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L’Enseignement Supérieur en Guinée : un système en crise qui exige une réforme (Par Thierno Mohamadou Diallo)
Cet article d’opinion intitulé, «L’Enseignement Supérieur en Guinée : Un système en crise qui exige une réforme », met en lumière les défis majeurs auxquels fait face l’enseignement supérieur guinéen et propose des réformes indispensables pour sa revitalisation.
La Guinée, nation au riche héritage intellectuel et connue pour avoir formé certains des plus grands esprits de l’Afrique de l’Ouest, se trouve aujourd’hui à un carrefour décisif. Autrefois perçu comme un pilier du savoir et du progrès, son système d’enseignement supérieur peine à suivre le rythme des mutations rapides du monde moderne. Jadis foyers de dynamisme intellectuel et d’innovation, les universités guinéennes souffrent aujourd’hui d’une stagnation préoccupante, produisant des diplômés insuffisamment préparés pour s’imposer dans une économie mondiale axée sur la connaissance.
Alors que l’enseignement supérieur évolue à l’échelle mondiale grâce à la mondialisation, favorisant la collaboration universitaire internationale, l’apprentissage numérique et la recherche interdisciplinaire, les établissements guinéens restent englués dans des difficultés structurelles qui freinent leur développement. Le sous-financement chronique a conduit à la dégradation des infrastructures, à un accès limité aux ressources pédagogiques modernes et à des installations de recherche insuffisantes. De plus, les programmes obsolètes, souvent déconnectés des évolutions industrielles et technologiques actuelles, continuent de produire des diplômés incapables de s’insérer efficacement sur le marché du travail. Parallèlement, une fuite des cerveaux alarmante prive la Guinée de ses meilleurs talents, alors que ceux-ci cherchent de meilleures opportunités à l’étranger, exacerbant ainsi les lacunes du pays en matière d’innovation et de réforme économique.
À ce moment critique, une question cruciale se pose : la Guinée saura-t-elle saisir l’opportunité de revitaliser son système d’enseignement supérieur et de retrouver sa place en tant que centre d’excellence académique, ou laissera-t-elle ses institutions intellectuelles continuer à se détériorer, condamnant ainsi les générations futures à un avenir incertain ? L’heure est à l’action.
Une Feuille de Route pour la Réforme : Que Faire ?
Le secteur de l’enseignement supérieur en Guinée est au bord de l’effondrement et nécessite des interventions urgentes et stratégiques pour le réaligner avec les exigences du XXIe siècle. Un système universitaire performant est non seulement un levier de progrès intellectuel et social, mais aussi un facteur clé du développement national. Toutefois, la crise actuelle—caractérisée par la fuite des talents, des programmes obsolètes et une fracture numérique croissante—risque de compromettre l’avenir du pays. Pour y remédier, la Guinée doit mettre en place un programme de réforme global axé sur trois domaines prioritaires :
La rétention et le développement des talents académiques
La modernisation des programmes universitaires
La réduction de la fracture numérique
1. Rétention et Développement des Talents Académiques
La Guinée connaît l’une des pires crises de fuite des cerveaux en Afrique de l’Ouest. Selon l’UNESCO (2023), près de 50% des professionnels diplômés quittent le pays dans les cinq ans suivant l’obtention de leur diplôme, un taux nettement supérieur à la moyenne régionale. Ce phénomène s’explique principalement par :
Des salaires faibles : Les enseignants du supérieur en Guinée perçoivent des salaires bien inférieurs à ceux de leurs homologues dans des pays voisins comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Selon un rapport de la Banque mondiale (2023), le salaire moyen d’un professeur guinéen est inférieur à 500 dollars par mois, un montant bien en deçà de la moyenne régionale. Cette précarité salariale décourage les jeunes chercheurs de faire carrière dans l’enseignement supérieur et pousse les professeurs en poste à chercher de meilleures opportunités à l’étranger.
Un manque de financement pour la recherche : La Guinée consacre moins de 0,3% de son PIB à la recherche et au développement (R&D), bien loin de la norme recommandée par l’Union Africaine qui est de 1% du PIB. Cette situation empêche les universitaires locaux de publier, d’innover et de participer à des échanges scientifiques internationaux.
Des infrastructures obsolètes : Beaucoup d’universités guinéennes manquent d’infrastructures académiques de base, comme des laboratoires modernes, des bibliothèques bien fournies et des centres d’apprentissage numérique. La pénurie d’équipements de recherche nuit à la productivité des chercheurs et limite la formation des étudiants.
2. Modernisation des Programmes Universitaires
Le système éducatif guinéen est encore fortement influencé par des modèles académiques coloniaux français, qui ne sont plus adaptés aux réalités socio-économiques actuelles. En conséquence, les diplômés ne disposent pas des compétences nécessaires pour répondre aux besoins du marché du travail.
Peu de formation appliquée : L’enseignement reste trop théorique, avec peu d’accent mis sur la résolution de problèmes, la collaboration avec l’industrie et l’entrepreneuriat.
