En Guinée, un mois après la bousculade meurtrière de N’Zérékoré, flou sur le nombre de victimes et reproches aux autorités
Après le drame qui a coûté la vie, le 1ᵉʳ décembre, à 56 personnes officiellement et 135 personnes selon un collectif d’ONG, ce dernier dénonce l’opacité des mesures judiciaires prises par les autorités du pays.
Mouvement de foule meurtrier lors d’un match de football dans le stade du 3-Avril de N’Zérékoré, en Guinée, le 1ᵉʳ décembre 2024. SOCIAL MEDIA / SOCIAL MEDIA VIA REUTERS
La colère des habitants de N’Zérékoré contre la junte est intacte, un mois après la bousculade meurtrière qui a endeuillé la ville. Le 1er décembre, dans la deuxième ville de Guinée, le stade du 3-Avril a été le théâtre d’un mouvement de foule lors d’un match organisé en l’honneur du général Mamadi Doumbouya, arrivé au pouvoir en 2021, après un coup d’Etat. Depuis les défenseurs des droits humains et les autorités se déchirent sur le décompte des victimes, tant le sujet est sensible politiquement.
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Dès le lendemain de la tragédie, le gouvernement guinéen a annoncé un bilan provisoire de 56 morts, qui n’a pas évolué depuis, tandis que le collectif des organisations de défense des droits de l’homme de N’Zérékoré a recensé plus du double de victimes. Dans une déclaration, ce dernier a énoncé que 135 personnes « dont majoritairement des enfants de moins de 18 ans » étaient mortes ce jour-là.
Pour recenser les corps, Théodore Loua, coordinateur régional de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH), explique avoir déployé ses équipes à l’hôpital de N’Zérékoré, dans les mosquées, les églises, les écoles et en allant au contact des chefs de quartier et des familles de victimes. « Nous avons séparé les victimes en quatre catégories : morts, blessés, portés disparus et dégâts matériels. Ces informations ont été retranscrites dans un fichier Excel qui servira à l’élaboration d’un rapport détaillé », précise Adrien Chérif, membre du collectif des droits humains, qui a lui-même perdu sa nièce au stade.
Coupure de l’accès à Internet
Mais les autorités putschistes rejettent en bloc ce bilan. Le 20 décembre, à la Radio-Télévision guinéenne, le ministre de la justice, Yaya Kaïraba Kaba, a fustigé « ceux qui veulent jeter de l’huile sur le feu » en avançant « des chiffres sans indiquer [leur] source ».
Dès le 3 décembre, dans une vidéo publiée sur Facebook, le ministre avait menacé d’arrestation ceux qui publieraient des « informations non vérifiées ou malveillantes susceptibles de troubler l’ordre public ». Durant les dix premiers jours qui ont suivi le mouvement de foule, l’accès à Internet a en outre été restreint à N’Zérékoré par les autorités, « sans explication », note Amnesty International dans un communiqué daté du 12 décembre, qui appelle à une enquête indépendante.
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La coupure a permis de limiter la diffusion de photos et de vidéos en lien avec le drame, estime l’OGDH. Un moyen d’éviter que l’image du régime soit remise en cause, selon Théodore Loua, alors que les ONG locales dénoncent la responsabilité des autorités dans la bousculade meurtrière. Contactées par la rédaction du Monde, les autorités guinéennes n’ont pas souhaité s’exprimer.
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Plusieurs dizaines de sacs de riz et des bidons d’huile ont été distribués aux victimes par les autorités et les blessés les plus graves ont été transférés à Conakry, la capitale, des familles exigent du gouvernement une indemnisation réelle. « Les victimes se consolent par elles-mêmes. Aucun soutien psychologique n’a été prévu », critique Emmanuel Fassou Sagno, président du collectif. Selon les ONG, rien n’est fait non plus pour tenter de savoir ce qui est arrivé à la trentaine de personnes toujours portées disparues selon leur décompte.
L’exécutif reconnaît la « mal-gouvernance »
Dans une déclaration publiée le 3 décembre, le collectif d’ONG a exigé « l’interpellation immédiate des organisateurs », ciblant l’Alliance des jeunes leaders de la forêt, à l’origine de la rencontre sportive, et la junte « qui a apporté son appui technique et financier » à l’organisation de l’événement. Par ailleurs, la vétusté du stade, l’utilisation de gaz lacrymogène par les forces de l’ordre dans un espace clos, l’obstruction de l’une des deux issues du terrain par des véhicules des autorités sont dénoncés par le collectif local.
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Le chef du gouvernement guinéen, Bah Oury, a reconnu la « mal-gouvernance », le 5 décembre sur Radio France internationale, en niant toute intention de dissimuler le nombre véritable de victimes. Le ministre de la justice a, quant à lui, annoncé, dès le 3 décembre, avoir ordonné « de faire ouvrir immédiatement des enquêtes judiciaires pour établir les responsabilités dans cette tragédie ». Un comité de crise a par ailleurs été installé par le régime.
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