
À l’ouverture de son procès au Tribunal de première instance délocalisé à la Cour d’appel de Kankan, Bangaly Traoré, accusé du meurtre atroce de sa compagne Adama Konaté, a fondu en larmes. Une mise en scène aussi pathétique qu’indécente, vraisemblablement recommandée par sa défense, dans une tentative désespérée d’humaniser l’inhumain. Mais face à la cruauté d’un meurtre prémédité, ces pleurnicheries de prétoire ne sont qu’un outrage de plus à la mémoire de la victime. Aux yeux d’une opinion publique révoltée, cette pantomime constitue non une circonstance atténuante, mais une circonstance aggravante morale.
Adama Konaté, veuve, mère de famille, n’a pas eu droit à un plaidoyer, à un dernier mot ni à une mise en scène. Elle a été assassinée froidement, comme tant d’autres femmes dans ce pays, dans le silence assourdissant de ceux qui prétendent défendre leur cause. Où étaient ces militantes d’habitude si promptes à monter au front pour dénoncer une blague sexiste ou une gifle maladroite ? Cette indignation sélective est une insulte à toutes les victimes de violences réelles.
Le Code pénal guinéen est pourtant clair. L’article 239 dispose que « tout homicide commis avec préméditation ou guet-apens est qualifié d’assassinat » et passible de la réclusion criminelle à perpétuité. Dans ce cas précis, les témoignages et éléments à charge accréditent une préméditation glaçante. La loi, si elle doit être juste, doit aussi être ferme.
Ce drame n’est pas isolé. Il fait écho à d’autres féminicides passés sous silence dans nos sociétés :
En 2020, à Kindia, une jeune femme a été battue à mort par son conjoint sous prétexte d’infidélité supposée.
En 2022, à Labé, une autre a été étranglée par son mari sous les yeux de ses enfants.
Dans tous ces cas, la société s’est indignée brièvement, les associations féminines ont publié quelques lignes… puis le silence a repris ses droits.
Mais Adama ne sera pas une ligne de plus dans les statistiques. Son sang appelle justice. Et cette justice ne doit pas se laisser attendrir par les larmes d’un bourreau, ni s’émouvoir de la stratégie de défense d’un sadique. La peine maximale prévue par la loi doit être appliquée.
Car dans un État de droit, on ne pleure pas devant les juges : on paie ses crimes.
Justice pour Adama Konaté. Que son nom soit crié là où certains veulent l’oublier. Que son souvenir hante les consciences. Et que le silence des militantes à géométrie variable reste gravé dans l’histoire comme une abdication morale.
Abdoulaye Sankara, journaliste