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ARSJPA: Quand le gendarme du hasard tire sur sa propre caisse !
Intéressant et cocasse ! Le directeur général de l’Autorité de régulation du secteur des jeux et pratiques assimilées (ARJSPA), Monsieur Mamoudou Cissé, dont l’existence institutionnelle repose sur les revenus générés par les jeux de hasard, se lance en croisade contre… les loteries ! Du moins contre les paris excessifs et l’implication des jeunes. Une posture qui force l’admiration, tant elle ressemble à un boucher militant pour le véganisme !
D’autant plus qu’il a constaté, statistiques à l’appui, que les jeux en ligne ont presque dépassé les jeux physiques grâce à l’évolution technologique. Résultat : il devient difficile de contrôler la participation des enfants. Mais qu’ils soient mineurs ou non, il assène un verdict sans appel : « Les jeux de hasard ne sont pas synonymes de réussite dans la vie. »
En substance, il poursuit : « Nous en appelons aux citoyens, aux enfants, de comprendre que le jeu de hasard n’est pas le chemin de la réussite. L’État accepte que les jeux se fassent parce qu’il n’a pas d’autre choix aujourd’hui. C’est pourquoi il les encadre en mettant en place une autorité de régulation dont l’une des missions principales est de sensibiliser et de veiller à ce que les jeunes ne s’adonnent pas à ça. Qu’ils n’abandonnent pas l’école en pensant qu’un ticket de jeu changera leur destin. C’est un risque, un danger pour leur éducation et leur avenir. »
Une sensibilisation salutaire même en ces temps de vie chère, certes. Mais voilà, malgré son sermon, le même directeur général a jugé bon de « donner des consignes aux sociétés de jeux de ne jamais permettre aux mineurs de jouer ». Comme si ces mêmes sociétés, dont la rentabilité dépend de l’addiction de leurs clients, allaient spontanément saborder leur propre modèle économique…
Mais surtout, une question dérangeante se pose : pourquoi revient-il au directeur général d’une structure dont l’existence et les ressources de fonctionnement — son salaire et celui de ses employés compris — dépendent justement de ces jeux de hasard, de mener une telle campagne de sensibilisation ? N’est-ce pas là une sorte de hara-kiri institutionnel ? Car enfin, ce sont précisément ces paris, y compris les plus excessifs, qui justifient son budget et son pouvoir de réclamer des pourcentages à la Lonagui.
Et pendant ce temps, où sont passés les « endormis » du ministère des Sports et de la Jeunesse, logiquement plus légitimes pour une telle campagne ? L’ARSJPA, en jouant ce double jeu, cherche-t-elle à se donner bonne conscience ou simplement à brouiller les pistes ?
Finalement, ce paradoxe rappelle ces hypocrites fabricants de cigarettes et d’alcool, contraints d’afficher « abus dangereux pour la santé » sur leurs produits… alors qu’en vérité, ces avertissements attisent souvent la curiosité et poussent à la consommation. Comme l’interdiction de la drogue qui n’en fait que plus désirer… On… parie combien que cette campagne de l’ARSJPA n’aura pas l’effet escompté ?
Abdoulaye Sankara, journaliste