Des hivers plus cléments au nord, des étés moins chauds au sud. La Circulation méridienne de retournement atlantique, un courant océanique aussi appelé AMOC, joue un rôle de thermostat de la planète. Mais ce système, dont fait partie le Gulf Stream, est aujourd’hui arrivé à son point de rupture, suggère une étude parue dans la revue Nature Climate Change, jeudi 5 août.
L’AMOC est en effet l’un des principaux systèmes de circulation océanique de la Terre. Tel un tapis roulant géant, ce courant transporte l’eau chaude et salée de l’équateur vers le nord. Cette eau se refroidit alors et devient ainsi plus dense. Lorsqu’elle est suffisamment lourde, elle s’enfonce vers des couches océaniques plus profondes et retourne vers le sud. Au total, ce courant déplace près de 20 millions de mètres cubes d’eau par seconde, soit près d’une centaine de fois le flux du fleuve Amazone.
En février déjà, une étude dans la même revue avait alerté sur la diminution de puissance de l’AMOC, au plus bas depuis un millénaire. Aujourd’hui Niklas Boers, climatologue à l’Institut de recherche de Potsdam (Allemagne) sur les effets du changement climatique, démontre que le point de non-retour est proche. « Alors que l’on savait que l’AMOC était à son plus faible niveau depuis au moins mille ans, la question restait ouverte de savoir si cet affaiblissement était simplement une variation du système ou s’il était associé à une perte de stabilité, explique-t-il. Il faut imaginer une chaise que l’on peut déplacer ou incliner ; dans le premier cas, sa stabilité ne sera pas affectée, dans le second cas, il y a un point d’inclinaison au-delà duquel la chaise va tomber : le point de basculement. »
Les résultats de l’étude montrent que l’affaiblissement de l’AMOC est associé à une baisse de stabilité, et que le courant s’est donc rapproché du seuil critique à partir duquel il pourrait s’effondrer. L’état des connaissances actuel ne permet toutefois pas de savoir si ce basculement est imminent ou s’il risque de survenir dans plusieurs siècles.
Conséquences multiples
Reste à savoir, aussi, quelles sont les régions qui pourraient être affectées par la modification de ce courant. « Le monde entier, répond Niklas Boers, mais les pays adjacents à l’océan Atlantique plus directement. » Les conséquences pourraient être multiples : températures plus fraîches en Europe, élévation du niveau de la mer dans l’est des Etats-Unis, modification des régimes de précipitations dans les systèmes de mousson tropicaux, en particulier en Amérique du Sud et en Afrique de l’Ouest. « En Afrique de l’Ouest, certaines études suggèrent qu’un effondrement de l’AMOC pourrait pousser la région dans des conditions de sécheresse permanentes », confirme l’auteur de l’étude.
Lemonde