Home A LA UNE Alassane Ouattara envoie un message à son homologue guinéen Alpha Condé

Alassane Ouattara envoie un message à son homologue guinéen Alpha Condé

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Après avoir passé 9 ans à la tête de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a jugé inopportune le choix d’un troisième mandat. Un message clair à son homologue guinéen, Alpha Condé, qui est au terme de ses deux mandats mais en quête d’un troisième.

Mercredi 5 mars à Yamoussoukro, le président ivoirien, lors d’un discours devant les 352 parlementaires réunis en Congrès dans l’amphithéâtre de la Fondation Félix Houphouët-Boigny, a coupé court aux rumeurs lui prêtant l’intention d’un 3e mandat. Alassane Ouattara qui avait laissé planer le doute a déclaré « Tout au long de ma carrière, j’ai toujours accordé une importance particulière au respect de mes engagements. En conséquence, j’ai décidé de ne pas être candidat en 2020 ». Une décision qui est totalement en porte-à-faux avec la « mode » actuelle des chefs d’Etat africains qui prolongent leur bail au Palais par une révision opportuniste des lois fondamentales de leur pays.

Alpha Condé, le chef d’Etat « indispensable »
L’année 2020 a commencé par les renouvellements de mandant à la tête de plusieurs nations africaines. Le togolais Faure Gnassingbé, qui avait succédé à son père Gnassingbé Eyadéma après son décès en 2005, a été réélu pour un quatrième mandat. Très « indispensable » pour sa nation, le professeur Alpha Condé ne pense pas aussi quitter le pouvoir. Pourtant élu en 2010 à la suite d’événements tragiques, puis réélu en 2015, Alpha Condé veut faire basculer la Guinée dans une nouvelle République pour ne pas quitter le palais au terme de son second mandat comme le lui imposent les articles 27 et 154 de l’actuelle constitution d’une limpidité cristalline sur ce verrou de limitation.

En effet, l’accession au pouvoir en 2010 de M. Condé, opposant historique qui connut l’exil et la prison et fut condamné à mort par contumace, a marqué l’instauration d’un gouvernement civil. Alpha Condé, 81 ans, est ainsi le premier président démocratiquement élu du pays. Normalement, son deuxième et dernier mandat s’achève en octobre 2020, même période que son homologue ivoirien, Alassane Ouattara. Concours de circonstance, les deux chefs d’Etats ont accédé au pouvoir au prix du sang de nombreux de leurs compatriotes.

En Guinée, la modification en 2001 de la Constitution de 1993 constitua le point de départ d’une longue période de crise ponctuée de soulèvements populaires et de répressions policières. La répression de ces soulèvements a atteint son paroxysme avec le massacre du 28 septembre 2009 dans le stade du même nom à Conakry, avec au moins 150 personnes tuées, une centaine de femmes violées et autant de personnes portées disparues. Par rapport à la Cote d’Ivoire, la crise de 2010-2011 a débuté après le second tour de l’élection présidentielle ivoirienne de 2010, le premier scrutin depuis 10 ans, dont le résultat a amené à un différend électoral, à la suite de fraudes présumées. Les deux candidats, Laurent Gbagbo, président sortant et reconnu par le Conseil constitutionnel, et Alassane Ouattara, reconnu par la Commission électorale indépendante et la communauté internationale, avaient revendiqué chacun la victoire. Résultat, plus de 3 000 morts imputés aux deux camps (Gbagbo et Ouattara).

Mandats au-delà de la limite constitutionnelle, la nouvelle « folie démocratique » en Afrique
Paul Kagame du Rwanda, Edgar Lungu de la Zambie, Faure Gnassingbé du Togo, Azali Assoumani des Comores, Denis Sassou-Nguesso de la République du Congo, Pierre Nkurunziza du Burundi, Ismaël Omar Guelleh du Djibouti, Idriss Deby Itno du Tchad, Paul Biya du Cameroun… la liste n’est pas exhaustive. L’Afrique regorge de « talents réformateurs de la constitution » pour des mandats au-delà de la limite constitutionnelle. La démocratie est ainsi « contextualisée à l’africaine », non pas pour un objectif de développement, mais pour une appétence pour le pouvoir. Et tous les moyens sont bons pour ces chefs d’Etat pour parvenir à leurs fins. Ni la pression de la communauté internationale, ni celle de la rue, encore moins celle de l’opposition n’effrite l’ardeur de ces chefs d’Etat. N’en déplaise aux nombres de morts, ces dirigeants sacrifient tous sur leur passage pour assouvir leur désir de s’éterniser au pouvoir.

Si le cas ivoirien vient de donner un lueur d’espoir pour la population qui craignait déjà les élections de 2020, le cas de la Guinée Conakry demeure extrêmement préoccupante. A la tête d’un pays dont près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, M. Condé continue de faire la sourde oreille aux appels du Front national pour la défense de la constitution (FNDC), des groupements de partis d’opposition, des syndicats, de la société civile, de la communauté internationale. Et pourtant, il a succédé à 24 ans de règne d’un régime autoritaire. Accueilli en messie, Alpha Condé, 81 ans, semble vouloir faire de ses opposants ce que le régime défunt de Lansana Conté avait fait de lui.

Interrogé en avril 2019, lors d’une conférence à Abidjan, sur ses intentions à propos d’une éventuelle candidature à un troisième mandat, le président ivoirien Alassane Ouattara avait déclaré: « J’ai toujours cru qu’il faut un renouvellement de génération en Afrique. 75 % des Africains ont moins de 35 ans. Le président français a 40 ans, mon fils aîné a 52 ans. Il est clair que, pour moi, la voie va vers un transfert à une nouvelle génération ». Mais son homologue Alpha Condé n’a rien compris de ce message et choisit de mettre en péril l’unité et la paix en Guinée au profit de ses intérêts partisans et égoïstes.

Afp