Home A LA UNE « Quand la justice sert le pouvoir, la démocratie vacille !», Oumar...

« Quand la justice sert le pouvoir, la démocratie vacille !», Oumar Kateb Yacine (Tribune)

0
SHARE

Il est une institution qui ne tire jamais, mais qui tue. Elle ne braque pas, mais protège les criminels. Elle ne porte ni cagoule, ni uniforme, mais elle fait plus de dégâts que bien des dictateurs. Cette institution, c’est la justice.
Du moins, ce qu’il en reste.

Dans trop de pays — surtout en Afrique, mais pas uniquement — la justice a cessé d’être le rempart du droit. Elle s’est couchée. Elle a troqué son indépendance contre des privilèges, sa rigueur contre des ordres, sa robe contre un collier de soumission. Désormais, elle ne sert plus le peuple. Elle sert le pouvoir.

Les juges ne jugent plus. Ils exécutent.
Les procureurs n’enquêtent plus. Ils couvrent.
Les tribunaux ne protègent plus les citoyens. Ils persécutent les gêneurs.

Quand un opposant dérange, la justice frappe.
Quand un journaliste expose, la justice le muselle.
Quand un président falsifie la Constitution, la justice s’incline.

Et même, dans certains pays, elle va jusqu’à légaliser les putschistes, en les faisant prêter serment, sanctifiant ainsi le viol de l’ordre républicain. La justice devient alors l’encre qui blanchit les crimes, le sceau qui transforme le coup d’État en événement d’État.

Montesquieu disait : « Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois, et avec les couleurs de la justice. »
Et c’est précisément là que nous en sommes : dans une tyrannie peinte aux couleurs du droit, mais trempée dans le sang du peuple.

Dans ce théâtre lugubre, la démocratie devient une farce. Une mascarade cynique où les urnes masquent la tyrannie, où les robes cachent la lâcheté, où les lois servent à détruire les justes et à sanctuariser les corrompus.

L’impartialité ? Une illusion.
L’indépendance ? Une plaisanterie.
La justice ? Une fiction. Une fiction qui tue.

Car cette trahison a un prix. Un prix terrible. Elle détruit la confiance, pourrit les institutions, légitime l’injustice. Quand un ministre vole et reste libre, c’est toute l’administration qui pourrit. Quand un président se mure derrière des juges serviles, c’est tout l’État qui devient un cartel.

Et le citoyen, lui, n’a plus rien. Plus de recours. Plus de foi. Plus d’espoir.
Il comprend que la loi n’est qu’un mensonge. Alors il se tait. Ou il se révolte.

Et quand la loi ne protège plus personne, les armes prennent le relais.
Quand le droit est mort, seule la violence reste debout.

Les régimes qui manipulent la justice croient se renforcer. En réalité, ils creusent leur tombe. À force de condamner les innocents et de sanctifier les voleurs, ils sèment le chaos. Et le jour viendra où leurs palais ne seront plus assez hauts pour les protéger de la colère qu’ils auront nourrie.

Car une démocratie sans justice, ce n’est pas une démocratie. C’est une dictature déguisée. C’est un théâtre sinistre où le peuple paie l’entrée, mais ne voit jamais la sortie.

Aujourd’hui, ce théâtre brûle. Et ceux qui ont allumé l’incendie ne pourront pas fuir les flammes.

Oumar Kateb Yacine
Analyste-Consultant Géopolitique
Contact:bahoumaryacine777@gmail.com