Employée de la compagnie aérienne ASKY Airlines depuis février 2010, Aïssatou Barry, hôtesse de l’air, a été licenciée le 09 juillet 2021 sans qu’aucune indemnité ne lui soit versée. Officiellement, elle a été licenciée pour « faute lourde » portant sur un plateau-repas. Mais, cette jeune guinéenne expatriée à Lomé (au Togo) crie à l’injustice et dénonce un règlement de compte.
Aïssatou Barry dit avoir été renvoyée de son boulot à cause de son refus de coucher avec son chef hiérarchique et sa dénonciation du harcèlement sexuel dont elle a été victime de la part de ce dernier. Aujourd’hui, elle réclame une réparation de cette « injustice », et elle a déjà engagé une procédure contre ASKY Airlines devant un tribunal de Lomé pour « licenciement abusif », a appris Guineematin.com à travers un de ses journalistes.
Selon Aïssatou Barry, les faits qui lui sont reprochés par ASKY Airlines remontent au 05 juin 2021 à Conakry, à bord du vol KP 017 Conakry-Lomé. Elle y était dans le cadre d’un « voyage en convenance personnelle » avec statut de passager ordinaire. Elle explique que le catering de Conakry lui a offert un plateau-repas, qu’elle a décliné dans un premier temps. Mais, face à l’insistance de l’agent catering, elle a fini par accepter ce plateau. Malheureusement, une fois dans l’avion, on lui a brandi « un bon de commande » en son nom et qui a été facturé à la compagnie par le catering de Conakry. Elle a expliqué qu’on lui a offert ce plateau-repas, mais un rapport a quand même été dressé contre elle.
Un rapport dans lequel elle est accusée d’avoir fait une commande de plateau-repas équipage. Et suite à ce rapport, une demande d’explication (en date du 25 juin 2021 et signée du directeur des ressources humaines d’ASKY Airlines) lui a été adressée. Une demande à laquelle elle a répondu dans une lettre en date du 30 juin 2021. Mais, en dépit de son insistance à expliquer qu’on lui a offert ce plateau-repas au catering de Conakry, elle s’est retrouvée en conseil de discipline le 06 juillet 2021. Et finalement, elle a été licenciée. Mais, elle jure que ce plateau-repas n’est qu’un prétexte et que la vraie raison de son licenciement est due à son refus d’accepter les avances de son chef hiérarchique.
« D’après eux, j’ai commandé un repas que je ne devais pas commander et qu’ils ont reçu un bon. Mais, je leur ai expliqué, avec des preuves à l’appui, que ce sont les agents du catering de Conakry qui me l’ont offert. Malheureusement, comme leur objectif n’était pas de comprendre la situation sur ce plateau-repas, ils m’ont licenciée. Au fait, ce plateau n’était qu’une mise en scène, un prétexte, pour se débarrasser de moi, parce qu’ils ne pouvaient pas mettre le vrai problème sur la table. Ce licenciement est un règlement de compte. Ils voulaient m’atteindre, mais ils ne savaient pas par où me toucher. Parce que j’étais la plus jeune de ma promotion quand je suis arrivée dans cette boîte en 2010. Et donc, tout le monde autour de moi me regardait, tout le monde voulait de moi.
Mais, j’ai refusé catégoriquement de sortir avec eux. C’est ainsi que j’ai été harcelée sexuellement par mon chef hiérarchique direct pendant des années. Apparemment, dans toutes les promotions, il a touché une fille. Parce que s’il ne t’a pas au lit, tu deviens son ennemie, sa cible à abattre dans la boîte. Il y a même des filles qui sont parties de la compagnie à cause de lui. Figurez-vous, un jour (le 14 décembre 2015) il est venu me débarquer d’un vol à cause de ma coiffure, alors que ce n’est pas son rôle de débarquer une hôtesse d’un avion. Et j’ai signalé cela à la direction pour dénoncer son abus de pouvoir à mon égard. Il m’a plusieurs fois fait des avances, il voulait me mettre dans son lit, mais j’ai refusé. J’ai signalé tout cela à notre directeur des ressources humaines », a expliqué Aïssatou Barry.
Justement, dans une lettre en date du 15 décembre 2015 que notre rédaction s’est procurée, cette hôtesse de l’air a dénoncé auprès de son directeur des ressources humaines l’abus de pouvoir et le harcèlement sexuel dont elle est victime de la part de son responsable hiérarchique.