Faible intégration des formations techniques et professionnelles : Contrairement à d’autres pays qui ont intégré avec succès la formation technique et professionnelle dans leurs universités, la Guinée considère encore ces disciplines comme secondaires, laissant plusieurs secteurs clés en manque de main-d’œuvre qualifiée.
Absence de contenus adaptés aux réalités locales : Le programme académique ne tient pas compte des priorités économiques du pays, comme l’agriculture, l’exploitation minière, l’énergie durable et la technologie numérique.
3. Réduction de la Fracture Numérique
La Guinée est l’un des pays les moins connectés d’Afrique en matière d’éducation numérique. Selon le Rapport Africain sur la Connectivité (2022), moins de 15% des étudiants universitaires ont accès à des ressources numériques.
Accès limité à Internet : Les universités souffrent d’un accès instable et coûteux à Internet, empêchant les étudiants et enseignants de se connecter aux bases de données académiques mondiales.
Absence d’une bibliothèque numérique nationale : Contrairement à d’autres pays africains, la Guinée n’a pas encore mis en place une plateforme centralisée permettant aux étudiants d’accéder à des ressources académiques actualisées.
Inaccessibilité des équipements technologiques : La majorité des étudiants ne peuvent pas s’offrir d’ordinateurs portables ou de tablettes, ce qui les empêche de bénéficier pleinement de l’apprentissage numérique.
Actions Urgentes à Entreprendre
1. Pour retenir et développer les talents académiques
Augmenter les salaires des enseignants afin de les aligner sur les standards régionaux.
Créer un Conseil National de la Recherche en Guinée (CNRG) pour financer la recherche et promouvoir l’innovation.
Établir des programmes d’échange universitaire avec d’autres institutions africaines et internationales.
2. Pour moderniser les programmes universitaires
Intégrer la formation technique et professionnelle dans les cursus universitaires.
Adapter les contenus académiques aux besoins économiques locaux.
Encourager la publication académique en plusieurs langues (français, anglais, langues locales).
3. Pour réduire la fracture numérique
Investir dans un accès Internet à haut débit pour toutes les universités.
Créer une bibliothèque numérique nationale pour mettre à disposition des ressources académiques gratuites.
Mettre en place un programme de financement gouvernemental pour faciliter l’achat d’équipements informatiques par les étudiants.
Conclusion
L’avenir de l’enseignement supérieur en Guinée repose sur des actions immédiates et audacieuses. Seule une réforme profonde permettra de transformer les universités en moteurs d’innovation et de développement. Le moment d’agir, c’est maintenant.
Par Thierno Mouhamdou Diallo
Enseignant Chercheur en Anglais Avancé et Relations Internationales
Université Générale Lansana Conté de Sonfonia – Conakry
Email : tmdiallo2019@gmail.com
Higher Education in Guinea: A System in Crisis That Demands Reform**
by
Thierno Mouhamdou Diallo
Lecturer of Advanced English & International Relations
Universith General Lansana Conte of Sonfonia – Conakry
Email: tmdiallo2029@gmail.com
Guinea, a nation with a storied intellectual legacy and a history of producing some of West Africa’s finest scholars, now stands at a crossroads. Our higher education system, once revered as a beacon of knowledge and progress, is struggling to keep pace with the demands of a rapidly evolving global landscape. Universities that were once centers of intellectual vibrancy and innovation are increasingly characterized by stagnation, producing graduates who find themselves ill-equipped to compete in today’s knowledge-driven economy.
While higher education worldwide has been revolutionized by globalization—ushering in new opportunities for international academic collaboration, digital learning platforms, and interdisciplinary research—Guinea’s institutions remain entrenched in systemic challenges that hinder progress. Chronic underfunding has led to deteriorating infrastructure, limited access to modern teaching resources, and inadequate research facilities. Outdated curricula, often disconnected from current industry and technological trends, continue to churn out graduates who struggle to integrate into the workforce. Meanwhile, a debilitating brain drain siphons off our most talented scholars and professionals, as they seek better opportunities abroad, depriving the nation of the very expertise needed to drive educational and economic reform.
At this pivotal moment, the question we must ask ourselves is clear: Will Guinea seize the opportunity to revitalize its higher education system and reclaim its place as a hub of academic excellence, or will we allow our intellectual institutions to further erode, leaving generations of students without the tools to build a prosperous future? The time for action is now.
A Roadmap for Reform: What Must Be Done
Guinea’s higher education sector is at a breaking point, requiring urgent and strategic interventions to realign it with the demands of the 21st-century economy. A strong university system is not only a driver of intellectual and social progress but also a key determinant of national development. The current crisis, characterized by talent flight, outdated curricula, and a widening digital divide, threatens to undermine the country’s future. To address these pressing issues, Guinea must embark on a comprehensive reform agenda, focusing on three key areas: retaining and developing academic talent, revamping the curriculum, and bridging the digital divide.
