Journaliste et présidente de l’association des professionnelles africaines de la communication (APAC) en Guinée, Asmaou Barry a été élue ce lundi, 15 novembre 2021, pour faire partie de la liste des professionnels de médias qui vont représenter la presse guinéenne au conseil national de la transition (CNT).
Dans cette interview, l’activiste guinéenne des droits humains et de lutte contre les violences et discriminations à l’égard des femmes revient largement sur son élection et interpelle les nouvelles autorités sur la liberté de la presse, les droits humains ainsi que la promotion des femmes.
Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis Asmaou Barry, Journaliste de profession, travaillant au groupe de presse Lynx-Lance. Des journaux hebdomadaires édités et distribués en Guinée.
Aussi je préside la section guinéenne de l’Association des professionnelles africaines de la Communication APAC qui est une association panafricaine présente dans plusieurs pays d’Afrique francophone, regroupant des femmes journalistes, communicatrices et techniciennes de médias.
Cette association est un cadre de réflexion et d’actions sur les questions des femmes et des médias. Elle œuvre pour une nouvelle pratique de la communication capable de refléter une bonne image de la femme à travers les médias et de faire de la communication un instrument au service de la promotion féminine.
Par ailleurs, je fais aussi de l’activisme social en faveur des droits humains et particulièrement les droits des femmes.
Vous venez d’être élue pour faire partie de la liste des professionnels de médias qui vont représenter la presse guinéenne au conseil national de la transition (CNT), quels sont vos objectifs ?
Après avoir vécue une décennie assez tumultueuse, la Guinée entame un tournant décisif de son histoire avec une transition qui s’ouvre dans le pays. Une transition qui a pour leitmotive de jeter les bases de la refondation de la nation guinéenne. Ce qui sous-entend des réformes à mener. Et pour cela chacun a un rôle à jouer. La presse y compris, qui il faut le rappeler est une part entière de la société.
Ainsi en allant au Conseil Nationale de la Transition, l’objectif est de contribuer à la gestion de la transition, de doter le pays de textes législatifs performants reflétant les aspirations des guinéens. De nos jours il y a beaucoup de textes de lois qui nécessitent un toilettage et d’autres textes qu’il faut adopter. Donc l’objectif est clair c’est participer à l’émergence d’une nouvelle Guinée.
Quelles plaidoiries comptez-vous porter pour faire avancer la liberté de la presse en Guinée ?
En ce qui concerne le secteur que je vais représenter au sein du CNT, les défis sont énormes. La presse guinéenne a besoin d’être mieux protégée. Les entreprises de presse ont besoin de promotion. La pratique du métier de journaliste mérite d’être protégée et même améliorée. C’est pourquoi, on s’attellera j’espère avec d’autres conseillers, à proposer ou sinon examiner et faire adopter des textes législatifs qui pourraient contribuer à faire avancer la liberté de la presse. Cela tant au niveau institutionnel donc des organes en charge de la gestion, la réglementation des médias, que dans la pratique même du métier de journalisme. Par exemple faire réexaminer et susciter l’adoption de la loi sur l’accès à l’information publique, faire réviser la loi sur la presse pour intégrer un encadrement de la création et la gestion des entreprises de presse. Il faut que les organes de presse cessent d’être juste un canal pour diffuser des informations, il faudrait qu’elles fonctionnement comme de vraies entreprises avec pour conséquence des meilleures conditions de vie et de travail pour les journalistes.
Je rappelle que vous êtes activiste des droits humains et lutte contre les violences et discriminations à l’égard des femmes, qu’est-ce que vous attendez des nouvelles autorités du pays concernant les droits humains ?
Sur la question des droits humains, nous fondons l’espoir que les nouvelles autorités poseront des actes allant dans le sens de renforcer l’État de droit en Guinée. Nous avons déjà vu des premiers pas puisque si nous nous référons sur le passé ; nous étions dans une sorte de déni de manque de respect, de violation des droits humains en Guinée.
Depuis l’avènement du Comité national du rassemblement pour le développement (CRND), on n’a vu quand même une certaine reconnaissance des actes de violations de droits humains qui ont eu lieu et on espère que les autorités actuelles vont continuer dans ce sens en œuvrant maintenant pour une justice en faveur de l’ensemble des victimes de violation des droits humains.
Le CRND dit vouloir refonder la nation alors on ne peut pas refonder une nation s’il y’a une partie du peuple qui a longtemps été opprimé. Donc l’un des chantiers sur lequel nous attendons beaucoup les nouvelles autorités sera la justice pour tous, l’organisation des procès car le dossier du 28 septembre est entrain de patiner, s’y ajoute les victimes du régime d’Alpha Condé dont une centaine de jeunes ont été tués à l’occasion des manifestations, cela aussi mérite justice.
Nous attendons également une meilleure prise en charge de la promotion des droits des femmes, de la lutte contre les violences faites aux femmes.
Il faudrait après que des actes soient posés en faveur de la lutte contre les violences faites aux femmes, l’excision, les mariages précoces et forcés et surtout sur les violences sexuelles.
Pour cela, il faudrait créer cette éducation citoyenne, mettre en place sinon renforcer les mécanismes déjà existant de protection des femmes.
Nous espérons que d’ici la fin de la transition, la Guinée sera enfin un Etat respectueux des droits humains, un Etat dans lequel, on n’a pas peur d’être une femme, où l’on assume sa féminité et les filles sont protégées contre les violences sexuelles.
Les femmes sont sous représentées dans les instances de décisions en Afrique, pouvons-nous espérer des progrès avec les nouveaux dirigeants guinéens ?
Nous avons noté que la charte de la transition publiée par le CNRD exige que sur l’ensemble des organes, qu’il ait au moins une représentation de 30% de femmes.
J’ai un sentiment mitigé là-dessus parce qu’il faut rappeler que le régime déchu avait au moins le mérite de mentionner sur papier la parité homme-femme. Avec le CRND, on nous renvoie à 30% par ailleurs le gouvernement est composé de 27 membres dont 7 femmes un peu moins de 30%.
On estime que le CRND aurait pu respecter sa volonté de vouloir faire 30% et c’est déplorable. Maintenant on attend de voir en ce qui concerne le CNT.
Personnellement, j’ai dit aux femmes au lieu de 50% on peut se battre à l’intérieur de nos structures pour obtenir ce pourcentage. C’est-à-dire dans l’ensemble des structures sollicitées pour désigner des membres qu’elles se battent à l’intérieur pour que la parité soit de mise.
C’est ce que nous avons fait au sein de la presse, nous avions deux places et avons fait de telle sorte que le principe d’équité soit respecté. Les autres femmes des autres structures devraient faire autant pour que nous ayons un CNT paritaire un CNT équitable en genre.
De façon générale, la place de la femme dans la société guinéenne, on espère que les personnes appelées à faire la gestion de cette transition prendront cette problématique en charge pour une meilleure représentativité des femmes sur toutes les échelles de la vie sociale et politique en Guinée. Il faut œuvrer pour leur éduction, leur autonomisation, leur renforcement de capacité par la mise en place et l’adoption de texte règlementaire.
Quel est votre dernier mot ?
J’invite l’ensemble des guinéens à se mobiliser autour des nouvelles autorités autour des idéaux de paix et de reconstruction de la nation pour faire de la Guinée une vitrine de démocratie, de respect des droits humains mais aussi de prendre son envol économique.