Les pressions venant notamment d’Europe n’ont pas eu raison de la détermination des Camerounais et Africains en général pour accueillir la Coupe d’Afrique des nations (CAN), et ce, malgré la menace de plus en plus forte du variant Omicron. En moins de 48 heures, ce qui s’annonçait comme une nouvelle déconvenue pour le pays des Lions indomptables, déjà écartés de l’organisation de la compétition en 2019, puis contraints de reporter la compétition d’une année, a donc été évitée.
Un psychodrame dont les principaux vainqueurs sont forcément les autorités camerounaises, la Confédération africaine de football (CAF) évidemment, mais aussi Samuel Eto’o, le nouveau président de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), dont la prise de parole mardi avait été très remarquée.
Quant aux clubs européens, ils n’ont peut-être pas tout perdu. Ils vont faire pression sur certains joueurs convoqués pour qu’ils se désistent. Et ils ont fait entendre leur volonté de voir à l’avenir la CAN ne plus se jouer en hiver, mais peut-être à l’automne comme l’a laissé entendre mardi le président de la Fédération internationale de football association (Fifa). Un Gianni Infantino accusé d’avoir fait pression, mais qui évite finalement un report qui aurait forcément endommagé son image dans un continent africain dont il a besoin pour mener à bien ses réformes.
« Une victoire, d’abord pour le peuple africain »
Cette nouvelle a en tout cas ravi et soulagé les Camerounais. Rencontrés dans un bistro de Yaoundé, Jacques, Éric et Caroline ont fêté le maintien de l’organisation de la prochaine CAN par le Cameroun : « C’est vraiment un ouf de soulagement. Avec tout ce qui s’est dit dans les médias, tous les Camerounais étaient en état d’alerte, tout le monde est content », réagit Jacques.
« Nous attendons toute l’Afrique et le monde entier, pour venir vibrer au nom de la CAN. Bienvenue au Cameroun », se réjouit Éric.
« La Coupe d’Afrique, ce sera une belle et grande fête pour l’Afrique. Ce sera un événement qui va booster le Cameroun, tant sur le plan économique que touristique », estime Caroline.
Pour sa part, Claude juge que l’Afrique vient de remporter une victoire face à l’Association européenne des clubs (ECA) qui a œuvré pour le report de cette compétition : « Pour moi, c’est une victoire, d’abord pour le peuple africain, qui a su montrer qu’il peut aussi tenir tête à ces instances européennes. Maintenant, il faut qu’ils libèrent nos joueurs. »
De son côté, ce Camerounais n’est pas surpris du maintien de la CAN à la date prévue : « Avec tout ce que le Cameroun a investi, près de 2 000 milliards à construire les plus beaux stades du monde, on a investi dans les hôpitaux, la restauration, il fallait s’y attendre ! »
« Je suis très heureux d’enfin pouvoir jouer cette CAN »
L’organisation de la CAN étant acquise, le prochain pari est celui de la vaccination de masse, gage pour avoir des stades remplis en plein Covid.
Pour le sélectionneur des Aigles du Mali, Mohamed Magassouba, cette décision est logique. Il se rendra au Cameroun avec son équipe sans la moindre crainte liée à la situation sanitaire. « Je suis très heureux d’enfin pouvoir jouer cette CAN au Cameroun, qui pour rappel devait avoir lieu déjà en 2019. Donc je dirais heureux enfin de pouvoir jouer cette compétition continentale au Cameroun », souligne-t-il.
Pour lui, cette décision est la bonne. « Vivant en Afrique on va dire 95% du temps de l’année, je dirais oui, il y a le Covid en Afrique, c’est vrai, il est partout, il est mondial. Mais sur le continent jusqu’à aujourd’hui, je n‘ai pas l’impression qu’on ait eu beaucoup de cas. Et je pense que c’est une bonne décision pour le continent, pour le football africain de pouvoir enfin faire cette compétition. J’ai foi en la CAF qui va organiser tous les protocoles sanitaires pour que les joueurs, les staffs, et j’espère les supporters, puissent venir participer à la fête, et que tout se passe bien. »
Les clubs européens inquiets
Si le football africain exulte, les grands clubs européens, eux, voient d’un très mauvais œil le maintien de la Coupe d’Afrique des nations. « Un monstre invisible qui te prend tes joueurs au vestiaire sans savoir quand tu les retrouveras », selon Lucianio Spalleti, l’entraîneur de Naples. Nombreux sont les clubs à avoir mis le holà. En cause, un protocole sanitaire qu’ils jugent insuffisants et le risque de perdre leurs meilleurs joueurs pour longtemps.
Alors, est-ce que les clubs européens vont jouer le jeu ? Pour Vincent Chaudel, consultant de l’Observatoire du Sport Business, la résistance sera notamment du côté de l’Angleterre. « Les joueurs qui partiront à la CAN, les clubs britanniques ne savent pas s’ils pourront revenir à temps pour être performants au moment des échéances très importantes pour les grands clubs européens. C’est vraiment un sujet de tension qu’il peut y avoir entre les clubs employeurs qui paient les joueurs du 1er janvier au 31 décembre, et les sélections. C’est un sujet de conflit récurrent, mais là, sur cette période-là au mois de janvier, c’est en plein Mercato. Les joueurs de grands talents africains évoluent tous en Premier League. Je pense qu’ils vont jouer la CAN contraints et forcés. Ils n’en ont pas envie pour certains. Mais ils le feront et quelque part, c’est tant mieux parce que si l’Égypte devait se passer de Mohamed Salah, si l’Algérie devait jouer sans Ryad Mahrez par exemple, ce serait une CAN dont on pourrait remettre en cause la légitimité sportive. Ce serait dommage. »
rfi