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Coronavirus: la Chine de plus en plus isolée

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Des agents de sécurité à un poste de contrôle sur le pont de la rivière Jiujiang Yangtze dans la province de Jiangxi, en Chine, alors que le pays est frappé par une épidémie de coronavirus, le 1er février 2020.
Des agents de sécurité à un poste de contrôle sur le pont de la rivière Jiujiang Yangtze dans la province de Jiangxi, en Chine, alors que le pays est frappé par une épidémie de coronavirus, le 1er février 2020.

Le bilan du coronavirus ne cesse de s’alourdir : 304 décès, plus de 12 500 personnes contaminées. Le secrétaire du parti communiste de Wuhan a reconnu ce vendredi à la télévision nationale que les mesures pour enrayer l’épidémie n’avaient pas été prises au départ.

Plusieurs compagnies aériennes ont interrompu leur vol à destinations des mégapoles chinoises, rapporte notre correspondant à Pékin, Stéphane Lagarde. De son côté, la Maison Blanche vient d’interdire l’entrée aux États-Unis pour toute personne ayant voyagé en Chine dans les deux dernières semaines.

Pour les autorités chinoises, la décision américaine contredit l’Organisation Mondiale de la Santé qui appelait justement à éviter ces interdictions de voyager. Plus que cela, cette annonce constitue une véritable perte de face pour le régime de Pékin qui, après avoir beaucoup trop tardé à réagir, mobilise depuis une semaine tous les efforts de la nation avec des mesures jamais prises à cette échelle contre une épidémie : blocage des mégapoles, confinement de provinces entières, construction accélérée d’hôpitaux dédiés au traitement de l’épidémie, ou encore déploiement des médecins militaires et usines d’équipements médicaux tournant 24 heures sur 24 pour tenter de pallier le manque de personnel et de matériel dans les régions infectées.

« Les États-Unis se sont précipités dans la direction opposée aux recommandations de l’OMS, a regretté Hua Chunying, l’une des porte-paroles de la diplomatie chinoise. Et ce n’est certainement pas un geste de bonne volonté. » Ces avions qui tournent le dos au pays, ces frontières qui se ferment (États-Unis, Italie, Australie) laisseront probablement des traces dans la mémoire chinoise. Même si pour le moment, le slogan « Je suis Wuhanais » n’est pas plus entendu en Chine qu’ailleurs, les habitants du Hubei, épicentre de l’épidémie, étant considérés par certains comme des pestiférés.

Pendant ce temps, la grande évacuation des étrangers de Wuhan continue. Pour tenter de rassurer ceux qui restent, Pékin et Shanghai viennent d’ouvrir une ligne téléphonique en plusieurs langues. Objectif : donner aux étrangers encore présents sur le territoire des informations actualisées sur le virus, et l’adresse des hôpitaux où aller se faire soigner.

Le Vietnam a suspendu tous les vols avec la Chine, ainsi que l’Australie. Des décisions du même type ont déjà été annoncées par plusieurs pays, notamment l’Italie, Singapour ou la Mongolie. Côté américain, Apple va fermer ses magasins en Chine jusqu’au 9 février. La Russie, elle, la Russie impose désormais des visas aux touristes chinois

►À lire aussi : Coronavirus: tout le territoire chinois est désormais touché par l’épidémie

Une contagion un peu plus élevée que le SRAS et la grippe

Dans le monde entier, des chercheurs partagent leurs données pour mieux comprendre le virus et ainsi travailler sur des stratégies thérapeutiques, des candidats vaccins et orienter les décisions en matière de mesures sanitaires. Yazdan Yazdanpanah est spécialiste de l’infectiologie et de l’immunologie en France, au sein de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). « De jour en jour, on apprend, mais il y a encore des inconnues, explique-t-il au micro de Laura Martel. Par exemple, quand on est exposé au virus, combien de jours après développe-t-on la maladie ? On commence à le voir. Il semble que ce soit cinq jours. »

Quel est le taux actuel de mortalité du coronavirus ? « Je pense que c’est une donnée très importante, parce que c’est ça qui va nous permettre de réagir contre ce virus, poursuit Yazdan Yazdanpanah. Actuellement, selon les données dont on dispose, c’est 2% de mortalité. Il faut être prudent pour voir si c’est vraiment 2 %. »

Comment évaluer la transmission du virus ? « On regarde à combien de personnes est transmise la maladie par une personne, quand il n’y a aucune mesure de protection, précise le spécialiste. Pour la rougeole, c’est 15 à 20 personnes. Pour le SRAS, c’était deux personnes. Pour la grippe, c’est entre 1,5 et 2 personnes. Pour le nouveau coronavirus, c’est entre 2 et 3. Le dernier chiffre qui est sorti hier, c’est 2,2. Donc cela semble être un peu plus élevé que le SRAS et la grippe, mais par contre, cela n’a rien à voir avec une maladie contagieuse comme la rougeole. »

À Wuhan, on tente d’éviter la psychose

Comme à chaque situation de crise, les réseaux sociaux foisonnent d’informations en tout genre. C’est le cas depuis l’apparition du coronavirus dans la métropole chinoise de Wuhan. Comment faire le tri entre les sources fiables et les rumeurs ? Des précautions s’imposent pour ne pas sombrer dans la psychose.

« Avec mon collègue, un professeur de physique russe, on s’arrange pour se documenter et surtout pour voir l’évolution de l’ambiance, le comportement des gens, explique Samuel François, enseignant à la faculté de médecine de l’université de Wuhan, joint par Jelena Tomic. Et puis voir si le climat s’améliore ou pas. On fait cela de façon quotidienne. Ce que l’on a constaté tous les deux, c’est que les gens – les Wuhanais – gardent un sourire. Ce n’est qu’un virus, malgré sa virulence. Il passera. Rien ne sert de s’affoler puisque, de toute façon, ce processus suivra son cours. Par contre, il faut faire attention à ne pas ralentir ce processus, à le faire passer le plus vite possible. »

« Pour l’instant, effectivement, les choses n’ont pas suffisamment duré pour que l’exaspération se ressente partout, note l’enseignant français. Mais j’imagine, évidemment, que si les choses durent, là, cela risque de changer. On ne sent pas une peur générale dans la population. Les gens ont plutôt, pour l’instant, un flegme quasi-britannique, je dirais. »
Rfi