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«Les actes valent mieux que les paroles. Dès l’aube de son indépendance, le destin de la Guinée semblait déjà tracé », Alpha Saliou Wann

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Non, les Guinéens ne voulaient pas la pauvreté ; ils aspiraient simplement à retrouver leur liberté et leur dignité.
N’oublions pas que c’est une puissance étrangère qui nous a rassemblés en un seul État.
Les Français ont conquis nos territoires par la force de leurs épées et en sont repartis par la force des urnes.
Nous aurions dû préserver cet héritage démocratique, qui garantit la transmission pacifique du pouvoir et le respect de l’État de droit.
Ce sont des élus de l’ère coloniale qui, parmi eux, ont désigné un chef de l’État pour conduire une transition devant aboutir à l’élection présidentielle de 1962.
Le 11 novembre 1958, l’Assemblée territoriale adoptait une Constitution garantissant les libertés fondamentales et consacrant la séparation des pouvoirs.
Mais cette Constitution a été piétinée par les nouveaux dirigeants, qui ont instauré un Parti-État, un régime de non-droit fondé sur la terreur.
Tous ceux et celles qui ont tenté d’exercer leurs droits politiques en créant un parti ou en se présentant à l’élection présidentielle ont été arrêtés et exécutés.
La justice, censée être le rempart des libertés individuelles, a été bafouée.
Les tribunaux de la République ont été ignorés au profit de juridictions parallèles, créées pour condamner ceux que le régime considérait comme des ennemis de la révolution.
Pourtant, aucun article de la Constitution du 11 novembre 1958 n’autorisait l’Assemblée nationale à se transformer en tribunal, ni à instaurer des cours spéciales pour juger les citoyens.
Toutes les arrestations et exécutions de cette sombre période étaient anticonstitutionnelles.
Voilà la racine du mal guinéen : l’irrespect des lois par ses propres dirigeants.
Dans notre pays, il n’existe aucune protection pour les citoyens.
Nos gouvernants nous ont traités bien plus durement que les colons français.
Ils nous ont confisqué les droits que nous avions acquis sous la colonisation.
Ils nous ont infligé et nous infligent encore aujourd’hui les traitements les plus inhumains et les plus dégradants.
Comment parler de dignité quand ceux qui dirigent le pays exécutent leurs propres compatriotes et les jettent dans des fosses communes sans sépulture ?
Qui parle des corps des soldats de la garde présidentielle tombés le 5 septembre 2021 ?
C’est cela, la question de la dignité de l’homme africain.
Ce sont ces actes ignominieux de nos dirigeants qui doivent être condamnés, car ils portent le sceau de l’indignité.
Soyons honnêtes avec nous-mêmes : qui peut être fier de tels dirigeants ?
Ils ont déstructuré et déshumanisé la société guinéenne.
Ils nous ont fait perdre nos repères moraux et nos valeurs ancestrales.
Mamadi Doumbouya appartient à cette troisième génération de dirigeants violents, corrompus et incompétents qui, par la force des armes, confisquent et piétinent nos droits et libertés inaliénables.
Mais, contrairement à ce que certains veulent nous faire croire, le peuple de Guinée ne se laisse pas faire.
Souvenez-vous de la révolte courageuse des femmes, le 27 août 1977, qui a profondément ébranlé le régime du PDG et l’a contraint à relâcher son étau sur le pays.
Cette mobilisation a marqué un tournant : elle a conduit à l’ouverture politique et diplomatique du pays, notamment la réconciliation avec Senghor du Sénégal, Houphouët-Boigny de Côte d’Ivoire, et même la France.
Que dire aussi des luttes épiques engagées par les étudiants dès 1990, et poursuivies par toutes les forces sociales et politiques jusqu’à aujourd’hui ?
Ces combats ont permis de restaurer les droits démocratiques perdus en 1958 : multipartisme politique et syndical, liberté de la presse et élections libres.
Les répressions sanglantes, avec leur cortège de morts, de blessés, de viols et de destructions, n’ont jamais brisé l’élan du peuple de Guinée.
Nous devons mettre fin à l’exception guinéenne.
Nous devons reprendre notre souveraineté populaire, confisquée depuis 1958.
Comment expliquer que parmi les pays africains ayant amorcé une transition démocratique au début des années 1990, la Guinée demeure l’un des derniers à refuser la démocratie ?
Nos forces armées sont les principales responsables de cette situation dramatique.
L’armée n’a pas vocation à faire de la politique.
Elle a l’obligation constitutionnelle de se soumettre à l’autorité du pouvoir civil.
Les officiers ghanéens et nigérians ont tiré les leçons de l’échec des régimes militaires des années 1960 à 1990.
Ils ont mis fin aux coups d’État et se sont engagés résolument sur la voie de la démocratie.
Le métier des armes repose sur une noblesse chevaleresque : servir sa patrie avec honneur et abnégation.
Un soldat n’a pas le droit de retourner son arme contre son peuple.
La parole d’honneur d’un officier militaire est sacrée.
Le jour où les militaires guinéens comprendront cela, la Guinée sera sauvée.
« Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent. »

Alpha Saliou Wann, AFD