Ce que je pense de la dégradation de la situation politique dans l’espace CEDEAO avec la série de coups d’Etats militaires au Mali, en Guinée et au Burkina Faso.
Les militaires prennent le pouvoir, selon eux, pour remettre de l’ordre dans l’Etat en luttant contre la corruption endémique et faire face au défi sécuritaire lancé par des mouvements djihâdistes.
Mais, comment un organe malade peut-il soigner le corps tout entier?
C’est bien de ça qu’il s’agit dans la mesure où toutes nos armées sont gangrenées par la corruption, désorganisées, traversées par le fléau du tribalisme et surtout elles ont toujours été les bras armés des pouvoirs pour réprimer les populations.
On ne s’en rendait pas compte tant qu’elles n’étaient pas confrontées à une menace réelle comme celle des rebelles djihâdistes.
Elles sont inaptes à combattre efficacement. Le métier militaire requiert une forte technicité. Toute la chaîne de commandement a besoin d’officiers bien formés capables de conduire les opérations avec efficacité. Ce sont ces critères de compétence, d’endurance et de loyauté qui sont ignorés dans nos armées.
C’est en temps de paix qu’on prépare la guerre. La guerre éclate au Mali, les armées de la CEDEAO étaient incapables de se déployer sur le terrain. Elles n’étaient pas prêtes. J’ai lu le sévère jugement d’un général américains sur l’état de ces armées à l’époque. Le cas de l’armée guinéenne est encore plus symptomatique.
Au Mali, nous voyons bien que l’arrivée au pouvoir du colonel Goita n’a pas renversé le rapport de force militaire sur le terrain. Sachant que la France ne partage pas son ambition de s’incruster au pouvoir, il fait appel aux mercenaires de Wagner pour faire sa guerre à sa place. Nous savons tous que si la France se désengage, les djihâdistes, mieux préparés et fanatisés, ne feront qu’une bouchée de ces armées.
Dans tous les grands pays du monde, l’armée est un pôle d’excellence. C’est le pilier de l’Etat. Si nos armées étaient mieux gérées avec des officiers respectueux de l’éthique militaire, nos pays n’auraient pas connu ce déclin inexorable après les indépendances.
En lieu et place des coups d’Etat, que les chefs militaires gèrent correctement l’armée qui est en réalité un État dans l’État. S’ils sont incapables de gérer leur État, comment peuvent-ils être qualifiés pour diriger le pays?
La longue période des pouvoirs kaki des années 1960-1990 sont des décennies perdues pour l’Afrique. C’est insensé de retomber dans ces travers au moment où l’Afrique renaît économiquement.
Nous devons nous retrouver pour discuter de la place de l’armée au cœur de notre État, sur les moyens humains, techniques et financiers à engager pour la rendre performante.
Le vrai enjeu, c’est la réforme de l’armée.
Alpha Saliou Wann