Le Colonel Doumbouya le dit en public et en privé qu’il ne sera pas candidat pour la prochaine élection présidentielle. Cependant, il existe plusieurs signes qui viennent contredire ce discours officiel, même s’il est prématuré de les qualifier de présomption irréfragable. En voici quelques-uns !
Le renforcement de la garde prétorienne
Au mois de mars dernier, le Groupement des Forces Spéciales s’est renforcé par le recrutement de, dit-on, 144 nouveaux éléments. Cette décision est d’autant plus paradoxale que la durée restante officielle de la Transition est de 18 mois. Quelle est alors l’utilité marginale de ces nouvelles incorporations au sein de la troupe d’élite? En tout cas, il est difficile d’imaginer que le prochain président civil, une fois en fonction, maintienne ce régiment d’élite en l’état, tant il peut être dangereux pour lui.
En effet, depuis 2008, l’Afrique Occidentale a connu neuf coups d’Etat militaires notamment au Mali, au Burkina Faso, au Niger, en Mauritanie et en Guinée, dont la plupart ont été commis par des troupes d’élite. Dès lors, comment croire que Mamadi Doumbouya alourdit, sans arrière-pensée, un régiment qui est appelé à disparaitre ? A moins que le renforcement de sa garde prétorienne ne soit fait que pour un projet présidentiel plus prolongé.
Le vrai-faux obstacle juridique à sa candidature
Si les dispositions de l’article 46 de la Charte de la Transition interdisent, in limine litis, au Colonel Mamadi Doumbouya de faire acte de candidature aux prochaines élections, qu’en sera-t-il dans la Constitution à venir ? La Constitution reconduira-t-elle la même interdiction ? Etant entendu que c’est sur la Charte de la Transition que le Colonel a juré de respecter, pas sur la Constitution à venir. Or, celle-ci viendra abroger la Charte, dès après son referendum d’adoption et sa promulgation. Est-il encore nécessaire de préciser que c’est sous le régime juridique de la nouvelle Constitution que la prochaine élection présidentielle sera organisée ? Dans ce cas, rien ne pourrait empêcher que le Colonel Doumbouya ne soit candidat à la prochaine élection présidentielle.
Le manque d’équité entre les acteurs politiques
La Transition, puisqu’elle aboutira inéluctablement à des élections, est censée être neutre, impartiale et équidistante entre les acteurs politiques. Force est de constater que la classe politique est divisée entre une mouvance présidentielle composée de partis politiques qui soutiennent toutes les actions du Colonel Doumbouya et une opposition radicale. Si cette situation n’est pas entretenue par le palais Mohamed V, en tout cas, rien n’est fait pour l’arrêter.
Des ennuis pour tous les adversaires sérieux
Les résultats des élections nationales des dix dernières années ont globalement donné le classement suivant : 1er le RPG arc-en-ciel, 2ème UFDG, 3ème UFR. Les candidats potentiels de ces trois partis politiques pour la prochaine élection présidentielle ont tantôt des ennuis avec la justice, ou sont en exil ( Kassory Fofana, Amadou Damaro Camara, Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré). Cabales politiques ou vrais dossiers judiciaires, cette situation laisse un boulevard pour le Colonel pour les prochaines joutes électorales. Ces ennuis sont-ils fortuits ou s’agit-il de subterfuge pour éliminer des potentiels adversaires ?
La Transition en cours a la singularité que le Président de la Transition n’a pas de dauphin, en cas de vacance du pouvoir. En prélude aux élections à venir, plusieurs leaders politiques font les yeux doux au Colonel Doumbouya. On peut citer entre autres, Dr Faya Millimono, Lansana Kouyaté, Dr Ousmane Kaba, etc. Mais, aucun ne semble avoir été adoubé par le Colonel Président. Après avoir été « à la mort » pour obtenir son pouvoir, il est difficile d’imaginer que le Colonel Président cède son bien si chèrement acquis par le simple aléa des urnes. Etant entendu qu’il est tout à fait compréhensible, dans son cas, de se rassurer d’abord que son successeur soit un homme ou une femme capable d’assurer ses arrières.
Dans tous les cas, à 18 mois de la fin de la Transition, si le Colonel n’a pas encore de candidat, il est fort possible qu’il n’en aura pas. Et s’il n’est pas candidat lui-même, c’est dire qu’il a accepté le risque de confier son avenir et celui de la Guinée à un homme au petit bonheur la chance. Ce qui est peu probable.
Toutes les infrastructures doivent être faites en 24 mois
Si Alpha Condé a utilisé le barrage Kaleta comme argument de campagne en 2015 et Souapiti en 2020, Mamadi Doumbouya cale l’inauguration de ses principaux chantiers avant la fin de la Transition. C’est ainsi que toutes les pressions sont faites pour que les premières tonnes du minerai de fer du Simandou soient exportées en 2025. De même, si les hôpitaux régionaux de Labé, Kindia, Kankan et Nzérékoré doivent s’achever en 2025, les aéroports régionaux de Kankan, Labé, Faranah et Nzérékoré doivent être construits en douze mois. L’extension et la rénovation de l’aéroport de Conakry doit durer 20 mois. Sur le plan routier, les échangeurs de Kagbélén, de Km36, de Bambéto, le nouveau pont de Tanènè, la nouvelle route Hamdallaye-Sonfonia doivent tous s’achever avant la fin de la Transition. Egalement, des rénovations et constructions de plusieurs écoles dont un village numérique à Kipé doivent, toutes, s’achever les 15 prochains mois et pourraient ainsi être d’excellents arguments de campagne…
Le parti-Etat
La première force politique de la Guinée a toujours été son administration publique. A telle enseigne qu’aucun parti au pouvoir n’a jamais perdu une élection nationale. Les fonctionnaires et autres administrateurs nommés par décret ont été souvent utilisés pour battre campagne pour le Président candidat. Des foulards noués autour du cou, ils se sont toujours activés pour faire élire leur patron. Le foulard était blanc sous Sekou Touré, vert sous Lansana Conté et jaune sous Alpha Condé, mais avec chaque fois le même résultat. Avec une administration majoritairement remaniée à sa guise , le Colonel ne manquera pas, le moment venu, de fonctionnaires dévoués pour porter le foulard de la bonne couleur.
L’héritage politique de Lansana Conté
Le dernier fils du Colonel Mamadi Doumbouya porte le prénom de l’ancien président Lansana Conté. C’est peut-être une simple admiration pour un colonel qui a accédé au pouvoir par un coup d’Etat en 1984 et qui est mort 24 ans après, en dirigeant la Guinée. Les dirigeants actuels du parti politique de Lansana Conté, le Parti de l’Unité et du Progrès (P.U.P) Fodé Bangoura et Cheick Amadou Camara n’ont quasiment pas eu d’ennui judiciaire, bien qu’ils fussent respectivement Ministre Secrétaire Général à la Présidence et Ministre de l’Economie et des Finances, sous Conté. C’est peut-être parce qu’ils n’ont pas commis de faute dans leurs gestions.
En revanche, lorsque le PUP aura décidé de présenter le Colonel Mamadi Doumbouya comme son candidat à la prochaine élection présidentielle, le coup politique sera tellement sublime que personne ne croirait à une simple coïncidence.
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