La CEDEAO joue sa crédibilité
Pour réussir son pari de déloger la junte nigérienne, Abuja va réunir dans les prochains jours des chefs d’état major de la CEDEAO moins ceux de quatre pays (Guinée, Mali, Burkina et Niger).
Mais rien ne présage la réussite d’une telle opération. Même si les forces occidentales pour le moment restent en place, et de facto, elles fourniraient logistiques et informations aux contingents ouest-africains, le fait que le Mali et le Burkina s’engagent à combattre du côté des putschistes nigériens, la tache sera ardue et la crise va s’intensifier dans la région, étant donné que tous ces pays sont déjà en pleine guerre contre le terrorisme. Tandis que le Nigeria même qui n’est pas venu à bout de la nébuleuse Boko Haram traverse une grave crise économique et sociale . Aussi, le Wagner dont le chef Evguéni Prigojine a apprécié le coup d’Etat contre Bazoum qu’il considère comme « une étape décisive de la lutte des peuples africains pour se libérer de l’emprise de l’impérialisme international », pourrait avoir une occasion de s’installer dans ces trois pays. Et ce n’est pas la bénédiction de Moscou qui manquera même si Kremlin demande à toutes les parties nigériennes à « la retenue et au retour à la légalité ». Car, on se rappelle, après le coup de Prigojine le 24 juin dernier, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov avait clairement indiqué que le Wagner continuera sa présence en Afrique.
Vladimir Poutine dont la velléité de reconquérir la position qu’occupait l’Union Soviétique en Afrique pendant la guerre froide et même aller au delà ne fait l’objet d’aucun doute, s’appuie aujourd’hui non seulement sur les éléments de Wagner mais aussi sur plusieurs autres canaux de séduction et de propagande ( Mais cela est un autre débat) afin de manipuler l’opinion, déjà, déçue de la politique africaine de la France. D’où la montée en puissance des sentiments anti-français des peuples africains.
Le CNRD, dans son communiqué, a adopté la mesure de prudence. D’un côté pour ne pas se démarquer de trois juntes, il se dit « solidaire aux frères nigériens », condamne les sanctions de la CEDEAO contre le Niger que la Guinée ne compte pas appliquer . Mais, le gouvernement de Conakry s’abstient de faire un communiqué conjoint avec le Mali et le Burkina, certes pour ne pas vexer Paris dont le soutien à la transition que dirige Colonel Mamadi Doumbouya brille à mille feux.
L’intervention militaire au Niger peut se révéler catastrophique. Comme l’avait préconisé le président béninois, Patrick Talon, avant le sommet d’Abuja, il serait plus judicieux de privilégier le dialogue. D’abord, chercher à obtenir la libération du président Bazoum et ses hommes en détention. Sa présence en tant que détenu au Palais présidentiel ne facilite pas le succès d’une opération commando, sa vie et celle de sa famille, seraient en danger.
A notre humble avis, il serait plus sage et plus judicieux d’offrir une porte de sortie au Général Tchiani et ses hommes afin de les convaincre de rejoindre les casernes voire un chemin de l’exil avec protection et que ce dernier l’accepte pour, éventuellement ne pas connaître le triste sort du Général burkinabè Gilbert Djendéré.
On l’a fait pour Blaise Compaoré en 2014 alors que les crimes de son régime au Burkina Faso sont plus graves. Pourquoi ne pas le faire pour Abdourahmane Tchiani et sa bande qui ont pris le pouvoir sans effusion de sang. Déjà le président déchu reste retenu dans sa résidence et garde via ses téléphones tous ses contacts à l’extérieur. Ce qui lui permet d’ailleurs de maintenir ses réseaux et nourrir l’ambition de récupérer son fauteuil, situé à quelques mètres de lui.
Oumar Kateb Yacine
Institut Afrique Emergente
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