Le Lieutenant-Colonel qui a pris nos destinées en main n’est pas rapide que de la gâchette, il l’est aussi du stylo. Il nomme et dégomme à longueur de journée.
Notre obsédé du décret vient de pondre une toute nouvelle liste de nominations. Elle concerne cette fois-ci, le ministère du budget, un service dirigé par un certain Moussa Cissé. Je m’empresse de soumettre à votre attention la liste des promus :
Abdoulaye KABA
Bentou N’faly KABA
Mohamed KABA
Lamine CONDE
Framady CONDE
Mamady Kémo CONDE
Nantenin KOUROUMA
Moussa KOUROUMA
Ahmed Sekou MARA
Aboubacar Sidiki MARA
Demba CAMARA
N’Famoussa 1 CAMARA
Balla Moussa CAMARA
Aminata TOURE.
Abdourahamane Guissé
16. Soua DORE
17. Stéphane Ouya ZOUMANIGUI
Kadiatou Aminata BAH
Habayatou BAH
Sidiki DIALLO
Mohamed Ben SYLLA
Mamadouba 1 BANGOURA
Mohamed V SANHHON
En lisant soigneusement vous, vous rendrez compte que sous notre beau légionnaire, les promotions ne se font plus sur la base du mérite, mais sur la base tribale. Les nouveaux promus sont cités dans un ordre ethnique qui fait frémir.
A tout seigneur, tout honneur, tout d’abord, les Malinkés, le clan du président (les 15 premiers sur un total de 23) ; arrivent ensuite les Forestiers (16ème et 17ème rang), puis les Peuls (18ème, 19ème et 20ème rang) enfin, bons derniers, les Soussous qui ferment le ban avec les trois dernières positions. C’est la part du lion : les gras morceaux pour les parents du chef, les restes pour les autres.
Personne ne réussira à me convaincre qu’une classification ethnique aussi précise est née du hasard. Cette liste a été expressément établie. C’est un message à peine codé. C’est une provocation. C’est un acte délibéré d’incivisme. C’est un coup de poignard dans le dos déjà fort meurtri de l’unité nationale.
On croyait l’apartheid mort. Eh bien non, il vient de ressusciter au pays de Mamadi Doumbouya. Il y a les seigneurs et puis, il y a la plèbe. Question, mon lieutenant-colonel : A quand des bantoustans pour abriter cette dernière, cette vile sous-humanité-là ?
Le pire, c’est qu’aucun prêtre, aucun marabout, aucun chef de parti, aucun syndicaliste, aucun représentant de la société civile n’a pour l’instant, réagi.
Dans un pays aussi immoral que le nôtre, personne ne s’indigne. Comme ses prédécesseurs, Mamadi Doumbouya sait que les Guinéens sont des lâches : on peut dire d’eux et faire d’eux ce qu’on veut, personne ne dira merde.
Tierno Monénembo