugient chez l’autre en lui demandant de reconstruire leurs identités incertaines. L’art de savoir se sentir bien, en revanche, donne un grand privilège : celui de pouvoir choisir librement. Donc, le premier pilier, il n’est à chercher auprès de personne d’autre que vous-même.
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Dernier indice. Pour celui qui a la foi, ce mariage avec soi a toutes les chances de se dérouler dans une atmosphère merveilleuse. Celle de la prière. Prier, ce n’est pas tant dire des prières, mais entrer dans la présence de Dieu. C’est se voir dans les yeux de Dieu. En se voyant avec Ses yeux aimants, vous pourrez vous aimer et vous accepter plus facilement. Vous découvrirez que votre solitude est visitée et que vous êtes un prodige.
Un geste pratique à exercer
Trouvez un moment pour être avec vous-même, et pour faire un examen de votre vie. Il s’agit d’un regard bienveillant qui vise non pas à juger votre existence, mais à la reconnaître et, en tant que croyant, à être reconnaissant. Cela ne prend pas des heures. Cela prend — pour commencer — dix minutes par jour. Vous les méritez !