1. Retaining and Developing Academic Talent
Guinea is experiencing one of the most severe brain drain crises in West Africa. According to UNESCO (2023), nearly 50% of university-trained professionals leave the country within five years of graduation, a rate significantly higher than regional averages. This exodus of talent is primarily driven by:
Low Salaries: Academic staff in Guinea earn significantly lower wages compared to their counterparts in neighboring countries like Senegal and Côte d’Ivoire. According to a World Bank (2023) report, the average Guinean professor earns less than $500 per month, far below the salaries offered in more developed academic markets. This financial disparity discourages young scholars from pursuing careers in higher education while pushing existing faculty to seek better-paying opportunities abroad.
Lack of Research Funding: Research in Guinea is largely underfunded, with less than 0.3% of GDP allocated to research and development (R&D)—a stark contrast to the African Union’s recommended target of 1% of GDP. Without adequate funding, local academics struggle to conduct meaningful research, publish in reputable journals, or engage in scholarly exchanges.
Outdated Facilities: Many Guinean universities lack basic academic infrastructure such as modern laboratories, libraries, and digital learning centers. Students and faculty often rely on outdated textbooks, with little access to recent academic publications. The absence of state-of-the-art research equipment further hampers innovation and scientific inquiry.
2. Revamping the Curriculum
The curriculum in Guinea’s higher education system is outdated, heavily influenced by colonial-era French academic models that do not reflect contemporary socio-economic realities. This has left graduates ill-prepared for the demands of the modern workforce. Key deficiencies include:
Lack of Applied Research Programs: The education system remains highly theoretical, with little emphasis on problem-solving, industry collaboration, or entrepreneurship. Graduates often struggle to transition from academic knowledge to practical applications, limiting their employability.
Minimal Technical and Vocational Integration: While many developed nations have successfully integrated technical and vocational training into their university curricula, Guinea still treats these disciplines as secondary. This gap has led to a surplus of graduates in non-technical fields, while industries requiring skilled professionals remain underserved.
Neglect of Local Knowledge and Indigenous Innovation: The curriculum remains detached from Guinea’s economic priorities, such as agriculture, mining, sustainable energy, and digital technology. Local knowledge systems and traditional industries receive little to no academic attention, further alienating graduates from homegrown opportunities.
3. Bridging the Digital Divide
Guinea lags behind in digital education, with universities severely lacking internet access, e-learning platforms, and technological infrastructure. According to the 2022 African Connectivity Report, fewer than 15% of university students have access to digital learning resources, placing Guinea among the least connected nations in higher education. The major challenges include:
Limited Internet Access: Unstable and expensive internet connections prevent students and faculty from accessing global research networks, online courses, and virtual collaborations.
Absence of a National Digital Repository: Unlike countries with centralized digital academic archives, Guinea lacks a system where students and researchers can access academic materials, forcing many to rely on outdated printed materials.
Technology Affordability Issues: Many students cannot afford laptops or tablets, further limiting their ability to engage with digital education. The government has yet to introduce any large-scale initiatives to support student access to technology.
Urgent Actions Required
To reverse this decline and restore higher education as a pillar of national development, Guinea must implement urgent reforms across all three areas:
1. Retaining and Developing Academic Talent
Increase Salaries for Lecturers: The government must introduce a competitive salary structure to attract and retain talent within academia. Raising wages to regional standards will reduce the incentive for faculty members to migrate.
Establish a Guinea National Research Council (GNRC): This independent body should be responsible for funding local research, awarding grants, and promoting innovation in critical fields such as health, agriculture, and technology.
Develop Regional Exchange Programs: Strengthening partnerships with universities in Africa and beyond will encourage knowledge sharing and create new career opportunities for Guinean academics within the region.
2. Revamping the Curriculum
Integrate Technical and Vocational Skills: Universities must incorporate hands-on learning, apprenticeships, and vocational training to ensure students acquire practical skills relevant to industries.
Prioritize Local Knowledge and Economic Needs: Academic programs should be tailored to Guinea’s economic landscape, with specialized degrees in agricultural science, renewable energy, and mineral resource management.
Strengthen Multilingual Academic Publishing: Encouraging research in French, English, and indigenous languages will broaden access to knowledge and enhance academic inclusivity.
3. Bridging the Digital Divide
Invest in High-Speed Internet for Universities: The government must prioritize nationwide broadband expansion to ensure that all universities have stable and affordable internet access.
Establish a National Digital Academic Repository: A centralized online platform should be developed to provide free access to academic papers, journals, and textbooks for all students and faculty.
Provide Government-Backed Laptop Financing Programs: A state-backed scheme should be introduced to offer students affordable loans or subsidies for purchasing essential technology.
Conclusion
The future of Guinea’s higher education system hinges on bold and immediate action. Without a clear commitment to academic retention, curriculum reform, and digital transformation, the country risks further intellectual stagnation, deepening its dependency on foreign expertise. However, with the right investments and policy interventions, Guinea has the potential to reclaim its status as an intellectual leader in West Africa—a nation where higher education fuels innovation, prosperity, and national progress. The time for reform is now.
Diallo Alpha Abdoulaye
Directeur de la publication
Immeuble Baldé Zaïre, Kaloum
Tél.: (00224) 655 404 294 Conakry – Guinée