« Monsieur le directeur, je viens par la présente, dénoncer mon chef hiérarchique, M. N’Diaye Badara, d’un abus de pouvoir et d’un harcèlement sexuel dont je suis victime depuis mon arrivée dans cette compagnie, en 2010. J’ai de nombreuses fois refusé ses avances je me suis rendu compte que c’est une question de personne… Je suis aujourd’hui la première à avoir le courage d’en parler, mais plusieurs hôtesses en sont victimes », lit-on dans cette lettre.
Seulement, à en croire Aïssatou Barry, après sa lettre de dénonciation, sa situation a empiré au sein de la compagnie. « Après cette dénonciation, ma situation dans la compagnie est allée de mal en pis. Parce que mes problèmes ne venaient plus de mon chef hiérarchique direct, mais du directeur des ressources humaines, Mawuli Francis Attiogbé. Parce que quand on apprenait une situation me concernant, il m’adressait des demandes d’explication et il m’infligeait des sanctions à tout bout de champ. Désormais, personne n’écoutait mes plaintes. Ça a été une injustice totale, ils ont piétiné mes droits, ils ont piétiné ma dignité, ils m’ont humilié et finalement, ils m’ont licenciée le 09 juillet 2021 », dénonce-t-elle.
Pour cette jeune hôtesse guinéenne, rien ne lui interdisait de prendre le plateau-repas qui lui a été offert par le catering de Conakry. Et d’ailleurs, ce n’était pas la première fois qu’on lui faisait un tel cadeau. « D’habitude, on nous offre des plateaux-repas dans les escales. C’est une pratique courante. Et à Conakry, on m’embarque beaucoup de choses, mes collègues peuvent en témoigner. Parce que les catering de Conakry me considèrent comme leur sœur », assure Aïssatou Barry.
En plus de l’abus et du « licenciement arbitraire » dont elle a été victime, Aïssatou Barry se plaint d’avoir été abandonnée par ASKY Airlines. Elle jure que même un billet d’avion pour son retour en Guinée, la compagnie ne lui a pas donné, alors qu’elle était employée expatriée à Lomé. Et c’est pourquoi elle a saisi la justice pour être rétablie dans ses droits. Elle poursuit actuellement ASKY Airlines devant un tribunal de Lomé pour « licenciement arbitraire » et le procès dans cette affaire a déjà démarré.
« Quand j’ai été licenciée, ils (ASKY Airlines) m’ont abandonnée à Lomé, alors que j’étais une employée expatriée. Ils ne m’ont payé aucune indemnité. Même un billet d’avion pour mon retour en Guinée, ils ne m’ont pas payé. Je dois même libérer le bâtiment que j’occupe. Mais, avant que je vienne en Guinée, ma vie était menacée à Lomé. Parce que j’ai constaté que j’étais suivie dans mes déplacements. C’est pourquoi j’ai décidé de revenir en Guinée, passer quelque temps ici avant de retourner pour suivre le dossier au tribunal. J’ai saisi d’abord l’inspection du travail de Lomé pour réclamer une indemnisation. Puisque celle-ci n’a rien fait, j’ai engagé une procédure en justice.
Il y a déjà eu deux audiences dans cette affaire au tribunal de Lomé et une autre audience est prévue le 19 avril prochain. Je demande que justice soit faite dans cette affaire. C’est vrai que je seule et mes bourreaux sont nombreux, mais j’espère que la justice togolaise dira le droit dans ce dossier. Parce que je suis victime d’un licenciement abusif et sans indemnité. J’ai été abusée et traumatisée à ASKY Airlines. Parce qu’il y a des gens qui font pire que de prendre un plateau-repas, des choses que je n’ose même pas dire, mais ils ne sont jamais inquiétés. Donc, je demande que justice soit faite, je veux qu’on me paie mes indemnités pour que je tourne définitivement la page de ASKY Airlines », a confié Aïssatou Barry.
A noter que toutes tentatives pour avoir la version de la direction de la compagnie ASKY Airlines dans cette affaire sont pour le moment vaines. « Bonjour, Bien reçu. Nous vous reviendrons. Merci », a répondu ASKY Airlines le 18 mars dernier à notre écrit du 17 mars pour solliciter un entretien.