Home A LA UNE Quand la puissance aveugle, l’humilité sauve ! (Par Abdoulaye Sankara)

Quand la puissance aveugle, l’humilité sauve ! (Par Abdoulaye Sankara)

0
SHARE

Quand la puissance aveugle, l’humilité sauve ! (Par Abdoulaye Sankara)

Il est des gestes qui, sans en avoir l’air, suffisent à se mettre à dos toute une population. C’est ainsi qu’un quidam fortuné, en pleine construction d’une sorte de bunker à Lambanyi-Wariya, a pris la liberté de bloquer une issue de route, forçant les riverains à faire de grands détours.
Qui ose un tel affront ? Un membre du CNRD ? Non, murmurent les habitants avec une crainte palpable, c’est « un des fils de Baldé Bodié ! » Je l’avoue, j’ignore qui est ce Baldé Bodié dont le nom semble résonner avec autorité, et moins encore qui est son fils qui s’arroge le droit de privatiser un passage public avec ses agrégats, briques et matériaux de construction. Mais une chose est certaine : il n’y a pas pire stratégie pour se faire haïr par ses futurs voisins.
Ce sont ces petits détails qui échappent aux puissants et qui les laissent interdits lorsqu’un malheur les frappe dans l’indifférence générale. Ce sont ces mesquineries anodines qui, au moment d’une manifestation populaire, transforment leur domicile en cible prioritaire. Devant leur incompréhension, la seule explication qui leur vient à l’esprit est : « c’est de la jalousie. » Pourtant, en cas d’élections, qu’ils ne s’étonnent pas si leurs propres voisins ne leur accordent pas le moindre suffrage.
L’humilité et le respect du voisinage comptent bien plus qu’ils ne l’imaginent. Prenons l’exemple du célèbre commissaire Socrate. Il a servi sous tous les régimes, de Sékou Touré à Alpha Condé, traversant les pires heures des répressions policières contre les manifestants. Pourtant, il résidait à Hamdallaye, un des foyers les plus bouillants de l’Axe, épicentre des contestations. Jamais son domicile n’a été pris pour cible. Loin de là, il était perçu comme un repère de stabilité et de respect.
J’en ai moi-même fait l’expérience. Une nuit, entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2010, ma voiture est tombée en panne en plein chaos de manifestations. Me rendre à mon domicile était envisageable, mais laisser mon véhicule sans protection était un pari risqué. Des jeunes du quartier m’ont alors soufflé la solution : garer la voiture en face, dans la cour du commissaire Socrate. « Personne n’osera y toucher, » m’ont-ils assuré. Ce fut fait. Et le lendemain, j’ai retrouvé mon véhicule intact.
Ce respect, Socrate ne le devait pas à son grade ni à son titre de grand commissaire, mais à son attitude envers son voisinage. C’est ainsi qu’il a été protégé tout au long de sa vie, jusqu’à sa mort naturelle.
L’opposé parfait de cette sagesse nous est donné par Sidya Touré et Bah Ousmane, deux figures politiques célèbres. Dans un débat de café à la Minière, j’ai entendu de jeunes riverains encenser Bah Ousmane pour avoir mis à disposition un tuyau d’eau potable à ses voisins, tandis qu’ils raillaient l’indifférence de Sidya Touré, pourtant doté aussi d’un forage chez lui.
J’appris aussi qu’il avait renvoyé un cuisinier burkinabè qu’il avait fait venir d’Abidjan, simplement parce que ce dernier s’était permis de cueillir un fruit sur un arbre de la cour pour le manger. Un tel détail peut sembler insignifiant aux yeux d’un homme de pouvoir, mais dans la mémoire populaire, ces petits faits construisent la légende… ou la disgrâce.
J’aimerais bien voir les statistiques des votes à la Minière pour comparer les scores de Sidya Touré et Bah Ousmane lors des élections présidentielles et législatives. Car en politique comme dans la vie, l’attitude vis-à-vis des « petites gens » finit toujours par peser plus lourd qu’on ne l’imagine.
Ainsi, la moralité qui se dégage est simple : la puissance, l’argent et le pouvoir offrent des privilèges, mais seule l’humilité bâtit une véritable citadelle humaine. Car si l’autoritarisme impose la peur, seule la considération inspire le respect. Et en cas de tempête, ce ne sont ni les murs élevés ni les hommes de main qui protègent, mais la bienveillance semée au fil des années.
Un homme respecté pourra toujours compter sur son entourage, même dans les pires tempêtes. Ce n’est ni l’argent ni la position qui garantissent la loyauté et la protection, mais bien la façon dont on traite son prochain au quotidien. À méditer.
Je suis artisan de paix !
Je viens en paix !
Je repars en paix !

Abdoulaye Sankara, journaliste