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Est-il vrai qu’un migrant touche 600 euros par mois et peut prétendre à 875 euros de retraite sans avoir jamais cotisé?

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Les chiffres, cités sur LCI par l’éditorialiste André Bercoff, sont imprécis et trompeurs.

Question posée par Marc le 28/11/2019

Bonjour,

Votre question renvoie à des chiffres cités sur LCI, vendredi, par l’éditorialiste André Bercoff. Evoquant la situation des agriculteurs français, il lui a opposé celle des «migrants» (sic). Voici sa déclaration : «Un migrant qui arrive en France reçoit 600 euros par mois. Il faut savoir que ceux qui n’ont jamais cotisé pour leur retraite, puisqu’on parle de retraite, et qui arrivent en France, sans jamais avoir cotisé et travaillé en France reçoivent aujourd’hui, 875 euros par mois, et en couple 1 100 euros par mois. Il faut savoir de qui on s’occupe 

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André Bercof mélange ici plusieurs dispositifs, et se montre imprécis à la fois quant aux bénéficiaires ou aux montants.

Un demandeur d’asile logé perçoit 204 euros, par mois

Tout d’abord, il est imprécis de dire qu’un «migrant» touche une aide, ce terme flou ne désignant rien. Ce qui est vrai, c’est qu’un demandeur d’asile va toucher une aide. Ce n’est pas là une spécificité hexagonale, puisque les textes européens exigent des Etats membres qu’ils assurent l’hébergement et la subsistance des demandeurs d’asile sur leur territoire.

En France, un demandeur d’asile va percevoir pendant la durée de l’examen de sa demande (et uniquement pendant cette période) l’ADA (aide aux demandeurs d’asile).

L’aide est de 6,80 euros par jour pour un demandeur logé dans un centre (sans nourriture fournie). Soit 204 euros. Un montant supplémentaire de 7,40 euros est octroyé si le demandeur n’a pas de place d’hébergement. Ce qui amène alors le montant total de l’aide à 14,20 euros par jour, soit 426 euros par mois. Dans les deux cas, le montant de 600 euros évoqué par André Bercoff est donc inexact.

Par comparaison, un demandeur d’asile au Royaume-Uni se verra proposer un hébergement ainsi qu’une aide hebdomadaire de 37,75 livres (soit environ 170 euros par mois, contre 204 euros en France, pour payer également sa nourriture). Un tout petit peu moins qu’en France, donc. En Allemagne, l’aide est de 135 euros par mois, pour un célibataire logé dans un centre. Mais s’il perçoit 70 euros de moins qu’en France, le demandeur d’asile (à la différence du demandeur en France) sera nourri dans son centre d’hébergement, et doté de vêtements et produits sanitaires.

Allocation de solidarité aux personnes âgées

Le deuxième chiffre (875 euros, en fait 868 euros) cité par André Bercoff correspond à l’Aspa (allocation de solidarité aux personnes âgées), qui n’est pas spécifique aux étrangers, mais peut leur être ouverte. Cette aide, qu’on appelle parfois encore de son ancien nom de «minimum vieillesse», est un dispositif de solidarité venant en aide aux plus démunis.

Elle n’est pas contributive, ce qui signifie qu’elle peut effectivement être perçue par des personnes qui n’ont jamais travaillé et cotisé. Pour autant, sur les plus de 500 000 bénéficiaires du dispositif, une très grande majorité a déjà cotisé. En 2018, seuls 67 000 de bénéficiaires n’avaient jamais cotisé. A ces personnes n’ayant jamais cotisé, l’Aspa est versé par le Saspa, rattaché à la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Sur les 67 097 allocataires bénéficiant de l’aide au 31 décembre 2018, et n’étant rattaché à aucun régime de retraite, on comptait 32,6 % d’étrangers hors espace économique européen.

Pour accéder à l’Aspa, les étrangers doivent remplir certaines conditions. Il faut qu’ils soient en situation régulière et détenir depuis au moins dix ans un titre de séjour autorisant à travailler (1). Il est donc un peu trompeur de dire comme André Bercoff que l’aide profite à ceux «qui arrivent en France», ce qui laisse supposer une automaticité et une immédiateté qui n’existe pas.

Précision importante, l’Aspa est une aide différentielle. L’objectif du dispositif est de porter le revenu à un minimum, fixé à 868 euros par mois (10 418 par an) pour une personne seule, et 13 47,88 euros (16 174 euros par an) pour un couple. Le montant qui est accordé est égal à la différence entre le montant de l’Aspa et le montant de vos ressources.

Par exemple, si une personne perçoit 8 000 € par an, le montant de l’Aspa est déterminé ainsi :10 418,40 € – 8 000 € = 2 418,39 € par an.

En résumé : l’ASPA et une aide qui permet aux personnes âgées les plus démunies, qui n’ont pas ou peu travaillé, de percevoir un minimum pour vivre. L’aide concerne les personnes de nationalité françaises, mais aussi les étrangers s’ils sont en situation régulière et remplissent certaines conditions.

Cordialement

(1) Cette antériorité de séjour n’est pas exigée pour les réfugiés, apatride, bénéficiaires de la protection subsidiaire, personnes ayant combattu pour la France et ressortissants d’un État membre de l’Espace économique européen…

Libération