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La si préoccupante crise politique guinéenne

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Les manifestations a Conakry charrient leur lot de victimes, le tribut a une crise politique majeure pour la Guinee.
Les manifestations à Conakry charrient leur lot de victimes, le tribut à une crise politique majeure pour la Guinée.

La répression a eu raison de la contestation guinéenne. Après trois jours de manifestations ayant fait au moins trois morts, le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), le collectif de partis, de syndicats et de membres de la société civile qui mène la protestation depuis trois mois contre un éventuel troisième mandat d’Alpha Condé, « suspend à partir de ce jour 15 janvier 2020 les manifestations », selon un communiqué publié mercredi soir. À travers cette suspension, le parti vise à « procéder dans le calme à l’enterrement de nos victimes et permettre aux Guinéens de se réapprovisionner » en produits de consommation. Lundi, il avait pourtant appelé à une mobilisation « massive » et « illimitée » à travers le pays. Les victimes de cette semaine s’ajoutent donc à la vingtaine de civils tués depuis le début de la mobilisation, mi-octobre.

La diplomatie internationale inquiète
Une situation qui fait réagir à l’international. Devant la commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a notamment appelé à « l’apaisement » cette semaine, tout en affirmant être « particulièrement soucieux de la situation en Guinée ». « C’est la situation la plus sensible aujourd’hui [dans la région] et l’engagement du président Alpha Condé à demander une réforme de la Constitution ne nous paraît pas être obligatoirement partagé ni par sa population ni par ses voisins », a-t-il souligné. L’opposition en Guinée est en effet convaincue qu’Alpha Condé, élu en 2010 et réélu en 2015, entend se représenter fin 2020 alors que la Constitution limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Elle a été confortée dans ses craintes en décembre quand le chef d’État guinéen, 81 ans, a indiqué qu’il comptait soumettre aux Guinéens un projet de nouvelle Constitution, même s’il ne s’est pas exprimé sur ses intentions personnelles.

L’homologue de Jean-Yves Le Drian, Mamadi Touré, n’a guère apprécié la réaction française. Vendredi, il a rétorqué que « la République de Guinée, respectueuse de la souveraineté de tous les États, reconnaît le droit de tous les peuples du monde de faire le choix de leur avenir et de décider de leur destin. Tout comme ouverte aux débats et à la contradiction propre à la démocratie, la Guinée reconnaît à chacun de ses citoyens et à d’autres le droit et la liberté de donner leurs points de vue sur n’importe quel sujet qui ne peut faire l’unanimité dans aucun pays et dans aucune société démocratique ». « Dans le respect des lois qui la régissent, la République de Guinée rassure tous ses partenaires que ses choix tiendront compte, dans la transparence et l’équité, dans la volonté du peuple seul souverain, de ses engagements internationaux », a-t-il rappelé à la télévision nationale.

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Du côté des États-Unis, le ton est le même. Tout en rappelant sa relation amicale avec le président Alpha Condé, Tibor Nagy, le secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines, affirme : « c’est une chose de modifier sa Constitution en donnant la parole au peuple et en suivant un processus clair. Mais là où nous avons un problème, c’est quand les dirigeants changent une Constitution uniquement pour se maintenir en place », déplore-t-il sur les ondes de RFI. « Nous surveillons cela de très près. Il y a eu des événements très inquiétants, avec des violences, des manifestations violentes et une répression violente. Notre ambassadeur est très impliqué et, à Washington, on regarde également cela de très près. » Sur le changement de Constitution proposé aux Guinéens, Tibor Nagy tâtonne. « Dans ma position, il est très inconfortable de dire : ceci peut avoir lieu ou pas, ceci est bien ou mal. Car au bout du bout, ce n’est pas aux autres pays ou à quiconque d’autre de décider, c’est au peuple. Le pouvoir doit rester au peuple. »
Lepoint.fr