Le régime Condé a chuté, mais l’opposition politique guinéenne n’innove pas dans sa lutte pour la conquête du pouvoir.
La déclaration de l’ ANAD (l’alliance nationale pour l’alternance en Guinée) hier vendredi et les agissements de certains responsables politiques montrent que l’opposition politique guinéenne élargie manque vraiment de stratégie de communication adaptée aux réalités guinéennes.
Dans sa déclaration, l’ANAD traite des sujets très sensibles tels que le nombre des représentants de partis politiques au sein du CNT, le médiateur de la CEDEAO, la récupération des domaines de l’État, la durée de la transition.
Pour ce qui est du cas de la durée de la transition.
Nous sommes tous unanimes que la junte militaire doit déterminer la durée de la transition politique le plus rapidement possible, qui elle consiste à organiser des élections libres et transparentes.
Et pour qu’on puisse enfin ouvrir la voie à un véritable processus de transition démocratique apaisé en Guinée pour permettre sa consolidation.
Mais pour ce qui est du cas du médiateur de la CEDEAO, cette structure fait apparemment une fausse analyse de la situation actuelle du pays.
Car exceptés les caciques de l’ancien régime déchu et quelques militants du parti du président Alpha Condé (RPG), personne ne souhaite avoir un médiateur de la CÉDÉAO en Guinée.
N’est-ce pas la CÉDÉAO est restée indifférente aux tueries en Guinée et a préféré soutenir le pouvoir despotique en place contre la volonté du peuple ?
Pourquoi vouloir penser mordicus que la solution aux problèmes causés par les guinéens eux-mêmes doit venir de l’extérieur?
Et pourtant avec un peu de bon sens et du respect de la volonté des peuples de Guinée, tout est possible.
Parlant de la récupération des biens de l’État détournés ou occupés par les hauts cadres des différents régimes en Guinée.
Là aussi, il n’y a que le clan du pouvoir de M Alpha Condé qui semble avoir des problèmes avec cette initiative des nouvelles autorités guinéennes.
Certes nous sommes pour le respect des droits des présumés coupables, mais cela ne signifie pas qu’il faut continuer à supporter cette occupation sauvage du patrimoine de l’État.
Le patrimoine de l’État étant sacré, aucun haut cadre de l’État ne doit abuser de sa fonction pour s’accaparer des biens fonciers de l’État.
Alors quel est le sens de votre décision sur ce sujet?
Une telle sortie vous apporte quoi au juste sachant bien que le nom de quelques-uns parmi vous sont cités dans cette histoire?
Parlant maintenant du nombre des représentants des partis politiques au sein du CNT que vous qualifiez d’insuffisant.
Ceci met en exergue votre incapacité à faire une vraie lecture des vrais problèmes guinéens.
Sinon comment peut-on soutenir que sur plus de 150 partis politiques existants pour une population de 12 millions d’habitant que chacun de ses partis politiques obtienne une voix au sein du CNT?
Donc la décision du ministère de la décentralisation et de l’administration du territoire ne souffre d’aucune anomalie et doit être maintenue. Le CNT n’est pas une vache laitière.
Et ne pas rester dans cet esprit, c’est cautionner une vaste plaisanterie démocratique. Sans oublier que cette pratique est une sérieuse entrave à la consolidation démocratique.
Mais apparemment, cette farce démocratique orchestrée par la classe politique guinéenne, avec comme tendance majeure la prolifération des partis politiques inutiles à connotation clientéliste est déjà bien enracinée en Guinée.
C’est pourquoi les hommes politiques et les partis politiques poussent comme des champignons, chacun veut faire de la politique, même s’ils n’a ni la capacité, ni les compétences, ni les valeurs et vertus morales pour occuper les services publics.
Ce phénomène est souvent couplé avec celui d’un réel vagabondage politique dont les coupables se retrouvent acteurs au sein de plusieurs partis politiques qu’ils créent suite à des désaccords avec leurs anciens collaborateurs.
Une situation qui prouve que le système multipartite facilitant la création de ces partis politiques est mal ficelé en Guinée et favorise immanquablement la discorde sociale dans le pays avec la naissance de nombre élevé de partis politiques et des candidats qui semblent confondre les élections présidentielles aux élections de quartiers de Conakry.
En réalité, ces pratiques exhortent assurément une politique qui ne se fait que dans le contexte régionaliste, ethniciste, clientéliste et encourage la comédie démocratique et la polarisation des divisions ethniques.
Car les partis politiques en lieu et place d’être des organisations véhiculant des idéologies, où on parle de projets de sociétés, de projets de développement de la société guinéenne; un endroit où l’on parle de l’édification d’une société démocratique, caractérisée par une culture politique élevée.
Ils deviennent plutôt des maîtres dans l’organisation de véritables calembours déguisés en alliances politiques.
Celles-ci se font et se défont au gré des enjeux électoraux, juste avant leur précipitation mécanique dans une dislocation plus ou moins parfaite.
Et cette situation met aussi en exergue, l’incapacité des grands partis d’opposition guinéens à mobiliser au-delà de leur fief traditionnel, à se renouveler et à convaincre.
Mais il faut surtout admettre que les grands partis d’opposition n’arrivent pas à incarner leurs discours.
Ils sont loin des standards de partis démocratiques qu’ils prétendent être: on retrouve les mêmes têtes, à croire que ces partis politiques sont dépourvus d’élections primaires permettant aux militants de choisir si possible une icône représentative.
L’autre fait marquant le manque de changement au niveau des partis politiques est lié aux sorties des leaders des partis politiques par médias interposés ces derniers jours.
Ces sorties montrent qu’en Guinée, on s’accroche surtout sur les clivages, avec un égo démesuré et cela retarde l’accomplissement de l’objectif principal de l’action politique qui est d’avoir de l’impact sur la vie des citoyens guinéens.
La posture actuelle des leaders politiques prouve que malgré le départ d’Alpha Condé, ils sont incapables de trouver une stratégie pour se rassembler, se rapprocher afin de trouver un consensus autour de la transition démocratique en Guinée.
Pour se faire, il faut commencer par l’acceptation de vos différences, de vos divergences afin de parvenir à une alternance voire une alternative démocratique apaisée.
Mais il faudra aussi et surtout passer par la mise en place d’un leadership et management capable d’élaborer et exécuter une telle stratégie.
Une chose qui s’avère difficile voire impossible pour l’opposition politique élargie, puisque l’intérêt clanique, fonctionnel, prime sur celui du peuple.
Et pourtant c’est le leadership seul qui définit la vision et le cadre des grandes orientations stratégiques d’un mouvement ou d’une organisation n’importe laquelle.
Or, cela fait défaut aujourd’hui en Guinée, puisque l’opposition politique élargie est minée de l’intérieur par la guerre des égos et des intérêts et c’est pour cela d’ailleurs que le combat n’est que de surface et le seul perdant demeure le peuple.
La Guinée dans sa sortie du tunnel actuel doit réussir un vrai miracle démocratique et sociologique grâce à quelques personnages hors normes.
Avons nous vraiment de tels personnages ?
Alors faisons tout pour ne pas rendre possible le retour au pouvoir des ennemis de la démocratie mais, pour cela, commençons par ne pas devenir, à notre insu, nous démocrates, nos propres ennemis.
Car en Guinée chaque citoyen peut être un potentiel ennemi de la démocratie.
Aïssatou Chérif Baldé. Djon Kossan de mangoya
Bon week-end
NB: L’injure n’est pas une opinion.