Home A LA UNE Antoine Assalé: « les journalistes ne sont pas des magistrats »

Antoine Assalé: « les journalistes ne sont pas des magistrats »

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Libre opinion :

Notre rôle n’est pas de nous substituer aux policiers et aux magistrats. Notre rôle est de « lever les lièvres ». Et c’est celui de la société civile et des décideurs, de poursuivre et d’attraper ces lièvres.
Nous sommes des journalistes, nous n’inventons pas les informations, nous ne créons pas les informations, sous prétexte que chaque jour ou chaque semaine, le journal doit paraître.
Nous enquêtons et cela peut prendre le temps que ça doit prendre. Un mois, deux mois, six mois, etc.
Notre enquête sur la fraude dans la confection des documents administratifs (cartes grises, CNI, certificat de visite technique, timbres fiscaux, etc), a pris 18 mois. Sa publication a permis aux autorités de prendre conscience sur l’ampleur du phénomène. Des dizaines de personnes ont été arrêtées depuis. Il ne nous appartenait pas, dans cette affaire, de dénoncer qui que ce soit, à la police ou au procureur, ce n’est pas notre rôle.
L’enquête sur les véhicules non dédouanés a pris plusieurs semaines. Sa publication a conduit plusieurs personnes, y compris des fonctionnaires, en prison. Et des mesures ont été prises au plus haut sommet. Même si, jusqu’à ce jour, la douane n’a pas encore fait le point sur ce qu’elle a pu récupérer comme argent après la révélation de cette vaste fraude impliquant des autorités haut perchées dont « l’Éléphant Déchaîné », malgré les pressions, les menaces de procès et autres, n’a pas hésité à révéler les noms.
Il appartient donc aux autorités de faire leur travail, après les révélations des journalistes.
On ne peut pas nous accuser de quoi que ce soit. Dans l’affaire des véhicules non dédouanés, il appartient à la société de demander à la douane de faire le point.
La pratique du journalisme d’investigation, sous nos tropiques, n’est pas chose facile. La recherche d’informations crédibles et documentées coûte cher, il faut avoir de gros moyens, un vrai réseau de sources, de la patience, du courage, pour avancer. Et cela ne va pas sans risques, sans dangers. Les gens ne s’imaginent pas les risquent que courent les journalistes pour arriver aux résultats qu’ils lisent dans les journaux.
Combien d’Ivoiriens sont prêts à soutenir, par diverses contributions, un journal pour réaliser une enquête? Depuis plus de deux mois, plusieurs journalistes de l’éléphant déchaîné sont sur une enquête sur un dossier extrêmement sensible dans un milieu où il est impossible d’obtenir la moindre information sans sortir des centaines de milliers de francs chaque jour.
Et tous ces sacrifices pour quoi? Pour que, au final, une fois l’enquête publiée, au lieu d’acheter le journal, des gens le scannent pour le publier sur les reseau sociaux, pillent son contenu pour le publier sur de sombres sites internet, le louent à 50 ou 100 F, avec des vendeurs véreux, partagent la version électronique à tous leurs contacts à travers le monde.
Et on s’étonne après que le journal ne marche pas, que les ventes s’effondrent, qu’il ne publie plus de grands dossiers, qu’il ne soit plus percutant, etc.
Lebanco