N’est-ce pas un pléonasme que de dire que des guinéens refusent de parler à d’autres guinéens dans cette transition tant la réalité actuelle crève les yeux ? Le moins qu’on puisse dire est que le dialogue qui, pourtant, aurait dû être l’une des boussoles de cette transition est au point mort. Or, de toutes nos cultures, de toutes nos valeurs sociales et sociétales, le dialogue et la concertation sont les plus précieux toutes les fois qu’on est amené à décider du sort de nos populations et du pays de manière globale. Il en est de même de la tradition démocratique tel que nous l’avons hérité de l’occident. Où l’on se parle, où chacun dit ce qu’il pense de la marche de la cité, on y commet peu d’erreur et cause moins de rancœur. Même dans des pays en guerre, vous avez des âmes qui malgré les antagonismes se mettent au dessus et font flèche de tous bois pour que se parlent les acteurs. En effet au lendemain du coup d’Etat du 5 septembre 2021, une vague déferlante de reconnaissance et de solidarité s’est emparée du pays tout entier. Les acteurs à tous les niveaux ont fait part de leur disponibilité à accompagner les nouvelles autorités. Une main tendue avait ainsi été faite pour témoigner de leurs volontés de s’associer pour ensemble conférer à cette transition le succès qu’elle mérite. Mais depuis, force est de constater avec regret que cette main tendue n’a eu aucun écho (du moins jusque-là) du coté du CNRD. Pour bon nombre d’observateurs, les militaires au pouvoir manifestent une réelle aversion vis-à-vis de la classe politique et de la société civile. En témoignent les discours et les faits et gestes des nouvelles autorités. Mais d’où est partie cette méfiance alors qu’à la prise du pouvoir, comme nous venons de le dire plus haut, les applaudissements ont fusés de partout ? Qui aurait mis cette puce à l’oreille de nos vaillants militaires ? Ces questions valent tout leur pesant d’or tant et si bien que le point de friction ainsi créé fait courir à notre transition le risque de soubresauts dont nul n’a intérêt. Certains, à l’image du FNDC, parlent de l’influence de ce qu’ils appellent « la partie toxique » du CNRD. Cette opinion pointe du doigt le rôle nocif des extrémistes notamment issus des rangs de l’ex parti au pouvoir et récemment nommés par vague successive à des hautes fonctions. « Ils cherchent à régler leur compte politique à leurs opposants d’hier », a récemment confié un acteur de la vie politique nationale. D’autres estiment par contre qu’il n’est pas à exclure le manque de volonté du chef de la junte himself à partager une table de dialogue avec les acteurs politiques actuels. Dans un cas comme dans l’autre, il faut savoir raison garder. Ni la classe politique, ni le CNRD et singulièrement n’aura intérêt à ce qu’un bras de fer soit en ce moment engagé. Le navire guinéen ne doit tanguer pour rien au monde. Ouvrir un espace de dialogue n’est nullement une faiblesse. Bien au contraire, il s’agit d’une hauteur d’esprit et d’une grandeur d’âme et même d’une maturité démocratique. Les acteurs politiques dont on parle sont des vrais dépositaires de la légitimité populaire (du moins pour bon nombre d’entre eux). S’éloigner d’eux revient à s’éloigner indubitablement du peuple. D’ailleurs les preuves sont palpables. Plus le fossé entre le CNRD et la classe politique grandit, moins le Président colonel jouit de soutien populaire dans les rues de la capitale. Plus de bains de foule comme à l’accoutumé. Plus d’applaudissements en l’honneur du cortège présidentiel. Qu’on le dise ou pas, les 11ans de la gouvernance Condé ont fait de la Guinée une société hautement politisée. D’une manière ou d’une autre, chaque guinéen ou presque est derrière ou proche d’un parti politique. Prendre les politiques pour des parias revient, bis repetita, à reléguer une masse critique de guinéens au second plan. Et quand c’est comme ça, attendons-nous à les avoir dans son dos.