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El hadj Biro: A mon tour de parler (Par Boubacar Yacine Diallo journaliste écrivain)

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Il y a longtemps, même très longtemps que je l’ai connu à travers mon père qui travaillait à l’hôpital de Mamou situé à « deux pas » de son domicile. Puis j’ai commencé à venir chez lui grâce à l’un de ses fils Alpha Amadou, camarade d’école.
Le temps passe. Le revoilà en 1995 fraîchement installé dans les prestigieuses fonctions de président de l’Assemblée nationale au Palais du peuple où siégeait depuis trois ans déjà le Conseil national de la communication (CNC) dont j’étais membre. Nos bureaux se trouvaient au premier étage. Et régulièrement je passais le voir. Ce fut l’une des plus grandes écoles de ma vie : de son premier jour de classe à son arrivée au parlement en passant par la période coloniale qu’il a vécu intensément, sans oublier les conditions d’accession de la Guinée à son indépendance… Je découvre alors l’immensité de son savoir et de son savoir-faire. J’écrase mon ardeur devant ce monument de l’histoire contemporaine de la Guinée.
Des années passent. Puis c’est le jour de départ de l’Assemblée nationale. Homme d’honneur, il invite la presse à l’accompagner à sa résidence de Donka. Je le revois présenter jusqu’aux cuillères à ceux qui sont désignés pour recevoir les biens de l’Etat. Tout le monde salue son exemple d’honnêteté. Puis je le raccompagne avec d’autres membres de sa famille à son domicile privé.
Ce n’est qu’en 2002 que nos chemins se croisent de nouveau. Cette fois- ci dans son village natal Kourou derrière le grand Timbo. Après ma démission de mes fonctions de Directeur Général de l’Office de la radiotélévision guinéenne (ORTG) j’ai créé un journal d’investigation L’Enquêteur. Je me suis rendu à Kourou pour partager et raconter ses nouvelles conditions de vie. Ma surprise fut grande : une belle bâtisse éclairée au solaire, un forage moderne et même de l’eau chaude dans les robinets. Cet article avait été fortement apprécié.
Elhadj Biro commençait une nouvelle vie qu’il partageait la nuit tombée avec ses nombreux voisins derrière un écran plat. Dans le chahut, il m’arrivait de lui répéter qu’il ne pouvait pas vivre là-bas très longtemps, la route était difficile d’accès et la plupart des ambassadeurs tenaient à lui rendre visite pour des hommages mérités et saluer son leadership.
La dernière fois que j’ai parlé avec lui c’était au téléphone. Il me rassurait qu’il n’était pas malade et que c’était le poids de l’âge.
Ce dimanche au pied de sa tombe, j’ai eu l’impression qu’il me confiait un message comme tiré du poème de Henri Scott Holland :
« Ne pleurez pas si vous m’aimez, Je suis seulement passée dans la pièce à côté. Je suis moi, vous êtes-vous. Ce que nous étions les uns pour les autres, nous le sommes toujours. Donnez-moi le nom que vous m’avez toujours donné, Parlez-moi comme vous l’avez toujours fait. N’employez pas un ton différent, ne prenez pas un air solennel et triste. Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Priez, souriez, pensez à moi, priez pour moi. Que mon nom soit prononcé comme il l’a toujours été, Sans emphase d’aucune sorte, sans une trace d’ombre. La vie signifie tout ce qu’elle a toujours signifié. Elle est ce qu’elle a toujours été. Le fil n’est pas coupé. Pourquoi serais-je hors de votre pensée simplement parce que je suis hors de votre vue ? Je vous attends. Je ne suis pas loin, Juste de l’autre côté du chemin. Vous voyez, tout est bien. Essuyez vos larmes. »

Boubacar Yacine Diallo
Journaliste écrivain